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Interview Vanessa Benelli Mosell

« KarlHeinz
Stockhausen
fut l’une
des principales
influences des groupes
pop rock
expérimentaux »

Riche en
commémorations,
2018 célèbre également le 90
e anniversaire de la naissance de
KarlHeinz Stockhausen, l’un des compositeurs majeurs du 20
e
siècle. Rencontre avec l’une de ses dernières élèves, la pianiste
italienne Vanessa Benelli Mosell.

Comment qualifieriez-vous la musique de KarlHeinz
Stockhausen en particulier son œuvre pour piano ?

Elle a constamment évolué. Mais l’une des particularités de la
production stockhausenienne est la recherche sonore, un domaine
dans lequel le compositeur a investi beaucoup de temps et d’énergie
durant toute sa vie. Ses recherches sur l’expérimentation
électronique musicale l’ont conduit à être l’un de pionniers de la
musique électroacoustique puis de la spatialisation sonore. Cette
tridimensionnalité ou pluridimensionalité du son est extrêmement
présente dans ses premières œuvres pour piano.

L’autre principale caractéristique de son œuvre réside dans sa
méthode d’écriture issue du sérialisme et du ponctualisme
webernien qu’il étend aux groupes de notes, de rythmes, de mesures
et de morceaux. Le sérialisme est à la base de la construction
structurelle de ses premières œuvres.

Vous avez été l’un de ses derniers disciples. Quel genre de
professeur était-il ? 

Il était un professeur charismatique, exigeant voire intransigeant. Il
m’incitait à donner le meilleur de moi-même et m’a transmis sa
passion pour les détails et l’exploration de l’inconnu. Evidemment, il
était aussi très sensible et il adorait parler italien avec moi, une
langue qu’il maîtrisait parfaitement, pour me mettre à l’aise,
j’imagine.

Avec le développement des nouvelles technologies, pensez-vous
que Stockhausen a ouvert la voie avec d’autres compositeurs à une
démocratisation de la musique classique mais également de la
musique tout court ?

C’est certain. Avec ses recherches sur l’expérimentation
électronique, il participa activement à l’évolution de la musique rock
des années 60 qu’il influença énormément. Même avant avec des
morceaux d’électronique analogique sur bandes magnétiques
coupées à la main et plus tard avec l’utilisation du synthétiseur, il fut
l’une des principales influences des groupes pop rock
expérimentaux. Les Beatles lui rendirent d’ailleurs hommage en
mettant sa photo sur la couverture de leur album “Sgt Pepper’s
Lonely Hearts Club Band”. Dans le monde classique, il a bien
évidemment ouvert la voie, entre autres, à l’électronique digitale,
inconnue encore à son époque.

La musique contemporaine étant souvent difficile à
appréhender, quel héritage laissera selon vous Stockhausen dans
l’histoire de la musique ?

Pour moi Stockhausen est déjà un grand compositeur de musique
classique. Cependant, tout dépendra des musiciens qui peuvent
changer, d’une manière ou d’une autre, l’héritage de l’histoire de la
musique.

Par Laurent Pfaadt

A écouter de Vanessa Benelli Mosell : Claude Debussy Préludes, livre 1 Suite bergamasque, Decca, 2018
R(Evolution), Decca, 2015

Elliot Carter

L’année 2018 est
riche en
commémorations.
Après Bernstein et
Stockhausen
notamment, le
110e anniversaire
de la naissance de
l’un des plus
grands
compositeurs
américains du 20e
siècle, Eliott Carter
est l’occasion de
réécouter ses œuvres en particulier les plus tardives qui ne sont
pas forcément les plus connues.

Une sélection de pièces notamment pour piano s’étalant de 2003
à 2012 permet ainsi de saisir l’art de Carter qui mêle angoisse
existentielle et frénésie notamment dans Dialogues II (2010). A
l’instar de cette pièce, une grande partie de ces pièces sont
d’ailleurs enregistrées pour la première fois conférant ainsi à cet
enregistrement un caractère plus que fondamental. Le pianiste
français Pierre-Laurent Aimard, grand spécialiste de musique
contemporaine conduit ce formidable hommage. Il nous laisse
découvrir la vision angoissée du compositeur. Il est rejoint par le
grand percussionniste de la musique de Steve Reich, Colin Currie
dans ce concerto pour percussions, piano et orchestre de chambre
de toute beauté (Two contreversies and a conversation) puis par le
violon d’Isabelle Faust et le violoncelle de Jean-Guihen Queyras
dans Epigrams (2012), ce trio pour piano tout en ruptures.

Par Laurent Pfaadt

Late works, Chez Ondine

Pina Napolitano

Brahms fut-il un
progressiste ? C’est
en substance ce
que nous demande
la pianiste
italienne Pina
Napolitano devant
son clavier. Et il
faut bien
reconnaître que
sous ses doigts, le
compositeur
allemand prend
une toute autre
allure car Pina Napolitano, en excellente interprète de la seconde
école de Vienne, a su parfaitement faire le parallèle musical de
celui qui personnifia le romantisme viennois avec Anton Webern
et Alban Berg.

Le jeu aérien de Pina Napolitano, surtout perceptible dans la
sonate n°1 de Berg, fait des merveilles. Meme si on la sent très à
l’aise avec Webern et Berg (tout comme Schönberg dans un album
précédent), le Klavierstücke de Brahms, avec ses rythmes
maîtrisés et où la fluidité toute romantique laisse parfois place à
des ruptures, l’interprétation de la pianiste annonce parfaitement
les révolutions musicales à venir et tisse un lien intéressant entre
eux. Ce disque permet de dire à la pianiste que le passé ne meurt
jamais. Et on ne peut qu’être d’accord avec une telle analyse
musicale.

Par Laurent Pfaadt

Brahms, the Progressive,
Brahms, Webern, Berg

Chez Obradek

CD du mois

eRikm & Les
Percussions de
Strasbourg,
Drum-Machines,
Outhere & Believe,
2018

La quatrième
génération a pris le
pouvoir chez les
Percussions de
Strasbourg. L’heure
est à l’entrée
fracassante dans ce
vingt-et-unième siècle où tout est électronique, numérique. Il ne
pouvait en être autrement et l’avant-gardisme a revêtu l’aspect d’un
cyborg musical. Celui-ci se nomme Drum-Machines.

Ultrasons, crécelles, nuées d’insectes, cliquetis, robotique sont les
impressions qui assaillent l’esprit et les oreilles de l’auditeur dans un
vaste ensemble musical qui impressionne par sa cohérence sonore. Il
s’en dégage une musique post-industrielle, post-apocalyptique
presque qui rappelle par moments Steve Reich et son utilisation de
bandes sonores. On a parfois l’impression d’être plongé dans la route
de Cormack Mc Carthy ou dans Blade Runner de Ridley Scott. Mais il
ne s’agit plus de science-fiction, ni même de musique
contemporaine. Simplement de musique et dans un siècle, de
musique classique, de répertoire. Assurément

Par Laurent Pfaadt

Le sculpteur de glaciers musicaux

Esa-Pekka Salonen

Un coffret magistral revient sur
Esa-Pekka Salonen,
chef et compositeur
d’exception

Il est bien loin où le
visage poupin
d’Esa-Pekka Salonen
s’affichait sur les
pochettes de CD et
où on se demandait
s’il s’agissait du chef ou du soliste. Et pourtant, à l’occasion de son
60e anniversaire, le maestro n’a jamais paru aussi jeune. Jeune dans
sa façon de concevoir la musique, jeune dans son rapport aux
musiciens. Evidemment, les trois grands orchestres qu’il dirigea
dominent ce coffret : l’orchestre de la radio suédoise (1984-1995), le
Philharmonique de Los Angeles pendant dix-sept ans et le
Philharmonia Orchestra de Londres depuis 2008. Ses compères de
toujours sont là pour célébrer cet anniversaire : Yefim Bronfman à
qui il dédia deux concertos, Emmanuel Ax dans Liszt ou le violoniste
chinois Cho-Liang Lin qui nous fait découvrir le concerto de Nielsen.
Cependant, c’est oublier que Salonen reste un chef polymorphe,
capable de diriger avec brio une symphonie de Mahler à la tête d’une
armée de musiciens mais également un orchestre de chambre, en
l’occurrence le Stockholm Chamber Orchestra, où le jeune chef
d’alors déployait dans les symphonies d’Haydn toute cette énergie
et cette sensibilité qu’on lui connaît.

Ce coffret est également un voyage passionnant sur les terres
musicales de sa Scandinavie natale. Jean Sibelius et Carl Nielsen
trônent en majesté. Salonen reste un infatigable défenseur du
compositeur danois avec une intégrale de ses symphonies
enregistrées en compagnie de l’orchestre de la radio suédoise. Les
nombreuses versions de l’ouverture de  l’opéra de Nielsen
Maskarade permettent de mesurer toute la palette et le travail du
chef. Dans Sibelius qu’il mit du temps à apprivoiser – un comble pour
un chef finlandais me direz-vous – Salonen a su parfaitement
combiner cet étrange alliance entre puissance tellurique et fragile
émotion. Sous sa baguette, on découvre également d’autres
compositeurs nordiques nettement moins connus comme Alfven ou
Järnefelt et sa fameuse berceuse. Son interprète, Mats Zetterqvist,
à l’époque premier violon de l’orchestre de la radio suédoise se
souvient : « ce qui m’a le plus impressionné chez Esa-Pekka comme nous
l’appelions, fut son incroyable capacité à appendre les œuvres les plus
complexes »
. Ce dernier confirme d’ailleurs l’extrême rigueur du chef,
son éclectisme et surtout, son humilité. A travers ces
enregistrements parfois hétéroclites, on voyage dans ses univers
musicaux, de Bach jusqu’à l’explosif All Rise de Wynton Marsalis, qui
prépara à n’en point douter le LA Phil à son successeur, Gustavo
Dudamel, en passant par les musiques de films de Bernard
Herrmann ou une forme hybride de musique classique et de variété
avec Anders Hillborg et Eva Dahlgren.

Bien évidemment ses compères et amis compositeurs Kaija Saariaho
et Magnus Lindberg avec qui il fonda en 1977 le Collectif Ears Open
ne sont pas oubliés. A ce titre, le coffret fait une timide incursion
dans l’œuvre d’Esa-Pekka Salonen en proposant ses LA Variations.
Ce travail de compositeur conféra d’ailleurs au chef une attention
toute particulière pour la musique contemporaine – Stravinsky qu’il
a si souvent joué mais également Messian qu’il découvrit à onze ans,
Corigliano ou Takemitsu – et une approche visionnaire de la musique
quand on pense à ses incursions dans le numérique et la réalité
virtuelle.

A l’image d’un Bernard Haitink, comme dans ces incroyables
Métamorphoses symphoniques de Paul Hindemith, Esa-Pekka Salonen
trouve à chaque fois le ton juste, sans vouloir briller au détriment
des musiciens, sans vouloir impressionner son public, sans dénaturer
les œuvres. Il y a une forme d’humilité dans ses conduites, une
humilité devant la musique qui lui confère un rôle de passeur.
L’étoffe d’un grand musicien en somme.

Par Laurent Pfaadt

Esa-Pekka Salonen,
The Complete Sony recordings (1986-2005), 61 CD,
Chez Sony Classical, 2018

An American hero

Léonard Slatkin © N. Rodamel

Voyage dans la
musique classique
américaine en
compagnie de l’un de
ses plus grands
interprètes

Leonard Slatkin est
certainement l’un des
plus grands
connaisseurs de la
musique classique
américaine du siècle
dernier. Le chef
d’orchestre californien a dirigé l’orchestre symphonique de Detroit
pendant quinze ans (1979-1996), l’orchestre national symphonique,
succédant à Mtislav Rostropovitch et, depuis 2008, l’orchestre
symphonique de Detroit. A la tête de ces phalanges musicales, il a
enregistré de nombreuses œuvres du répertoire américain qu’il est
possible d’écouter ou de réécouter grâce à ce formidable coffret.

De l’aveu même du chef, « la musique américaine possède une voix tout
à fait originale. Lorsque je la dirige, c’est avec un œil où se mêlent des
influences musicales venues du monde entier ».
De cette vision, Leonard
Slatkin a tiré, grâce au travail de fond qu’il mena avec ses orchestres,
des interprétations pleines de brillance. En entendant ainsi le
maestro diriger l’orchestre symphonique de Saint Louis dans The
Incredible Flutist
de Walter Piston, on ne peut qu’être frappé par ces
couleurs abondantes.

Surtout, ce coffret, outre son témoignage historique indéniable,
permet d’appréhender ce courant musical dans sa globalité et de
tracer, grâce au travail du maestro, quelques lignes de force. Ce qui
frappe immédiatement, quel que soit les approches privilégiées, est
l’impressionnante explosivité des œuvres, de Leonard Bernstein à
William Schumann en passant par John Corigliano et son
impressionnant concerto pour piano et orchestre, qui ressemble à
un véritable combat de boxe. Leonard Slatkin nous offre ainsi un
extraordinaire panorama d’une musique se partageant souvent
entre tradition épique nourrie d’une histoire récente et de paysages
intemporels et expérimentations uniques.

Malgré l’apport musical européen, surtout après la seconde guerre
mondiale, la musique américaine a su conserver son identité propre
qui s’est enrichie au fil des décennies suivantes. Ici, débarrassée du
paravent de l’Appalachian Springs, l’œuvre symphonique d’Aaron
Copland dévoile sa beauté et sa complexité. Là, on mesure toute la
vivacité de la création américaine avec le tonitruant concerto pour
percussions de Joseph Schwantner où les influences africaines, à
l’instar d’un Hannibal Lokumbe, sont manifestes. « En tant que nation
d’immigrants, nos premières tentatives ont résonné comme nos
homologues européens. Puis, au fur et à mesure que le vingtième siècle
avança, de nombreux compositeurs commencèrent à regarder vers nos
racines puis vers de nouvelles et audacieuses idées comme le jazz et la
pop. C’est toujours le cas aujourd’hui, formant probablement à mon sens,
le groupe de compositeurs le plus intéressant et le plus divers du monde »

rappelle à juste titre Leonard Slatkin.

Ce dernier se mue ainsi en peintre musical, tantôt brossant à gros
traits ces impressionnantes mélodies patriotiques culminant avec a
Lincoln portrait
d’Aaron Copland avec comme récitant, le général
Norman Schwarzkopf, héros de la première guerre du Golfe, tantôt
traçant de fines lignes minimalistes. Un grand chef se mesure
souvent à sa capacité à rendre malléable les orchestres les plus
rigides, à les faire évoluer, à les faire douter d’eux-mêmes. Et il faut
bien reconnaître qu’avec Leonard Slatkin, le doute n’est plus permis.

Par Laurent Pfaadt

Léonard Slatkin The American Collection,
13 CD, RCA Red Seal, Sony Classical, 2018

Et Salonen dompta le titan

© Benjamin Ealoveg

Beethoven et
Mahler illuminèrent
le théâtre des
Champs-Élysées

Il faut bien
reconnaître qu’entre
le Philharmonia et
son directeur
musical, Esa-Pekka Salonen, la complicité est parfaite. L’orchestre
sait ce que veut son chef et celui-ci n’a, ni à apprivoiser, ni à
convaincre la phalange qu’il dirige. Cela donne des prestations bien
huilées, sans heurts où chaque son trouve sa juste place, celle
décidée par le chef, et où les équilibres sonores sont parfaitement
respectés. Ce fut le cas avec la seconde de Beethoven, symphonie
féminine qui associe le tempo orageux du maître de Bonn avec la
rondeur de sa conception, loin des cinquième ou septième
symphonies.

Ici donc l’ADN britannique du Philharmonia est parfaitement adapté
à l’œuvre et la baguette du chef, trempée dans la fougue
beethovenienne avec ce qu’il faut de violence contenue, fait mouche.
L’exécution ravit le public. Mais il manque une histoire, celle que
raconte parfois la rencontre entre un homme et un orchestre.

Pour cela, il a fallu attendre la première symphonie dite Titan de
Mahler. Car ce dernier ne supporte pas l’académisme. C’est toute la
différence entre romantisme et postromantisme. Salonen aurait pu
choisir d’user d’effets sonores pour contenter son auditoire. Mais
c’était mal connaître le chef car dès les premières notes, nous
embarquâmes dans un voyage musical prodigieux. Les tempos lents
de la symphonie furent d’une beauté stupéfiante lorsque les parties
plus rapides revêtirent, grâce à des cordes affûtées, un caractère
plus âpre notamment dans ce début si connu du second mouvement.
Le chef instilla à l’orchestre britannique un supplément d’âme
viennois mais une âme toute mahlérienne avec ce qu’il faut de doute
et de noirceur, bien aidé en cela par des percussions et des
clarinettes alertes.

Salonen réveilla ainsi le titan qui sommeillait dans l’œuvre grâce un
orchestre transformé en organisme vivant. On se surprit à retenir
son souffle pour savoir qui de l’orchestre ou du démon allait gagner
ce combat pour reprendre les mots de Zweig. Mais Salonen, devenu
entre-temps compositeur, comprit parfaitement le message de
Mahler et s’employa à dompter la créature musicale. Grâce au fil
musical qui ne fut d’ailleurs jamais une chaîne, tissé tantôt par la
flûte tantôt par cette harpe, merveilleuse étoile dans la nuit
mahlérienne, tantôt enfin par ces violoncelles, le charme opéra
parfaitement.

Vint alors le troisième mouvement qui s’ouvrit avec le thème de
Frère Jacques entamé par la contrebasse. L’histoire se poursuivit, le
titan sembla traverser ce siècle qui nous sépare de Mahler, au gré de
lamentos funèbres et d’explosions fracassantes. Puis il parvint, grâce
à Salonen et au Philharmonia, jusqu’à nous, jusqu’à cette salle au
nom prédestiné devenu le temps d’une soirée ce lieu où mythe et
réalité ne firent plus qu’un.

Par Laurent Pfaadt

A écouter : Esa-Pekka Salonen, The complete sony recordings,
Sony Classical, 2018

CD du mois

Adam Laloum, Brahms, piano concertos, Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, dir. Kazuki Yamada

Comme il est bon
d’écouter de jeunes
pianistes pour qui
puissance ne rime
pas avec
démonstration de
force et dont le
toucher révèle une
sensibilité sincère.
C’est ce que l’on
ressent dès les
premières notes de ces deux concertos pour pianos de Brahms, chefs d’oeuvre du
répertoire romantique et passage obligé de toute carrière
discographique, sous les doigts d’Adam Laloum.

Le vainqueur du concours international Clara Haskil 2009, lointain
successeur de Christoph Eschenbach, signe ici une version
magnifique où son jeu subtil confère à l’interprétation une grâce
rafraîchissante, particulièrement perceptible dans l’allegro
appasionnato du deuxième concerto. Et lorsque le tempo exige un
peu plus de dûreté comme dans le finale du premier concerto,
Laloum préfère prendre son temps et rendre ce moment unique. Il
faut dire qu’il est secondé par un Kazuki Yamada très inspiré à la
tête de l’orchestre de la radio de Berlin. Grâce à cette puissance
sonore qu’il distille parfaitement, il est le binôme parfait du soliste.
Ne pas céder à la facilité est toujours l’apanage des plus grands.

Par Laurent Pfaadt

CD du mois d’avril

Ophélie Gaillard,
Richard Strauss,
Don Quixote et cello
works (Romanze,
Cello sonatas,
Morgen), Aparté

Ophélie Gaillard est
certainement l’une
des violoncellistes
les plus talentueuses
de sa génération.
Cofondatrice avec sa
sœur de l’ensemble
Amarillis qui sort ces derniers jours un magnifique album consacré à
Haendel, l’ancienne révélation des Victoires de la musique n’hésite
pas à s’aventurer sur des sentiers peu empruntés comme en
témoigne son précédent album, Exils où elle s’emparait des
influences hébraïques d’un Bloch, Korngold ou Prokofiev.

Ce nouveau disque est consacré au Don Quixote, ce poème
symphonique relativement peu connu pour violoncelle, alto et grand
orchestre de Richard Strauss. Elle est magnifiquement
accompagnée par l’alto de Dov Scheindlin qui tient le rôle de Sancho
Panza. Quant à l’orchestre, il arbore parfaitement son costume
straussien, tantôt puissant, tantôt espiègle. Dans les variations, le
violoncelle est à l’aise, complice d’un orchestre qui ne joue pas, au
contraire, la surenchère. On revient alors à sa platine et on met la
version Rostropovitch avec Koch et Karajan et on se rend compte
que l’élève touche du doigt le maître…

Par Laurent Pfaadt

CD du mois d’avril

Mahler 4, Orchestre philharmonique du Luxembourg,
Miah Persson dir. Gustavo Gimeno
Pentatone

Lentement mais sûrement, l’Orchestre philharmonique du
Luxembourg poursuit son ascension dans les hautes sphères
musicales européennes comme en témoigne ce nouveau disque
consacré à la quatrième symphonie de Mahler. Celle-ci est ici
interprétée avec une ferveur communicative mais également avec
une certaine maturité qui fait plaisir à entendre. La brillance de
l’orchestration mahlérienne n’est jamais aveuglante et
l’interprétation ne verse jamais dans la démonstration.

Le chef et son orchestre évitent ainsi parfaitement le piège d’une
succession d’effets sonores dans cette symphonie surreprésentée
par les bois et les cuivres. Au contraire, les équilibres sonores sont
respectés et la musique gagne en fraîcheur. Dans le troisième
mouvement, le souffle mahlérien oscille merveilleusement entre
murmure et plainte. Et même si la voix de Miah Persson dans ce
quatrième mouvement qui clôt la symphonie est assez éloignée du
chant d’enfant voulu par Mahler, l’ensemble est incontestablement
une réussite.