La Néfertiti de l’alto

La résurgence, à la faveur du mouvement #metoo, de figures féminines oubliées et la prise de pouvoir d’artistes féminines qui n’a que trop tardé dans cette musique classique longtemps écrasée par la figure du compositeur et du chef d’orchestre masculins, donne à notre époque un côté archéologique assez palpitant. Des labels, des musiciens, nouveaux Indiana Jones des notes, exhument des trésors et produisent des enregistrements qui dépoussièrent une musique classique qui se cherche. Le label Aparté nous révèle ainsi Rebecca Clarke (1886-1979), compositrice anglaise aujourd’hui méconnue, sorte de Néfertiti de l’alto. Une compositrice qui fut également une interprète de talent et qui composa une œuvre pour alto qui soutient aisément la comparaison avec Paul Hindemith ou Ernest Bloch.

Vinciane Béranger au festival de Rouffach
(copyright Sophie Pawlak) 

Les pièces de Clarke expriment indiscutablement l’influence de son contemporain français, Claude Debussy. Le côté onirique est manifeste et la belle interprétation de Vinciane Béranger parvient à produire ce sentiment onirique, magique inhérent à la musique du compositeur français, dans la sonate pour alto bien évidemment avec son ouverture pentatonique mais surtout dans Morpheus. Cependant réduire la musique de Rebecca Clarke à cette seule dimension ne rend indiscutablement pas justice à l’extrême variété et l’incroyable profondeur de la musique de la compositrice. Il n’y a qu’à écouter l’Irish Melody enregistrée pour la première fois ou l’incroyable Chinese Puzzle et ses rythmes orientaux pour s’en convaincre. Plus qu’un puzzle, le musique de Rebecca Clark est un arc-en-ciel aux différentes couleurs toujours éclatantes que chevauchent avec plaisir et talent, Vinciane Béranger et ses compagnons de jeu.A l’écoute de ce disque, on se demande bien qui est la Néfertiti de l’alto : Rebecca Clarke ou Vinciane Béranger.
Peut-être les deux après tout.

Par Laurent Pfaadt

Rebecca Clarke, Works for viola
Chez Aparté