Humain, trop humain

Courtesy Musée RODIN © Photo Éric Simon

Une magnifique
exposition au
Grand Palais
célèbre le
centenaire de la
mort de Rodin 

C’est une foule
nombreuse qui
vous accueille dès
l’entrée de
l’exposition. Il y a là des noirs plutôt bien charpentés, des barbus
pas très avenants, des blancs inquiets et un grand bonhomme à
qui tout ce spectacle a fiché une peur bleue. Bien entendu, il ne
s’agit pas des visiteurs de l’exposition célébrant le centenaire de la
mort de Rodin au Grand Palais mais bel et bien des statues de
plâtre, de bronze et de marbre du maître ainsi que celle de
Baselitz.

Raconter une œuvre aussi gigantesque et protéiforme que celle
d’Auguste Rodin relevait presque de l’exploit tant le génie du
sculpteur a écrasé son temps avant d’influencer tant d’autres
artistes. L’exposition y parvient toutefois en mêlant chefs d’œuvre
intemporels et œuvres moins connues. Certes, la Porte des enfers
est restée à Meudon mais les plâtres ainsi que le Penseur qui
recueille assurément tous les suffrages photographiques ou
Ugolin, permettent d’approcher au plus près ces incroyables
sentiments humains figées dans un regard, dans un muscle. La
détresse d’Ugolin est palpable, celle de ce père défait de toute
dignité, terrassée par la culpabilité du geste irréparable qu’il
s’apprête à commettre. Plus loin même le Christ redevient, sous
les doigts de Rodin, un homme avant d’être le fils de Dieu, un
homme capable d’amour charnel envers cette Madeleine qui
s’enroule autour de lui dans un merveilleux geste d’affection.

D’autres œuvres expriment cette incroyable poésie propre à
Rodin qui prend la forme d’une sensualité inédite dans le tracé de
ces corps féminins sublimés comme celui de la Faunesse à genoux.
Cette exaltation de la féminité bouleversa d’ailleurs en
profondeur la représentation de la femme dans la statuaire et
allait influencer tant d’artistes.

Indiscutablement, il y eut un avant et un après Rodin. C’est à cela
que s’attache à démontrer l’exposition du Grand Palais en faisant
cohabiter des œuvres contemporaines avec des sculptures ou des
dessins de Rodin. Brancusi, Maillol ou Matisse affichent ainsi leurs
liens évidents avec Rodin. Mais c’est dans la création
contemporaine que la filiation est la plus intéressante à observer,
notamment chez Jean-Paul Marcheschi et surtout dans la
magnifique Chaise esseulée de Tracy Emin. Le critique d’art
Gustave Geffroy affirmait ainsi dans cette épitaphe qui ouvre
l’exposition que « dès qu’il vint, tout le monde comprit que quelque
chose de grand, qui avait été oublié, recommençait. Il nous a rendu la
vie. »
Et ce n’était pas les statues qui parlaient…

Rodin, l’exposition du centenaire,
Grand Palais,
jusqu’au 31 juillet 2017

Laurent Pfaadt