La symphonie du nouveau siècle

Magnifique coffret à
la découverte de l’un
des plus beaux
orchestres
américains

On connait tous
l’orchestre de
Cleveland. Considéré
comme l’un des « Big Five », les cinq orchestres américains les plus importants, il est passé
à la postérité musicale avec son emblématique chef George Szell.
Suivront Pierre Boulez – comme conseiller musical – Lorin Maazel
qui réalisa notamment un enregistrement de référence du Porgy and
Bess
de Gershwin, Christoph von Dohnanyi et, depuis 2002,
l’autrichien Franz Welser-Möst. Après avoir fêté son centenaire en
2018, le voilà pleinement engagé dans ce nouveau siècle qui s’est
ouvert.

A l’écoute des trois CDs enregistrés dans l’écrin du Severance Hall
qui accompagnent ce coffret et qui résument magnifiquement cet
orchestre, on se rend très vite compte que Franz Welser-Möst est
resté fidèle à l’héritage de George Szell, en alliant profondeur du son
européen avec exécution transatlantique. Cela est particulièrement
prégnant dans la symphonie Aus Italien du jeune Richard Strauss qui
prépare les pentes abruptes de la symphonie alpestre ou dans le 15e
quatuor à cordes de Beethoven. Dans ces œuvres, l’intimité du
classicisme viennois cohabite parfaitement avec la rutilance des
cuivres et le tranchant des cordes américaines. La troisième
symphonie d’un Prokofiev que l’orchestre connait bien pour avoir
sublimé, il y a un demi-siècle, le Roméo et Juliette du compositeur,
permet également de mesurer son aisance dans ces sonorités à la
fois nerveuses, tragiques et percutantes.

Franz Welser-Möst ne s’est pas cantonné à ressasser un passé
glorieux. Avec ce nouveau siècle, il a souhaité que l’orchestre
pénètre plus profondément dans la création contemporaine, comme
en témoigne les treize créations commandées durant ses huit
premières années mais également qu’il se lie plus « chaque jour, à
travers notre musique, avec la population »
. Le Cleveland orchestra y a
indubitablement gagné une plasticité qui l’inscrit un peu plus dans
l’histoire de la musique. Se réinventer en permanence dans un
monde qui change continuellement, voilà la clef de l’excellence. Et
celle-ci est au rendez-vous dans ce coffret avec deux jeunes
compositeurs, titulaires de la bourse Daniel Lewis et appelés, à coup
sûr, à marquer de leurs empreintes l’histoire de la musique :
Johannes Maria Staud dont le Stromab n’est pas sans rappeler John
Adams ou Giya Kancheli et Bernd Richard Deutsch, étoile montante
de ce qu’il convient d’appeler la troisième école de Vienne avec son
concerto pour orgue qui s’aventure avec lyrisme dans la Grèce
antique. Ainsi, à 102 ans, plus que jamais, le Cleveland Orchestra
affiche, sous la conduite de son brillant chef, une insolente
jeunesse …

Par Laurent Pfaadt

The Cleveland Orchestra, a new century, 3 CDs Hybrid SACD, Livret collector de 150 pages, The Cleveland Orchestra Label, disponible sur : www.clevelandorchestra.com/newcentury

On écoutera également : Lorin Maazel,
The Complete Cleveland Recordings
Chez Decca Classics