Histoire de la pilule, Libération ou enfermement

La récente abrogation de l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis, Roe v. Wade, laissant aux états la liberté de décider de leur législation en matière d’avortement ainsi que les menaces sur la contraception ont redonné une actualité brûlante à l’ouvrage des universitaires Myriam Chopin et Olivier Faron.


Si le sujet peut paraître incongru de prime abord, il s’inscrit en réalité dans une tradition historiographique bien établie, celle de l’histoire économique et sociale. D’ailleurs Myriam Chopin a fait des rebellions urbaines et de l’interculturalité, ses axes de travail. Car avec la pilule, il s’agit bien d’une rébellion, d’une révolte contre une société qui a trop longtemps enfermé, aliéné le corps des femmes et leur positionnement dans la société. S’appuyant sur un certain nombre de témoignages d’acteurs qui constituent une réelle plus-value, le livre avance avec pédagogie et rythme.

Après une partie historique qui permet de replacer la pilule dans une perspective longue, le livre brille par sa volonté d’insérer le contrôle des naissances dans les bouleversements sociétaux qui s’engagèrent dès les années 60. Il revient évidemment sur les lois Neuwirth (1967) et Veil (1974), cette dernière apportant selon les auteurs « une reconnaissance légale et institutionnelle définitive à la pilule ».

Chaque remède contenant son propre poison, Myriam Chopin et Olivier Faron constatent également que la banalisation de la pilule entraîna de nouveaux défis et des problématiques inattendues. D’un instrument d’émancipation sexuel, la pilule s’est ainsi muée en vecteur d’émancipation matriarcale tandis que les tenants d’une opposition au contrôle des naissances gagnaient en puissance jusqu’à la décision récente de la Cour suprême.  Le poison a fini par absorber le remède. Avec leur livre, Myriam Chopin et Olivier Faron nous délivrent ainsi moins un essai historique qu’un avertissement.

Par Laurent Pfaadt

Myriam Chopin, Olivier Faron, Histoire de la pilule, Libération ou enfermement
Chez Passés composés, 288 p.