La seconde surprise de l’amour

De Marivaux

Mise en scène Alain Françon

Après la superbe mise en scène des « Frères Karamazov », le TNS
nous offre encore un grand texte et une très belle représentation 
avec la possibilité attendue par nombre de spectateurs de
retrouver un « classique ».

La pièce écrite en 1727  nous conte l’histoire quelque peu
aventureuse des amours de La Marquise et du Chevalier.

C’est dans un espace scénique épuré et pertinent composé d’un
jardin intérieur avec bassin au centre, présentant de part et d’autre
deux escaliers, l’un côté cour qui mène dans la maison, l’autre, côté
jardin vers l’extérieur, avec au fond un magnifique tableau où
buissonne une nature sauvage, signé Jacques Gabel, c’est là que se
recueille La Marquise, élégante Georgia Scaliett, en longue robe
noire aux prises avec le chagrin d’avoir perdu un mari qu’elle aimait.
Ses soupirs et sa langueur se heurtent à l’énergie de Lisette, sa
suivante (Suzanne De Baecque épatante) débordant de vivacité et
bien décidée avec sa verve et ses commentaires à l’emporte-pièce à
ne pas laisser sa maîtresse se complaire dans la mélancolie.

C’est alors  qu’une visite inattendue s’annonce, celle du Chevalier
(Pierre-François Garel) qui veut quitter la ville, suite au désespoir
dans lequel le plonge l’impossibilité d’épouser Angélique, la jeune
fille qu’il aimait.

D’un coeur brisé à l’autre, une grande compréhension se fait jour. La
compassion  exprimée par La Marquise à l’égard du Chevalier le
touche au point qu’il renonce à partir. S’ensuit, en tout bien tout
honneur, une promesse d’indéfectible amitié.

De leur côté Lubin (Thomas Blanchard), le valet de Chevalier et
Lisette éprouvent, l’un pour l’autre,  une attirance certaine qui ne
pourra aboutir que si leurs maîtres respectifs restent ensemble. Ils
vont s’y employer.

Mais Lisette qui veut redonner envie de vivre à La Marquise
embrouille les relations en faisant croire que cette dernière  ne
repousse pas les avances du Comte (Alexandre Ruby) et que cela
pourrait aboutir à un heureux mariage.  Mis au courant, Le Chevalier
retombe dans le désespoir, ayant compris qu’il était épris de la
Marquise. Celle-ci,  très perturbée par cette annonce d’éventuel
mariage avec le Comte finit par avouer son amour au Chevalier venu
lui faire ses adieux .

Le soir même, maîtres et valets pourront contracter leur mariage.     

La mise en scène d’Alain Françon sait mettre en évidence ce qui fait
le sel de cette pièce, la finesse des répliques,  la richesse de la langue,
son élégance et sa capacité à analyser subtilement les situations, à
rechercher en soi ce que l’on éprouve par rapport à ce que l’on s’est promis de ressentir et dire comment une promesse d’amitié se
transforme à son corps et son esprit défendant en amour, comment
le sentiment l’emporte sur la raison incarnée par le pédant
bibliothécaire Hortensius (Rodolphe Congé) et comment l’amour de
la vie brise les relents de chagrin et de mort.

Par Marie-Françoise Grislin