Le printemps en musique

Czech © archive of the czech philharmonic

Depuis plus de
120 ans,
l’orchestre
philharmonique
tchèque perpétue
une tradition
musicale unique

Le meilleur moyen
de découvrir un
orchestre est
avant tout de l’écouter. Avec l’orchestre philharmonique tchèque,
il suffit d’écouter l’un de leurs derniers enregistrements, les
Danses slaves
de Dvorak. Ici, tout est dit de cet orchestre. Avec ses
reliefs mélodiques parfaitement affirmés, l’orchestre traverse des
prairies bucoliques et marche le long de rivières indomptées. Il
délivre une musique vivante, joyeuse qui exalte des couleurs
chatoyantes, rayonnantes, celles d’un printemps qui vient de
naître. Il constitue le parfait écrin pour ces musiques
romantiques, celles de Brahms, de Tchaïkovski et bien entendu de
Dvorak et de ses danses populaires, de ses scènes de vie aux
champs, de cette nature légendaire contée, de ces croyances
mises en musique dans ses poèmes symphoniques et ses
symphonies, mais également de Smetana et de sa merveilleuse
Ma Vlast, hymne immortel à la Bohème musicale.

L’orchestre philharmonique tchèque est l’héritier de tout cela et
s’emploie, concert après concert, disque après disque, à
perpétuer cet héritage sous la baguette de ses chefs successifs. Et
ces derniers furent si brillants. Né officiellement en 1896,
l’orchestre philharmonique tchèque fut, à l’instar de son cousin
viennois, une émanation de l’opéra de la ville. Les grands
compositeurs de l’époque vinrent y diriger leurs œuvres: Dvorak
ou Mahler qui créa dans le magnifique joyau du Rudolfinum sa
septième symphonie en 1908. L’orchestre prit son envol musical
lorsque le premier violon de l’orchestre philharmonique de Berlin,
Vaclav Talich, fut nommé à sa tête. Il y resta plus de vingt ans,
jusqu’en 1941. Sorte de Fürtwangler tchèque, il développa la
musicalité de l’orchestre qu’il inscrivit dans cette tradition
tchèque définie par Dvorak, Smetana ou Martinu et cisela un son
qui reste encore aujourd’hui sa marque de fabrique.

Coincé entre sa fidélité à l’orchestre et sa volonté de résistance
aux nazis, Talich fut remplacé par Rafael Kubelik, certainement
l’un des plus grands chefs du 20e siècle, mais dont le mandat trop
court, ne permit pas de marquer durablement l’orchestre. Cette
tâche incomba aux grands chefs qui lui succédèrent : Karel Ancerl
et Vaclav Neumann. Le premier, élève de Talich et rescapé des
camps de la mort, emmena l’orchestre aux contacts des oeuvres
de Bartok, Stravinski et Prokofiev. Le second poursuivit après
Talich et Ancerl, la perpétuation de l’héritage tchèque en exaltant
sa grande expressivité mélodique. Venu du Gewandhaus de
Leipzig qu’il dirigea entre 1964 et 1968, Neumann amena avec lui

son approche de la musique germanique notamment de Mahler
qu’Ancerl avait déjà infusé à l’orchestre mais fut porté à un point
d’incandescence, donnant des disques qui constituent encore
aujourd’hui des références. L’homme qui avait quitté Leipzig pour
protester contre la répression du printemps de Prague, traversa
le régime communiste de Tchécoslovaquie tout en réprouvant ce
dernier. Sa neuvième symphonie d’un Beethoven qu’il
affectionnait tant lors de la révolution de velours en 1990 resta la
parfaite démonstration de la musique mise au service de la
liberté.

Aujourd’hui, c’est un autre tchèque, Jiri Belohlavek, qui est aux
commandes de l’orchestre. Lui, l’élève de Celibidache passé par
l’Angleterre et ancien assistant de Neumann, est revenu sur sa
terre natale pour conduire cet orchestre. Véritable sculpteur de
sons en même temps que peintre baroque de la mélodie,
Belohlavek s’est hissé à la hauteur de ses illustres aînés pour
devenir l’héritier d’une tradition musicale qui compte parmi les
plus prestigieuses en Europe.

A écouter :

Dvorák: Slavonic Dances Opp. 6 & 72, Czech Philharmonic,
dir. Jiri Belohlavek, Decca Classics, 2016

Tchaïkovsky Project : symphony n°6 « pathétique » ;
Roméo et Juliette, Czech Philharmonic,
dir. Semyon Bychkov, Decca Classics, 2016

Laurent Pfaadt