un film de Costa-Gavras
Costa-Gavras se prête à l’exercice de la promotion de son film à travers la France, et il impressionne du haut de ses 92 ans par son œil vif et son à-propos. Cela faisait 6 ans, depuis Adults in the room, qu’il n’avait pas tourné. Son âge l’a déterminé à réaliser ce film dit-il, dès lors que ses amis sont partis, les centenaires Edgar Morin (103 ans) et Manoel de Oliveira (107 ans). S’intéresser aux soins palliatifs est une préoccupation de son temps. Le livre éponyme co-écrit par Régis Debray et Claude Grange, consultants par ailleurs sur le tournage, a été une source d’inspiration.

Dans le livre, il s’agit d’une discussion entre le philosophe et le médecin. Costa-Gavras, cinéaste raconteur d’histoires et persuadé que le cinéma est un spectacle, a adapté le livre de manière à en faire une fiction. Précisément, il a inventé une vie personnelle au philosophe et écrivain, Fabrice, joué par Denis Podalydès. Il est marié à Florence (Maryline Canto) et il a le projet de participer à une émission télé pour parler d’un livre sur les séniors, écrit vingt ans auparavant, pour une version actualisée. Surtout, Fabrice est anxieux car on lui a vu une tâche sur une IRM. Le hasard veut qu’il rencontre Augustin, un médecin en soins palliatifs et sous prétexte d’une enquête en vue d’un nouveau livre à écrire, il va l’accompagner dans son unité de soins. Costa-Gavras à fait un choix parmi les 28 cas exposés dans le livre et le film évolue de séquence en séquence sur des patients en fin de vie, chacun exprimant un besoin ou une souffrance à laquelle tente de répondre l’équipe médicale de manière à le soulager, conformément à la Loi Léonetti (votée en avril 2005) qui est le « Droit à une fin de vie digne et apaisée ».
Le dernier souffle s’ouvre sur le tableau de Klimt, « La vie et la mort » et s’achève en chanson et en musique, avec une troupe de gitans menée par le personnage d’Estrelia, (Angela Molina) qui vit ses derniers moments dans un tourbillon joyeux et coloré, festif, collectif, dans l’esprit d’un chœur antique. La chanson est de Prévert, celle des escargots qui vont à l’enterrement d’une feuille morte … ressuscitée. Le film s’inscrit dans la vie, dans l’idée d’Héraclide qu’il faille « Vivre sa mort et mourir sa vie ! »
Costa-Gavras a envoyé son scénario à nombre d’acteurs qui ont tous dit « Oui ! » de Charlotte Rampling à Françoise Lebrun ou Hiam Abbas et encore Karin Viard. Chacune a un tout petit rôle mais l’on sent la ferveur des interprètes à avoir participé à ce film nécessaire pour donner une autre image de la fin de vie. Même la journaliste Elisabeth Quin, dans son propre rôle, sert le film. Kad Merad au premier plan donne à son personnage la bonhommie et la bonté qu’il sait jouer. Costa-Gavras aime les acteurs de comédie car ils ont un rythme particulier et une authenticité de jeu qui donnent une véracité aux situations : Jack Lemmon, José Garcia, Gad el Maleh et Kad Merad ici, auquel nul ne pensait pourtant, ni ne croyait pour ce rôle plein d’humanité, si délicat.
Le dernier souffle rend hommage à ces femmes et ces hommes qui considèrent avec dignité les patients en fin de vie et qui font tout pour qu’ils vivent avec dignité leur mort. La loi Léonetti n’est qu’une étape, elle est à parfaire. Aux politiques d’agir !
Par Elsa Nagel