La Baltique, le temps d’une saison

gidon kremerVoyage dans les saisons de Philip Glass en compagnie de
Gidon Kremer

Ce disque c’est un peu la rencontre entre deux géants : Philip Glass, compositeur mondialement connu pour ses musiques de films (The Hours, le Rêve de Cassandre de Woody Allen) et ses œuvres inclassables comme l’opéra Akhnaten ou sa troisième symphonie et Gidon Kremer, l’un des plus grands violonistes du monde. A l’aise dans tous les répertoires, de Bach qu’il a magnifiquement interprété aux côtés notamment de l’Academy of St Martin-in-the-Fields, à John Adams, Gidon Kremer n’a jamais négligé la création contemporaine, bien au contraire.

Ce disque est un nouveau témoignage de l’attachement viscéral du virtuose aux œuvres de son temps. A la tête de « son » orchestre, la Kremerata Baltica qui réunit des musiciens des pays baltes – il est lui-même letton – et qui s’est spécialisé dans la création d’œuvres contemporaines, Gidon Kremer propose ainsi plusieurs œuvres de compositeurs de notre temps : Philip Glass, Giya Kancheli, Arvo Pärt et Shigeru Umebayashi.

Kremer a toujours eu un rapport particulier avec Philip Glass. Son enregistrement du premier concerto pour violon – il fut le premier à le graver chez Deutsche Grammophon en 1993 avec le Wiener Philharmoniker dirigé par Christoph von Dohnanyi – constitue déjà une référence. Il récidive avec ce deuxième concerto dans lequel le compositeur a voulu s’inspirer des Quatre saisons de Vivaldi, baptisé à juste titre The American Four Season. 

En plus d’être un hommage à l’œuvre du compositeur vénitien avec ces changements de rythmes (n’oublions pas qu’il s’agissait à l’origine de quatre concertos différents) et l’utilisation du clavier qui trace une continuité musicale toute symbolique, la musique de Glass constitue une réflexion sur la notion de temps.

Si les Quatre saisons de Vivaldi reposaient sur les changements de temps et de climat propres aux saisons, les saisons américaines de Glass se concentrent sur la temporalité même de la nature, de ce temps qui s’écoule lentement, inexorablement. Le maître de la musique répétitive qu’il est, utilise avec brio et à dessein son art dans une œuvre réussie qui questionne aussi bien l’évolution des êtres vivants que le renouvellement perpétuel de la nature.

Le violon de Gidon Kremer joue ainsi ce rôle de métronome qui évoque inlassablement le temps qui s’écoule comme dans un sablier, versant parfois dans le tragique pour évoquer le caractère unique des choses qui disparaissent.

D’ailleurs, le virtuose poursuit son exploration musicale en interprétant trois œuvres d’Arvo Pärt, de Giya Kancheli où l’instrument se fait la voix d’une longue plainte primitive (Ex Contrario) et enfin de Shigeru Umebayashi qui clôt avec son Yumeji’s theme utilisé par Wong Kar-Waï, ce voyage temporel passionnant.

New Seasons – Glass, Pärt, Kancheli, Umebayashi, Kremarata Baltica, Gidon Kremer, Deutsche Grammophon.

Laurent Pfaadt