La guerre de Troie aura bien lieu

Un seul ouvrage réunissant les
récits homériques.
Toute une odyssée.

Qui n’a pas, enfant, après avoir lu
L’Iliade ou L’Odyssée, rêvé
d’endosser les armures d’Achille
ou d’Ulysse pour répéter les
exploits des héros ? Qui n’a pas,
devenu adulte, frémi devant les
vers du barde le plus célèbre de
l’histoire et rêvé de déclamer «
Laissons le passé être le passé »
ou
« De sa tête elle fit descendre ses
cheveux en boucles, pareils à la fleur de jacinthe »
?

De ces deux recueils de vers, il en est bien entendu question dans
Tout Homère qui combine une nouvelle traduction de L’Iliade signée
Pierre Judet de La Combe qui véritablement sublime le lyrisme
inhérent à l’œuvre et la version mythique – si j’ose dire – de
L’Odyssée de Victor Bérard. Mais l’ouvrage contient un trésor
autrement plus important que celui de Troie : tous ces textes
ignorés d’Homère ou que la tradition lui rattache et qui apportent
des éclairages complémentaires à ceux déjà connus. Ainsi, les vies
d’Homère avec ces épisodes qu’enfant, nous avons imaginé
comme le combat de Penthésilée, reine des Amazones et d’Achille,
prennent ici vie. A l’image de la tapisserie de Pénélope se
déroulant lentement sous nos yeux, le récit libère ces épisodes et
ces vers qui le rendent, au fur et à mesure, plus net.

A la différence de la seule lecture de L’Iliade ou de L’Odyssée, Tout
Homère
est l’archétype même du livre du livre de chevet. On y
entre à n’importe quelle page, dans les deux poèmes bien entendu
pour apprécier leur force, mais également dans le lexique pour
raconter à son fils, l’histoire de tel personnage de la guerre de
Troie ou de tel mythe. Tout Homère est à la fois un traité de
philosophie, un recueil de poésies, un livre d’histoire ou un roman
d’heroic-fantasy. D’ailleurs Hélène Monsacré qui a coordonné ce
travail colossal ne dit pas autre chose : « pourquoi lire dans l’ordre ?
Pourquoi vouloir des débuts et des fins ? »

Mais alors pourquoi lire Homère ? Pourquoi est-il, près de 2800
ans après sa codification, toujours aussi moderne, toujours aussi
attractif ? Parce que les idées et les valeurs qu’il véhicule comme
la fidélité ou l’accueil de l’étranger demeurent toujours aussi
prégnantes de nos jours. Les diverses crises et conflits que
l’humanité a vécu viennent ainsi nous rappeler l’actualité de ce
qu’Homère a sublimé et a inscrit dans le marbre des civilisations
et qui, en se replongeant dans ce volume, doit nous permettre, en
ces temps agités, de replacer aux frontons de nos sociétés. Car, à y
regarder de plus près, Tout Homère serait un peu une Bible laïque,
éthique qui devrait guider nos actions, offrir à nous humains, des
préceptes de vie. La pérennité des mythes d’Homère tient donc
aux paraboles qu’il a introduit, car comme le rappelle Heinz
Wismann, le grand philosophe franco-allemand, dans sa postface,
« lire Homère nous incite à nous interroger sur le rapport qui existe
entre mythe, mythologie et philosophie »

Avec cet ouvrage, les Belles Lettres, formidable mausolée
littéraire et indispensable passeur des auteurs antiques qui ont
forgé nos sociétés modernes, closent leur centenaire avec celui
qui les a tous inspiré, avec celui qui continue de nous inspirer.

Par Laurent Pfaadt

Tout Homère, sous la direction d’Hélène Monsacré,
Albin Michel/Les Belles Lettres, 1296 p.