Archives de catégorie : Ecoute

L’indépendance du génie

Prokofiev (© Bibliothèque nationale de France)
Prokofiev (© Bibliothèque nationale de France)

Il y a 125 ans naissait Serge
Prokofiev, l’un des compositeurs majeurs du 20
e siècle

Définir Serge Prokofiev relève soit de la gageure, soit de
l’exploit tant l’homme et le compositeur se révélèrent complexes et surtout indépendants. Se nourrissant d’influences diverses et des multiples courants artistiques de la première moitié du 20e siècle, il développa un style propre, en dehors de toute école, et ne suivit qu’un seul chemin
artistique : le sien.

Si l’on devait caractériser son œuvre, il faudrait emprunter le mot du compositeur russe Alfred Schnittke, celui de polystylisme dont il fut l’inspirateur au demeurant. Car Serge Prokofiev s’imprégna aussi bien du constructivisme, du classicisme, se fit le promoteur du réalisme-socialiste tout en intégrant à son œuvre les grandes plumes de l’âge d’argent (Biély, Balmont, Akhmatova), absorba le folklore russe et la modernité industrielle, puisa enfin dans la nature. « Oui, j’aime furieusement la diversité partout et en toute chose » écrivait-il ainsi dans son journal en 1910.

Les années 1916-1918 demeurent à ce titre parmi les plus prolifiques de son existence. Il y a un siècle, Serge Prokofiev composait sa première symphonie ainsi que son premier concerto pour violon. Ce dernier, relativement classique, se veut moins percutant que ses deux premiers concertos pour piano. « Tout le concerto est un rêve et je pense que le violoniste doit imaginer son archet comme le pinceau d’un peintre, son œil comme la fenêtre d’un conte de fées tout en ayant l’esprit d’un metteur en scène » rappelle Patricia Kopatchinskaja, soliste
internationale. Tout en déployant ce lyrisme omniprésent dans toute l’œuvre de Prokofiev, le concerto pour violon, comme d’ailleurs la première symphonie, ressemblent à des rivières joyeuses lorsque la Suite Scythe (1914-15) s’apparente à un torrent furieux. « Ce concerto possède des éléments d’une pureté issue de sa personnalité et de son côté visionnaire de sa musique » poursuit Patricia Kopatchinskaja.

Cette première symphonie, avec ce premier mouvement et surtout cette gavotte, est un hommage aux grands maîtres du classicisme que furent Haydn et Mozart. Avec la deuxième symphonie d’inspiration beethovienne et sa cinquième qui rappelle le Parsifal de Wagner, Prokofiev a également inscrit son œuvre dans la lignée des grandes génies mélodiques de l’histoire de la musique. Et c’est ici que réside précisément le génie de Prokofiev. Il a introduit la poésie des anciens dans la forge du 20e siècle à coups de martèlements, d’asymétries et de dissonances, l’a broyé et en a fait du métal, de cet acier
indestructible qui dure éternellement et qui choqua certains de ses contemporains et en fascina d’autres.

Tous ces éléments forment une musique unique animée d’une
énergie incandescente qui a pour but d’interpeller et de provoquer quelque chose chez son auditeur, sans jamais tomber dans la banalité. « Certains considèrent la musique de Prokofiev comme extrêmement forte. D’autres, en revanche la perçoivent difficile et le public peut parfois la juger inamicale » résume le chef d’orchestre ukrainien Kirill
Karabits. Véritable héraut d’une modernité qu’il défendit par-dessus tout et qui convainquit les plus grands interprètes de son temps, de
Maria Yudina à Mstislav Rostropovitch en passant par David
Oïstrakh et Sviatoslav Richter, Serge Prokofiev demeurera un
compositeur aux multiples facettes. Cette formidable complexité se retrouve aujourd’hui dans sa musique, irrémédiablement unique.

A écouter : 

Prokofiev symphonies 1-7, Bournemouth Symphony Orchestra,
dir. Kirill Karabits, Onyx Classics

Prokofiev concerto pour violon, Patricia Kopatchinskja,
London Philharmonic Orchestra,
dir. Vladimir Jurowski, Naïve, 2013.

Laurent Pfaadt

Une histoire d’amitiés et d’exil

Coffret inédit dédié à l’altiste et chef d’orchestre Rudolf Barshaï

barshaiLa musique c’est un peu comme l’archéologie, il y a toujours quelque chose à découvrir, caché au fin fond d’une bibliothèque ou dormant sur les étagères poussiéreuses d’un conservatoire. Le coffret
consacré à l’altiste et chef d’orchestre Rudolf Barshaï publié aujourd’hui par le label ICA Classics appartient indiscutablement à ces trésors oubliés.

Rudolf Barshaï (1924-2010) a traversé d’Est en Ouest un siècle
musical intense et divisé par un rideau de fer. De l’alto à la baguette, il a laissé un legs important que vient encore enrichir ce magnifique
coffret composé en très grande majorité d’inédits que l’on doit en grande partie à sa veuve, Elena Barshaï.

La vie de cet homme, considéré comme l’un des plus grands altistes du XXe siècle démarre dans le conservatoire de Moscou, ce haut-lieu de la musique européenne qui a vu Tchaïkovski, Prokofiev,
Rachmaninov ou Chostakovitch. Plusieurs étudiants dont Barshaï et Dubinsky rejoints très vite par Rostropovitch fondèrent le quatuor Borodine en 1945. Cette histoire d’amitié fut à l’origine de l’une des plus belles aventures de la musique de chambre du siècle passé. Les enregistrements du quatuor sont légions mais ceux enregistrés au conservatoire de Moscou nous font entrer dans une intimité de toute beauté en particulier dans cette merveille du premier quatuor à cordes de Chostakovitch qui n’hésita pas dans son quintet pas à
accompagner cette petite troupe au piano ! On y apprécie également ce merveilleux Bach que Barshaï fit résonner avec ce
Stradivarius qui appartint en son temps à Henri Vieuxtemps.

Du quatuor à l’orchestre de chambre, il n’y eut qu’un pas que Barshaï franchit avec allégresse. Ce fut l’aventure du Moscow Chamber
Orchestra qui s’imposa très vite comme un orchestre de référence. Barshaï noua des amitiés avec un certain nombre de compositeurs présents dans le coffret dont Alexandre Lokshin et Revol Bounine qui lui dédia son concerto pour alto et surtout Dimitri Chostakovitch dont Barshaï et le MCO créèrent la 14e symphonie le 29 septembre 1969. Même si le coffret contient une version ultérieure (1971), elle témoigne bien de cette admiration réciproque et de cette articulation magistrale entre les cordes, les percussions et les voix que sut saisir Barshaï. On raconte d’ailleurs que lors d’une répétition du quintet pour piano, Barshaï se trompa d’entrée. Cette erreur plût tellement à Chostakovitch qu’il l’a consigna dans la partition. Le
coffret se fait également l’écho de ces amitiés avec Emil Gilels (concerto pour piano n°21 de Mozart) ou David Oïstrakh dans cet incroyable Rondo de Mozart qui marquèrent la légende du Moscow Chamber Orchestra.

Vint 1977 et l’exil. Le banni se fit alors citoyen du monde. En Israël dont il prit la nationalité, à Paris, à Vancouver et surtout à la tête du Bournemouth Symphony Orchestra où il laissa un souvenir mitigé parmi les musiciens. Le chef ukrainien Kirill Karabits, son lointain successeur à la tête de l’orchestre, reconnaît pourtant que « Barshaï contribua grandement au son de cordes de l’orchestre mais également de lui avoir apporté le répertoire russe, en particulier Chostakovitch ». Sur le disque, cette collaboration laissa des témoignages uniques tels que la cinquième symphonie de Lokshin. Mais surtout, Barshaï, qui se sacrifia totalement à la musique, revint aux sources de ce 20e siècle qui l’émerveilla et le fit souffrir. Il avait embrassé Chostakovitch, il servit Mahler, ce compositeur qu’il n’avait jamais cessé d’aimer et de promouvoir en URSS. Son travail sur la 10e symphonie, laissée inachevée par le maître et arrangée par Barshaï, révèle une autre facette de l’homme mais surtout, montre que s’il a choisi d’être interprète, il aurait pu devenir compositeur. C’est ce qu’avaient parfaitement compris Loshkin, Kryukov, Bounine ou Chostakovitch. Même si le
régime soviétique qu’il servit magnifiquement avec son alto tenta d’effacer sa mémoire, le concert de 2003 à Tokyo qui ferme ce
coffret rappelle avec éclat que son empreinte musicale demeure
ineffaçable. Car au final, la musique a raison de tout, surtout de ceux qui prétendent la confisquer.

A tribute to Rudolf Barshaï,
œuvres de Vivaldi, Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Mahler,
Chostakovitch, Bounine, Britten, Tippett
notamment ICAB 5136 ICA Classics, 2015.

Laurent Pfaadt

Au sommet de leur art

© Monika Rittershaus
© Monika Rittershaus

Les Berliner Philharmoniker dans Beethoven.
Magistral

Après Schumann, Schubert et Sibelius, les Berliner Philharmoniker se lancent avec cette intégrale à l’assaut de Beethoven. Projet phare de la saison 2015-2016 de l’orchestre, ces symphonies ont été enregistrées en octobre 2015 par le label de l’orchestre avant d’être
interprétées à nouveau à Paris, Vienne, New York et Tokyo.

Sir Simon Rattle ne souhaitait pas quitter Berlin sans marquer de son empreinte l’histoire de l’orchestre. Pour cela, il lui  fallait « son » Beethoven. Et « lorsque vous avez un orchestre comme le Berliner
Philharmoniker, vous avez, bien entendu un avantage conséquent parce que cet orchestre possède une personnalité d’une énergie incroyable, presque surhumaine. Et c’est la première chose dont vous avez besoin pour Beethoven. Parce que sinon, il vous demande plus que vous ne pouvez donner »
.

On ne pensait pas que le chef allait appliquer ces mots à la lettre. En fait, il n’a fallu attendre que les deux premiers mouvements de la première symphonie pour mesurer ses paroles. Ce que l’on aurait pu prendre pour de la timidité n’était en fait qu’un volcan sur le point de se réveiller après plusieurs siècles de sommeil. Car, dès le troisième mouvement de cette même symphonie, les cordes, qui avaient dès le début annoncé la puissance à venir avec leur caractère incisif, ont accompagné la force incroyable d’un orchestre qui s’est très vite transformé en organisme vivant. Il faut dire qu’avec Beethoven, les Berliner jouent un peu à domicile, c’est un peu « leur » compositeur depuis Fürtwangler et Karajan. La patte de Rattle y est cependant reconnaissable. Tout en s’inscrivant dans cette magnifique
tradition germanique, il a suscité le feu intérieur de l’orchestre et l’a transformé en une énergie créatrice plutôt que de vouloir le
répandre tel un incendie.

Les autres symphonies ne sont qu’une succession ininterrompue d’émotions. La légèreté de la seconde laisse vite place à une
troisième aérienne et profonde portée par des cors très inspirés. Et lorsque le tocsin résonne avec lyrisme dans la cinquième et la
septième, c’est pour mieux être contrebalancée par la douceur bucolique des bois. On y ressent une puissance digne d’un cyclone même si l’éclaircie n’est jamais bien loin. L’énergie est parfaitement canalisée et transformée, la légèreté des bois répondant parfaitement au caractère implacable des percussions. On a parfois l’impression que l’orchestre tient le monde à bout de bras pour l’embrasser de sa musique tel un Leviathan. Cela donne une alchimie très réussie comme dans cette incroyable quatrième symphonie pleine de vie et de folie maîtrisée qu’on a l’impression de redécouvrir. Mais surtout, Rattle a pleinement réussi à faire éclater cette joie immense contenue dans la musique de Beethoven et si souvent bridée ou brisée par trop de timidité ou de violence.

L’apothéose arrive bien évidemment avec la neuvième portée par des trompettes inouïes. Les voix de Christian Elsner, de Dimitri
Ivashchenko, d’Annette Dasch et d’Eva Vogel résonnent alors comme un hymne à l’éternité, celui d’un orchestre intemporel inscrit à jamais dans l’histoire d’une humanité transmettant cette force créatrice et cette énergie musicale tirée du génie de Beethoven et qui résonnera grâce à ce coffret encore longtemps dans nos oreilles.

Beethoven symphonies 1-9, Sir Simon Rattle,
Berliner Philharmoniker,
Berliner Philharmoniker Recordings, 2016

Laurent Pfaadt

Retour aux sources

Voces Suaves © Bertand Pichène
Voces Suaves © Bertand Pichène

Un enregistrement réhabilite le
compositeur
Maurizio Cazzati

Grâce au travail de fourmi entrepris par le Répertoire International des Sources Musicales (RISM) qui recense les œuvres musicales, il est possible de redécouvrir des partitions oubliées, des compositeurs méconnus qui pourtant furent très célèbres et joués au-delà de leur simple pays de résidence. C’est ainsi que la musique du compositeur italien Maurizio Cazzati (1616-1678) a traversé les frontières notamment les Alpes pour être entendue jusqu’au lieu de cet enregistrement, la collégiale St Michael de Beromünster dans le canton de Lucerne.

Maître de chapelle à Bologne puis à Mantoue, Maurizio Cazzati qui fut un contemporain de Monteverdi et de Cavalli, produisit une œuvre de 66 pièces essentiellement de musique sacrée. Sa Messa e Salmi op. 36 comprenant une messe, six psaumes et un Magnificat a ainsi été joué dans ce haut lieu de la musique baroque helvétique. Il n’en fallait pas moins au chef Francesco Saverio Pedrini, organiste reconnu et aux Voces Suaves pour s’emparer de cette œuvre et lui redonner, près de quatre siècles après sa première écoute,
une seconde vie.

Dans ce qui constitue une première mondiale, l’interprétation des œuvres de Cazzati frappe d’abord par leur beauté apaisante nimbée d’une espèce de plénitude. On est loin des Magnificat de Vivaldi ou de Bach qui impressionnent par leur grandiloquence. Ici, la voix de la Vierge portée admirablement par les sopranos Mirjam Wernli et Lia Andres, est plus intime, plus humaine dira-t-on, car elle semble émanée de l’intimité du foyer.

Le Gloria s’inscrit dans cette même atmosphère. Porté par la douceur des voix de l’ensemble vocal bâlois, il n’y a jamais de violence, jamais de brutalité, bien au contraire. A cette beauté s’ajoute une écriture musicale novatrice pour l’époque dans l’utilisation notamment de ritournelles qui sont utilisées comme des éléments constituants de la Messa ou du Gloria alors qu’à cette époque et notamment chez Monteverdi, elles ne font qu’ouvrir et fermer les œuvres.

La musique de Cazzati est accompagnée de plusieurs œuvres de
Sebastian Anton Scherer, compositeur baroque allemand, qui permettent d’apprécier toute la beauté de l’orgue de Beromünster bien servie au demeurant par une formidable prise de son qui concourt indiscutablement à la réussite de ce disque qui rendra justice à ce compositeur oublié.

Maurizio Cazzati, From Bologna to Beromünster,
Mass & Psalms op.36, Voces Vocals, Francesco Saverio Pedrini,
Claves Records, 2016.

Laurent Pfaadt

Les héros chantent à nouveau

Angela Meade © The Metropolitan Opera
Angela Meade © The Metropolitan Opera

Des opéras oubliés
ressortent au disque

L’histoire de la musique est parfois insondable. Elle
sélectionne des opéras ayant connu des succès modestes et oublie ceux qui ont triomphé sur les plus grandes scènes européennes. Ainsi Carmen de Bizet ou la Traviata de Verdi qui furent des fours retentissants sont devenus aujourd’hui de grands classiques de la musique. D’autres sont tombés dans l’oubli et ne suscitent qu’épisodiquement la curiosité de directeurs musicaux téméraires ou de labels audacieux.

A ce titre, le label Opera Rara, comme son nom l’indique, tente de redonner une seconde vie à ces opéras de grands compositeurs mis en sommeil pour diverses raisons. Après avoir redonné vie au
Aureliano in Palmira de Rossini ou à la Straniera de Bellini, Opera Rara a décidé d’enregistrer le duc d’Albe  de Gaetano Donizetti.

Composé en 1839 par Donizetti sur un livret de l’un des plus grands librettistes de son temps, Eugène Scribe, à qui l’on doit notamment les Huguenots de Meyerbeer ou les Vêpres siciliennes de Verdi, l’opéra a été laissé inachevé avant d’être créé plus de trente ans après la mort du compositeur.

Tous les ingrédients étaient donc réunis pour que les sables de la musique ensevelissent l’œuvre mais également pour permettre une nouvelle naissance au disque et surtout une surprise de taille grâce à cette formidable interprétation. Cet opéra fidèle à la tradition
romantique, qui conte les aventures du duc d’Albe, régent des
Pays-Bas espagnols luttant contre les rebelles flamands, a été injustement oublié car il est proprement magnifique. L’orchestre Hallé, sous la conduite de son chef, Sir Mark Elder, délivre une interprétation de haute volée. Grâce à une direction modérée et claire, le chef maintient parfaitement les équilibres sonores tandis que le choeur n’est jamais envahissant, ce qui est fort appréciable.

Dans cette orchestration se fond à merveille un casting pour le moins éblouissant. La soprano américaine Angela Meade, très à l’aise avec les rôles du bel canto et qui a notamment brillé au Met de New York dans Ernani en mars 2015 ou dans le Trouvère plus récemment, rayonne une fois de plus dans le rôle d’Hélène d’Egmont tandis que Laurent Naoury interprète un duc d’Albe ténébreux à souhait. La tessiture d’Angela Meade coule dans nos oreilles tel un nectar divin surtout dans le premier acte (« Au sein des mers » et « Du courage, du courage »). Michael Spyres, ténor américain courtisé par les plus grands opéras dont la diction impressionne restera pendant longtemps l’interprète de référence d’Henri de Bruges. Son « Punis mon audace ! » à l’acte I puis son merveilleux duo avec
Angela Meade à l’acte II « Noble martyr de la patrie » sont de toute beauté.

Si le régent des Pays-Bas espagnols, de guerre lasse, quitta le pouvoir, l’Aiglon, le fils de Napoléon, ne l’exerça jamais alors qu’il était programmé pour cela. L’opéra que lui consacrèrent Jacques Ibert et Arthur Honegger en 1937 demeura à l’image du destin de leur héros, un coup d’épée dans l’eau. Aujourd’hui, grâce à la passion conjuguée de Kent Nagano et de l’orchestre symphonique de Montréal, il est possible de découvrir cette œuvre. L’interprétation colorée de l’orchestre canadien qui, tantôt prend des accents straussiens avec cette valse viennoise à l’acte III pour restituer l’atmosphère de la cour de Vienne, cette prison dorée du duc de Reichstadt, tantôt se mue en chant martial lorsqu’il entonne la Marseillaise à l’acte IV, est très agréable.

Les voix accompagnent parfaitement l’irrémédiable destin de
l’Aiglon emporté par la phtisie comme dans un sortilège à l’image de ce cauchemar dans lequel le fils de Napoléon revit la bataille de
Wagram au milieu des fantômes des soldats de son père. Il ne restait plus qu’à la baguette inspirée de Kent Nagano de traduire les angoisses prophétiques d’Ibert et Honegger qui composèrent cet opéra deux ans avant une guerre qui allait emporter notre pays.

Avec ses assertions de chansons populaires –  « il pleut bergère » ou « sur le pont d’Avignon » – l’oeuvre oscille en permanence entre opéra et opérette. C’est peut-être ce côté inclassable qui causa son oubli. En tout cas, aujourd’hui, avec ces enregistrements de référence, ces deux opéras devraient trouver toute leur place dans la discographie avant, espérons-le, d’intégrer les programmations des opéras du monde entier et de conquérir le cœur du public.

Donizetti, Le Duc d’Albe, Hallé Orchestra, Opera Rara chorus,
dir. Sir Mark Elder,
Opera Rara, 2015

Honegger & Ibert, L’Aiglon, Orchestre symphonique de Montréal,
dir. Kent Nagano,
Decca, 2016

Laurent Pfaadt

Un requiem allemand

Abbado © Cordula Groth
Abbado © Cordula Groth

Dernier concert de Claudio Abbado à la tête des Berliner Philharmoniker. Emouvant

 

Il y a deux ans, le 20 janvier 2014, disparaissait l’un des plus grands chefs d’orchestre du XXe siècle. En mai 2013, il donnait son dernier concert à la tête de l’orchestre philharmonique de Berlin qu’il dirigea entre 1989 et 2002. Le programme de ce dernier concert proposait Mendelssohn et Berlioz. Il est aujourd’hui possible de revivre ce moment historique grâce au très beau coffret publié par le label de l’orchestre.

Dans le Songe d’une nuit d’été de Félix Mendelssohn, on retrouve l’orchestre philharmonique de Berlin au meilleur de sa forme tel que l’a façonné Abbado : aérien tout en assumant son caractère
germanique. Avec un tempo assez lent, le chef dissèque méticuleusement le son en faisant ressortir tantôt les cordes, tantôt les vents. L’harmonie est ainsi parfaite et l’œuvre résonne comme un cristal
lumineux. Comme dans un orchestre de chambre, il se dégage un
sentiment d’écoute partagée.

La symphonie fantastique d’Hector Berlioz est encore plus belle. Rayonnante de douceur et de volupté, Abbado étire le tempo jusqu’à la rupture. Cette symphonie qu’Abbado ne donna jamais avec les Berliner avant ce concert prend ainsi l’aspect d’un conte hors du temps où le maestro joue habilement avec chaque famille
d’instruments. L’auditeur perçoit immédiatement l’incroyable
autonomie de l’orchestre qui fonctionnait selon le violoncelliste
Ludwig Quandt comme « un organisme ». Le chef laisse pleinement s’exprimer les bois qui structurent l’œuvre et lui donnent ce caractère bucolique. Il faut dire qu’ils sont portés par un Emmanuel Pahud et un Albrecht Mayer au sommet de leur art notamment dans la Scène aux champs. Les cuivres sont également très inspirés et surtout n’écrasent pas l’œuvre tandis que les cordes virevoltent, imprimant notamment dans le songe d’une nuit du Sabbat, un caractère fantastique dénué de peur, loin des interprétations qui martèlent l’arrivée du diable. On dirait la symphonie fantastique expliquée aux enfants.

A travers cette interprétation, témoignage de ce chef d’orchestre au soir de sa vie, Claudio Abbado remet ainsi son art entre les mains d’une jeunesse qu’il a toujours encouragé, notamment dans la formation de nombreux orchestres de jeunes. Le DVD qui accompagne ce coffret permet de s’en rendre compte. Le chef y est particulièrement touchant. On y voit le maestro le visage émacié mais l’œil toujours alerte et plein de vie dirigeant cet orchestre avec cette même élégance qui le caractérisait tout en se mettant au service de l’œuvre. « J’ai le sentiment qu’avec lui, plus qu’avec aucun autre chef, j’aurais pu dépasser mes limites » affirme la harpiste Marie-Pierre Lamglamet qui résume bien cette relation basée sur la confiance qu’entretenait
Abbado avec « ses » Berliner.

Ce coffret constitue ainsi un magnifique testament sonore de l’un des plus grands chefs du 20e siècle à la tête de l’orchestre le plus prestigieux de la planète. Il exprime avec force la volonté de cet homme qui consacra sa vie à transmettre aux autres son amour de la musique et aimait à répéter qu’ « écouter est plus important que
parler »
.

Berliner Philharmoniker – Claudio Abbado – The Last Concert, Berliner Philharmoniker Recordings, 2015

Laurent Pfaadt

L’univers en marche

Henryk Mikolaj Gorecki kompozytor © Czeslaw Czaplinski/FOTONOVA

Le compositeur polonais
Gorecki à l’honneur d’un
coffret extraordinaire

L’œuvre du compositeur
polonais Henryk Gorecki (1933-2010) s’apparente à une longue plainte qui traverse tout le 20e siècle. C’est ce qui ressort du coffret édité par Nonesuch Records, label de référence pour la musique classique contemporaine qui a notamment dans son catalogue, John Adams, Philip Glass ou Steve Reich.

Peu connue, la musique de Gorecki qui oscilla entre musique tonale, sérielle et minimalisme semble sortir des ténèbres comme une sorte d’appel mystique lancé vers le ciel. A l’image de sa troisième symphonie  baptisée « symphonie des chants plaintifs » (1976) qui reste à ce jour son œuvre la plus connue avec son long premier mouvement lento ponctué du chant funèbre d’une soprano, la musique de
Gorecki n’appartient à aucune école, ne fait écho à aucune mode. Elle est simplement unique.

Le coffret ainsi présenté nous permet de naviguer sur ce Styx
musical pour y découvrir l’œuvre protéiforme du compositeur
polonais. Il y a bien entendu sa musique symphonique avec ses deux dernières symphonies (les 3 et 4e) interprétées de manière très convaincante par deux orchestres londoniens de tout premier plan, le London Philharmonic Orchestra et le London Sinfonietta et deux chefs particulièrement inspirés (Andrey Boreyko et David Zinman). Le London Sinfonietta, habitué aux compositions contemporaines sous la conduite de chefs tels que Salonen ou Boulez, excelle dans cette 3e symphonie mais également dans le Kleines Requiem für eine Polka. Il accompagne une impériale Dawn Upshaw dans cette version (1992) qui connut en son temps un véritable succès et reste à ce jour l’interprétation de référence. Cette oeuvre demeure aujourd’hui l’une des grandes symphonies de la 2e moitié du 20e siècle. La 4e symphonie, achevée par le fils du compositeur, qui s’ouvre et se
referme avec de puissantes percussions frappe également par son caractère implacable.

Au-delà de la dimension symphonique, ce coffret permet également d’arpenter les sombres chemins de sa musique de chambre en particulier ses deux premiers quatuor à cordes, interprétés par le Kronos Quartet, qui traduisent l’influence de Beethoven et ont inspiré de nombreux chorégraphes.

Mais la grande surprise réside dans l’œuvre vocale de Gorecki. Avec sa profondeur majestueuse, elle révèle une beauté sortie des ténèbres qui se transforme en lumière notamment dans ce magnifique Miserere interprété par le chœur du Chicago Symphony Chorus. Celui qui a mis sa foi catholique en musique nous livre ici un chant qu’aurait pu entonner les premiers chrétiens dans les catacombes. A écouter Gorecki, c’est voir le temps qui s’écoule inexorablement, c’est réfléchir avec tristesse sur l’histoire tragique du 20e siècle, c’est peut-être aussi constater que nous ne sommes que des êtres minuscules face à l’extraordinaire puissance de l’univers.

Avec de nombreuses créations mondiales captées et ces versions de référence, ce coffret est à la fois une excellente manière d’entrer dans l’univers musical si singulier d’Henryk Gorecki en même temps qu’il offre des témoignages musicaux qui resteront dans l’histoire.

Henryk Gorecki, a Nonesuch Retrospective, 2016

Laurent Pfaadt

Pianistes de légende

SokolovSokolov et Lisiecki font briller le répertoire romantique

Il faut dire que l’on attendait avec impatience son nouveau disque. Après le récital d’anthologie à Salzburg, Grigori Sokolov revient avec un nouveau disque consacré à Schubert, Beethoven, Rameau et Brahms. Celui qui ne donne plus que des récitals est à nouveau époustouflant. Les Impromptus de Schubert sont ainsi hors du temps, d’une beauté incroyable en particulier le 3e où le pianiste, comme à son habitude, explore toutes les nuances de l’œuvre. Le 4e impromptu ressemble quant à lui à un rêve dans lequel Sokolov nous entraîne avec son toucher unique.

Dans la sonate n°29 dite Hammerklavier de Beethoven, Sokolov est d’une facilité déconcertante.  L’adagio, joué avec délicatesse et profondeur, nous raconte une histoire et nous emporte dans notre propre vie. Le génie de Sokolov y transparaît à chaque note surtout dans ce final si redouté des pianistes. Aucun sentiment n’est assez fort pour décrire le sentiment que l’on ressent à l’écoute de  cette sonate. Avec son interprétation toute personnelle de Rameau où
Sokolov chevauche l’œuvre pour y délivrer une vision proprement stupéfiante et très séduisante. Il achève ainsi de convaincre l’auditeur qu’il n’est pas un pianiste comme les autres.

Si Sokolov a déjà acquis de son vivant le statut de légende, Jan Lisiecki, malgré son âge, ne devrait pas tarder à l’acquérir. Comme son brillant aîné, le pianiste canadien sort lui aussi un nouveau disque, consacré à Robert Schumann. Passage obligé de tous les grands solistes, le concerto de Schumann, composé en 1845, a connu une multitude de versions. Avec son premier mouvement qui déploie immédiatement le brio de l’œuvre, le concerto dévoile très vite les intentions du soliste. Jan Lisiecki ne tombe pas dans le piège de la fougue et malgré son âge, fait preuve d’une incroyable maturité musicale qui est souvent le signe des très grands solistes, d’autant plus que le concerto permet différentes variations. Le piano de Lisiecki se fait parfois murmure dans le premier mouvement lorsqu’il dialogue avec les vents puis devient une caresse dans le second. L’élégance du jeu de Lisiecki se coule parfaitement dans la souplesse rythmique de l’œuvre détonnant ainsi avec tous ces jeunes pianistes qui maltraitent souvent l’instrument.

Il faut dire que le soliste a trouvé un partenaire de choix en la personne d’Antonio Pappano, à la tête de l’orchestre de l’Académie nationale de Sainte-Cécile et chef du Royal Opera House par ailleurs. L’osmose entre le soliste et l’orchestre est excellente et atteint même des sommets dans l’autre pièce concertante de Schumann présente sur le disque, l’introduction et allegro appassionato. L’énergie que Pappano insuffle à l’orchestre est proprement contagieuse et pousse Jan Lisiecki à s’insérer dans un rythme et à danser avec l’orchestre, donnant ainsi toute sa brillance à cette pièce de
Schumann.

Même s’il n’égale pas les versions Lupu/Prévin et surtout celle, indépassable de Lipatti et Ansermet, cette belle version permettra de découvrir ce jeune pianiste appelé, à n’en point douter, à régner sur les sommets du piano.

Grigory Sokolov, Schubert & Beethoven, Deutsche Grammophon, 2015

Jan Lisiecki, Schumann, Orchestra dell’Accademia Nazionale di
Santa Cecilia, dir. Antonio Pappano, Deutsche Grammophon, 2015

Laurent Pfaadt

Nelson Goerner ressuscite les morts

NG © Jean-Baptiste Millot
NG © Jean-Baptiste Millot

Le pianiste argentin redonne vie à des compositeurs
oubliés

S’il demeure nettement moins connu que ses aînés, Martha Argerich et Daniel Barenboïm, Nelson Goerner s’inscrit indubitablement dans cette magnifique lignée de pianistes argentins de grand talent. Et c’est peu dire que d’affirmer que le virtuose de 46 ans est l’un des tous meilleurs. Après ses Chopin et ses Debussy d’anthologie, les différents disques qu’il nous offre aujourd’hui parlent d’eux-mêmes. Virtuosité et sensibilité sont ainsi les maîtres mots de ces nouvelles gravures parues sous le label de l’Institut Frédéric Chopin.

La singularité de Nelson Goerner tient également au fait qu’il ne se contente pas des classiques qui sont, pour les artistes de notre temps, autant de passages obligés sur la route de la notoriété d’une époque où les différences ont tendance à s’estomper. La discrétion de Goerner n’a d’égale que son opiniâtreté à ressusciter des compositeurs aujourd’hui oubliés et à révéler la beauté d’œuvres injustement méprisées par le répertoire.

Le concerto pour piano d’Ignacy Paderewski est emblématique de l’impitoyable sélectivité de l’histoire musicale. Qui se souvient encore de ce pianiste et compositeur acclamé dans le monde entier et qui devint Premier ministre de son pays au lendemain de la Premier guerre mondiale ? Personne ou presque. Et pourtant, son concerto est un véritable hymne à la liberté et à l’héroïsme. La force qui s’en dégage permet au pianiste de briller et d’y développer tout son lyrisme. Goerner y excelle sans tomber dans l’exagération grâce à un toucher subtil où il sait mettre en lumière les couleurs tantôt éclatantes du premier mouvement, tantôt intimes du second. Il est magnifiquement secondé par l’orchestre de la radio polonaise placé sous la direction de Jacek Kaspszyk qui a eu à cœur, dans cet enregistrement de concert, de maintenir jusqu’au bout les équilibres sonores et un souffle qui ne retombe qu’à la dernière note.

Le concerto pour piano n°2 du compositeur italien Giuseppe Martucci est du même acabit. Goerner, une fois de plus impérial, démontre toute l’étendue de son jeu, martelant le premier mouvement avant d’offrir une palette plus nuancée dans le reste de l’œuvre. Son interprétation aérienne fait merveille dans le final où il est cette fois-ci secondé par la Sinfonia Varsovia.

Très à l’aise avec la musique orchestrale, Nelson Goerner prouve également qu’il est un grand musicien de chambre. Jamais, il ne s’impose. Son piano semble écouter les autres pour mieux les accompagner, soulignant ainsi la noblesse de son interprétation. Le résultat est immédiatement perceptible, celui d’une joyeuse aventure faîte de complicités, surtout dans ce magnifique octet du compositeur polonais Josef Krogulski, mort à 27 ans en 1842, où il est accompagné par le très prometteur violoniste kazakh, Erzhan Kulibaev. On a presque l’impression d’être dans un parc de Varsovie en ce début de XIXe siècle, écoutant ces musiciens sous un kiosque.

Ces disques nous montrent ainsi que si la Pologne ne fut pas toujours un Etat, elle demeura au XIXe et XXe siècles avec Chopin,
Paderewski, Szymanowski, Lutoslawski et Penderecki notamment l’une des plus importantes nations musicales du monde.

Paderewski, Martucci, pianos concertos, Nelson Goerner, orchestre de la radio polonaise, Sinfonia Varsovia, Institut Frédéric Chopin, 2015

Nowakowski, piano quintet, Krogulski,piano octet, Nelson Goerner,
Institut Frédéric Chopin, 2015

Laurent Pfaadt

Mélodie Zhao

Mélodie Zhao. janvier 2014 Lausanne © Philippe Pache
Mélodie Zhao. janvier 2014 Lausanne
© Philippe Pache

« Les concertos de Tchaïkovski sont faits pour de jeunes
esprits »
 

Mélodie Zhao est ce qu’il convient d’appeler un prodige. La pianiste suisse donnait son premier récital à dix ans. Après des études au conservatoire de Genève, elle se produit désormais sur les scènes du monde entier. Une intégrale des sonates de Beethoven a révélé son incroyable talent qu’elle confirme aujourd’hui avec un nouveau disque très réussi consacré aux concertos de Tchaïkovski.

Quel rapport entretenez-vous avec les concertos de Tchaïkovski ?

Une relation très intime… C’est la vieille école russe qui m’a formée lorsque j’ai grandi chez mes grands-parents, jusqu’à l’âge de 9 ans. Les listes d’écoute que ces derniers me préparaient étaient composées de Beethoven, Mozart et de compositeurs russes en particulier. Le premier concerto de Tchaïkovski, je le chantonne donc depuis toujours, un peu comme Frère Jacques. Mais je n’ai découvert ses deux autres concertos que bien plus tard pour les adorer aussitôt.

N’est-on pas, à 21 ans, intimidé par ces monuments de la musique ?

Intimidés par les grands compositeurs ou plutôt à genoux devant eux et se tenant corps et âme à leur service, je suppose que, nous autres interprètes, devons l’être toute notre vie. Cependant, je pense que les concertos de Tchaïkovski sont faits pour de jeunes esprits… Le compositeur a attaché une virtuosité et une bravoure particulièrement grandes à ces œuvres surtout dans le premier concerto. Je pense que, contrairement aux dernières sonates de Beethoven ou de Mozart, Tchaïkovski convient mieux à de jeunes pianistes au summum de leur forme.

On connaît moins le second concerto qui est pourtant magnifique et si différent du premier…

En effet, dès sa création, il manqua le succès pourtant espéré par le compositeur qui y tenait beaucoup. Toutefois, malgré ce qu’on en a dit, je suis personnellement convaincue qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre qui donne des frissons lorsqu’on l’écoute sans préjugé ! Sa grande virtuosité – dépassant presque celle du premier – constitua également un obstacle à la multiplication de sa production. 

Vous y avez trouvé une réelle sensibilité, notamment dans le second mouvement lorsque le piano dialogue avec le violon solo…

Ce mouvement porte des thèmes incroyablement évocateurs qui annoncent les couleurs des dernières symphonies. J’ai eu la chance de jouer ce quasi « triple concerto » avec deux solistes extraordinaires de l’OSR : Bogdan Zvoristeanu au violon et François Guye au violoncelle. Ces deux musiciens m’ont réellement inspirée et nous avons réussi à trouver une parfaite synchronisation dans nos idées musicales. 

Vous avez réussi à trouver une osmose incroyable avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Il faut dire qu’il est, depuis Ernest Ansermet, particulièrement sensible à la musique russe…

L’orchestre se distingue par ses interprétations des Russes et des Français, deux écoles qui requièrent souvent la même finesse de son de la part de ses interprètes. Ma proximité artistique avec de nombreux musiciens de l’orchestre a beaucoup contribué à ce merveilleux disque.  

Tchaïkovski : Concertos pour piano n° 1 et 2, Mélodie Zhao,
Orchestre de la Suisse Romande, direction Michail Jurowski,
Claves Records.

Interview Laurent Pfaadt