Le Livre de Pacha

Véronique Sales possède un style qui lui est propre. Perceptible dans Okoalu (Vendémiaire, 2021), son univers situé à mi-chemin entre rêve et réalité, convie son lecteur dans une sorte d’entre-deux où seules les sensations permettent au lecteur d’avancer. Comme dans un brouillard qui s’effiloche au fur et à mesure de la progression du récit avant de dévoiler l’ensemble du paysage. Ici dans ce livre publié une première fois en 2010, point de jungle tropicale ni d’humidité suintante mais un voyage dans le temps et l’espace entre Suède et Sibérie en passant par les côtes normandes. Quoique…


Dans ce livre qui n’est pas sans rappeler la grande tradition littéraire russe avec ces personnages mi sorcier, mi démon, Pavel Kiriline a indéniablement quelque chose du baron balte Ungern-Sternberg, ce général fou converti au bouddhisme pendant la révolution russe. Kiriline est entouré en permanence d’un halo de mystère dont la perte de la vue va renforcer sa clairvoyance sur la nature du monde. Un chaman arrivé au terme de ses multiples réincarnations que le lecteur rencontre dans l’immensité de cet univers que fait tenir parfaitement Véronique Sales à travers ses pages en exhalant la beauté du monde. Le brouillard se déchire alors, révélant, comme dans Okoalu, une île, située au Fidji cette-fois ci. Une île à la fois paradisiaque et cruelle, circulaire où tout se tient, et dominée par des aras, ces perroquets aux mille couleurs comme le livre et l’œuvre de Véronique Sales.

Par Laurent Pfaadt

Véronique Sales, Le Livre de Pacha
Vendémiaire, 312 p.