Un livre comme une succession d’estampes. De celles qui élaborent une empreinte. D’un écrivain oublié finissant par se révéler sous l’effet d’une plume qui tantôt se veut pointe-sèche pour dégager des traits saillants, tantôt eau-forte comme une morsure à l’acide provoquant hallucinations, tantôt en pointillé comme pour dégager, à force que l’on s’éloigne du sujet et de l’époque, un portrait.
Celui que nous dépeint David Peace, auteur mondialement connu pour son Quatuor du Yorkshire mais également sa trilogie d’une Tokyo et d’un Japon qu’il connaît particulièrement bien est celui de l’écrivain oublié Ryunosuke Akutagawa (1892-1927), auteur de nouvelles dont Rashomon (1915) qui allait inspirer au réalisateur culte Akira Kurosawa, avec Dans le fourré (1922), l’un de ses plus beaux films. En douze chapitres qui sont autant de nouvelles qui peuvent se lire séparément, David Peace trace à la pointe d’un roseau sec ces estampes littéraires fascinantes impossibles à quitter tant elles entrent aussi bien dans la révélation et les méandres d’une vocation littéraire que dans ce Japon pris entre deux mondes, entre deux époques.
Les estampes de David Peace se veulent souvent calligraphies pour tracer le destin d’Akutagawa où un mot, une attitude peuvent avoir plusieurs sens inattendus, et où la littérature semble posséder son modèle et non l’inverse, entre ce que les Japonais appellent tsundoku, terme d’ailleurs né sous l’ère Meiji et qui évoque l’accumulation de livres, et la bibliophilie. Malade, neurasthénique, Ryunosuke Akutagawa finit par se suicider en ingérant du véronal, ce dérivé de l’acide barbiturique. L’écrivain a fini par se dissoudre dans sa propre estampe. Une estampe aujourd’hui magnifiquement restituée par David Peace.
Par Laurent Pfaadt
David Peace, Patient X, Le dossier Ryunosuke Akutagawa, traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias et Isabelle Maillet
Rivages, 443 p.