Histoire d’hôtels : Le Bristol de Vienne

UNSPECIFIED – CIRCA 1936: State visit of Edward VIII, in Austria, Arrival in front of the hotel in Bristol, Photograph, Vienna, 1936 (Photo by Imagno/Getty Images) [Staatsbesuch des englischen Königs Edward VIII, in Österreich, Ankunft vor dem Hotel Bristol, Photographie, Wien, 1936]
Une pop star vient
d’arriver au Bristol.
Un membre du
personnel,
parfaitement cintré
dans son uniforme
noir, précède cette
dernière dans
l’ascenseur et tourne
une clef. Mais ce
dernier se referme
sans le prestigieux
client. Confuse,
l’hôtesse revient
avec l’ascenseur
chercher Lionel Richie qui attend seul dans le lobby. Les portes
s’ouvrent. Le chanteur américain sourit et lance : « Hello. Is it me
you’re looking for ? » 

A l’image de cette anecdote, pénétrer dans l’ascenseur de l’hôtel
Bristol de Vienne et monter les étages successifs, revient à effectuer
à chaque instant un voyage dans le temps. Dans l’Histoire. De la
chambre la plus simple en passant par les suites les plus mythiques
ou celles du sixième étage situées dans les tours de l’hôtel et très
prisées des jeunes mariés qui, depuis leur salle de bains, peuvent y
observer la cathédrale St Etienne, aucun lieu ne laisse insensible.
Avant Lionel Richie, toute une pléiade de grands musiciens (de
Richard Strauss à Paul McCartney en passant par Leonard Cohen ou
George Gershwin), d’écrivains (Francis Scott Fitzgerald, Romain
Rolland, Peter Handke), d’acteurs (Richard Burton, Bruno Ganz,
Sigourney Weaver) et de personnalités politiques (Kofi Annan, Juan
Carlos d’Espagne ou Henry Kissinger) ont illuminé depuis 1892 ce
lieu mythique qui compte aussi en son sein une table réputée et
distinguée par le Gault et Millau et le guide Michelin.

De la petite histoire à la grande, il n’y a qu’un pas qu’il est aussi aisé
de franchir que de changer d’étage. Arrêt devant la suite 174 dite
Prince of Wales où dormit à plusieurs reprises celui qui n’était alors
que prince de Galles, le futur Edouard VIII, en compagnie d’une
Wallis Simpson qu’il fallut cacher du grand public. D’ailleurs, la
discrétion reste toujours de mise au Bristol. N’espérez pas de détails
croustillants de la part d’un personnel entièrement dévoué à ses
clients, attentif à chaque détail, à chaque habitude, donnant ainsi
l’impression à ces derniers de faire partie d’une même famille.

En août 2013, un autre prince de Galles, Charles, ayant lui aussi
épousé une femme divorcée sans que cela n’entraîne un scandale
similaire – autres temps, autres mœurs – se rendit à Vienne.
Pendant plusieurs semaines, tous les tabloïds britanniques
envisagèrent la possibilité qu’il puisse dormir dans la suite de son
ancêtre qui avait renoncé au trône pour une affaire de coeur mais
également pour ses sympathies envers Adolf Hitler. Finalement, le
prince Charles choisit un autre hôtel.

Après la seconde guerre mondiale, le Bristol devint le quartier
général des forces armées américaines dont il est encore possible de
voir les marques des fusils sur les rambardes qui courent le long de
l’escalier principal. C’est peut-être ces souvenirs et ces lieux
emblématiques de leur histoire européenne que viennent chercher
les clients fortunés américains, préférant ainsi le Bristol à ces hôtels
contemporains où se concentrent les nouveaux riches. Ils aiment y
retrouver l’ambiance de ces années tumultueuses au bar de l’hôtel
avec ses airs de nid d’espions et sa moquette léopard, premier bar
américain de Vienne où le barman vous sert directement, et y
déguster le fameux Bristol royal, cocktail à base de liqueur de cerise,
ou un verre de vin de Styrie. Croisant diplomates, touristes
européens, businessmen japonais, ou Viennois d’un jour affublés de
costumes en tweed, de tailleurs Chanel ou de simples casquettes de
baseball, tous les visiteurs s’imprègnent ainsi de cette atmosphère
unique qui a quelque chose d’une tour de Babel contemporaine.

Ici, les étoiles sont sur les murs, dans les chambres et dans les yeux
et les oreilles de tous ceux qui ont vu un Tom Cruise s’échappant de
l’opéra voisin avec le Bristol en fond dans le cinquième opus de
Mission : Impossible (Rogue Nation) ou qui ont admiré la soprano
Angela Gheorgiu dans Tosca. Ceux qui n’ont pas voulu se rendre au
Staatsoper voisin, peuvent, aux beaux jours, depuis leur chambre
voir l’opéra sur le grand écran installé face à l’hôtel. Quant aux plus
chanceux, ils ont pu attraper quelques airs de répétition en passant
devant la chambre de la diva. Mais derrière ces portes, d’autres
secrets continuent à y être échafaudés, comme ceux des
négociations sur l’accord nucléaire iranien, conclu à Vienne en juillet
2015 entre les ministres des affaires étrangères des cinq membres
du conseil de sécurité des Nations-Unies et de l’Allemagne dont
John Kerry, secrétaire d’Etat du président Obama qui certainement
se souvint qu’ici, soixante ans auparavant, se trouvait le siège de
l’ambassade des Etats-Unis. Façon de dire qu’aujourd’hui, comme
hier, l’Histoire continue de s’écrire au Bristol…

Par Laurent Pfaadt

Informations : WWW.BRISTOLVIENNA.COM