La mer est ma nation

La mer est ma nation
©Joseph Banderet

Territoire en détresse

Un abri de fortune sur pilotis et un couple. L’homme, tyran
domestique maniaque, ordonnance ce minuscule territoire de
dénuement : un dépotoir pas loin de la mer. La femme exécute ses
directives qui préservent un semblant de civilité. Ils évoquent les
déchets alentour – mais le public ne verra qu’une nappe de fumée
stagnant en permanence sur le plateau – et les étrangers qui rôdent.
Contre l’invasion des premiers, ils sont impuissants, contre les
seconds, ils installent une clôture de barbelés…

Surgissent deux femmes, une mère et sa grande fille. Elles sont à la
fois des intruses et une socialité possible. Elles fuient une misère
encore plus grande : une fatalité qui pousse, pour survivre, à
s’approprier la barbarie des bourreaux (récit glaçant de Murielle
Colvez). Au bout : la folie. Une folie ordonnée qui amplifie la
barbarie !

Reste la mer, l’espoir d’un ailleurs, qui devient une quête de soi avec
au bout un possible chez soi. Seule la plus jeune s’y accroche, rêvant
d’échapper à la fois à la misère et au poids de la tradition.

Le bruissement du noir installe lentement chaque scène, fait
émerger les corps mangés par cette vapeur et leurs voix faites chair.
Ces fumées ont une odeur, une moiteur et cette palpitation de la
pénombre immerge le spectateur dans un séduisant espace théâtral.

Deux belles options de mise en scène qui font mesurer la distance
entre le spectacle vivant et sa captation (respectueuse du projet au
demeurant) filmée sur le plateau de la Filature avant la mise en ligne
pour les festivaliers.

avec Soleïma Arabi, Murielle Colvez, Marianne Deshayes,
Miglen Mirtchev
texte : Hala Moughanie
mise en scène : Imad Assaf
scénographie & costumes : Manon Grandmontagne
lumières : Vivien Niderkorn
son : Didier Léglise

La Filature / Les Vagamondes 2021, captation accessible
gratuitement jusqu’au 31/01 :
https://www.youtube.com/watch?v=XkOGQ56UKcY&feature=emb_logo