Le
grand compositeur polonais aurait eu, le 23 novembre, 90 ans. Devenu de son
vivant l’un des plus grands compositeurs du 20e siècle, ses œuvres
telles que son Threnos « à la mémoire des victimes d’Hiroshima »,
un Requiem polonais ou son opéra Les diables de Loudun ont depuis
longtemps intégré le répertoire de toutes les salles de concert du monde. A
l’occasion d’un concert de l’orchestre philharmonique de Strasbourg en mars
2004 nous l’avions rencontré. Hebdoscope republie son interview.
Monsieur Penderecki, vous dirigerez jeudi soir, l’une de
vos œuvres, le Concerto grosso pour trois violoncelles. Pouvez-vous nous parler
de la genèse de cette pièce ?
Vous
savez, je suis particulièrement attiré par les violoncelles. J’ai d’ailleurs
écrit plusieurs œuvres pour violoncelles dont deux concertos. Le violoncelle me
fascine car il recèle toutes les possibilités inimaginables. Au départ, ce
concerto devait réunir cinq violoncelles au lieu de trois mais le problème se
pose rapidement lorsqu’il s’agit de réunir solistes de qualité. Le violoncelle
est l’un des rares instruments qu’il est possible de démultiplier à l’infini.
Un jour, en tournée au Japon, on me proposa même de composer des petites pièces
pour mille violoncelles !
Je crois que vous avez un lien particulier avec ce pays,
le Japon comme en témoigne l’une de vos œuvres les plus connues, le Threnos
« à la mémoire des victimes d’Hiroshima »
J’ai
écrit cette œuvre alors que je n’avais même pas trente ans mais j’ai toujours
gardé cette même fascination pour l’Asie. Elle est si différente
culturellement, philosophiquement. C’est cela qui m’attire. J’ai été ravi
d’avoir été le premier chef étranger invité du China Philharmonic. Par
ailleurs, l’Asie possède une musique si intéressante, faite d’instruments issus
d’une longue tradition.
A plus de 70 ans, votre activité créatrice est-elle
toujours aussi féconde ?
J’essaie d’écrire tous les jours même si ce n’est qu’un peu mais j’en ai besoin pour me motiver. En ce moment, je travaille sur trois œuvres majeures notamment une Passion selon saint Jean pour l’inauguration en novembre 2005 de l’Église de la Vierge à Dresde, détruite durant la guerre. Les autres œuvres sont un ballet pour orchestre, le Leader Circus et une dernière œuvre folle, une petite pièce pour orchestre réunissant trois clarinettes et deux clarinettes solo.
Un programme fort bien conçu et des musiciens inspirés nous ont valu
une belle soirée dans la salle Érasme, lors du concert en abonnement de
l’Orchestre philharmonique de Strasbourg donné le vendredi 20 octobre dernier.
Les Danses roumaines de Béla Bartok constituaient une bonne entrée en
matière, servies par un orchestre jouant en petite formation et des musiciens
debout : la virtuosité des archets, très sollicitée dans les parties
véloces, s’en trouva amplifiée sans rien ôter à la texture soyeuse des danses
plus douces et mélancoliques.
Longuement travaillé et remanié
entre 1989 et 1993, le concerto pour violon de György Ligeti comprend, dans son
ultime version, cinq mouvements d’une durée totale d’environ une demi-heure,
durant laquelle le soliste est mis à rude épreuve. Cette œuvre attachante intègre
un matériau sonore d’origine hongroise dans une écriture, par ailleurs, très
avant-gardiste. Son premier mouvement s’ouvre de manière étonnante, comme un
bruit à peine audible se transformant d’abord en son, avant que la musique ne
s’installe vraiment. L’orchestration se compose d’un très petit quatuor d’une
vingtaine de cordes, complété par deux flutes, un hautbois, deux clarinettes,
deux cors, une trompette, un trombone et un grand nombre de percussions. On se
souvient de la belle exécution, plutôt mélodieuse, donnée lors d’un concert
d’avant le confinement de 2020, dirigée par Marko Letonja ; Charlotte
Juillard, la supersoliste de l’orchestre,
tenant la partie violon. C’est une vision beaucoup plus exacerbée que
nous auront fait entendre, le soir du 20 octobre, le chef Aziz Shokhakimov et
la violoniste Patricia Kopatchinskaja, d’une technique instrumentale et d’une
présence scénique hors du commun. En 2020, pour la cadence concluant l’agitato molto final, Charlotte Juillard
avait retenu la version écrite par le compositeur Thomas Adès, Patricia
Kopatchinskaja a proposé la sienne propre, impétueuse et véhémente, s’achevant
sur une mise en scène insolite, simulant une casse des instruments de
l’orchestre !… De cette interprétation de l’œuvre pleine de surprises,
on se demande néanmoins ce qu’ eût pensé le compositeur lui-même, qui en avait confié la création au violoniste
Sascho Graviloff et à l’Ensemble Intercontemporain de Pierre Boulez pour une
approche d’une gravité et d’un sérieux aux antipodes de celle-ci ? En bis,
la violoniste invitée et la supersoliste de l’orchestre se sont sympathiquement
réunies en duo dans une belle pièce pour violon, toujours de Ligeti, connue
sous le nom de Ballade si joc.
La musique du ballet Petrouchka d’Igor Stravinski, qui met en
scène les mésaventures et malheurs d’un pantin doté d’amour et de vie, n’est
plus joué aujourd’hui que dans sa version de concert. D’une richesse de timbre
rendant justice à la prodigieuse orchestration de Stravinsky, Aziz Shokhakimov
et les musiciens de l’OPS en ont proposé une puissante et prenante
interprétation. Elle s’inscrit dans la tradition des chefs russes, soulignant
particulièrement le dramatisme de l’œuvre, à la différence d’interprétations
occidentales mettant souvent en relief les aspects plus ludiques de la
partition.
Avec Pôle-sud-CDCN, Musica a programmé sur la musique de John Cage un spectacle de danse conçu, chorégraphié et interprété par Lenio Kaklea , un solo particulièrement inventif, une sorte d’hommage au compositeur qui fut l’inventeur, pourrait-on dire du piano préparé. Accompagnée du pianiste Orlando Bass, elle a choisi « Sonates et Interludes » pour cette prestation au cours de laquelle elle déploie tout son corps, parcourant le plateau à grandes enjambées, s’amusant à se filmer avec une caméra vidéo pour explorer certaines parties de son visage, qu’elle déforme par des grimaces, étirant sa bouche, agrandissant son œil.
L’inventaire des modes pianistiques de John Cage, elle s’en fait l’écho par sa fantaisie, ses mouvements amples et virtuoses, relevant dans la partition le matériau de sa construction chorégraphique, de la marche au saut suivi d’arrêts en suspension, alternant glissades au sol et élans comme pour essayer d’attraper ce qui tombe du ciel. Elle se rapproche du pianiste lui, très concentré sur son jeu, puis elle disparait quelques instants avant de revenir évoluer, torse nu pour un final qui souligne clairement le pouvoir libérateur de la danse moderne. Représentation du 19 septembre
Musica au Maillon pour « Place » le 22 Septembre En création française une œuvre sur la gentrification dont la partie musicale est signée Ted Hearne ainsi que le livret pour lequel il s’est adjoint le rappeur Saul Williams.
Cela aboutit à une pièce engagée, un oratorio pour six voix et 18 instruments du Collectif lovemusic basé à Strasbourg. Un spectacle total dont les textes nombreux et riches de références sociales et politiques nous touchent autant que les images. Ted Hearne veut nous rendre sensibles à ce problème qu’il a découvert et vécu, lui qui est né à Chicago, et qui a cru d’abord que la musique pouvait faire fi des appartenances sociales et ségrégatives. En prenant conscience qu’il n’en était rien, il s’est lancé sur ce thème pour exposer comment la prise de possession des quartiers populaires par des personnes aisées a constitué un bouleversement dans les mœurs des habitants confrontés à l’augmentation des loyers ou aux contrôles policiers devenant plus fréquents. Projections d’images des quartiers, dialogues filmés, ou chantés, on trouve une richesse de propositions autant sur le plan de l’image que du chant et de la musique.
Il s’agit d’une sorte de dialogue e entre le compositeur et le rappeur, le premier se sent quelque peu coupable d’être malgré lui complice des accapareurs ne serait-ce parce qu’il est blanc. En témoignent ces passages où il est question de leur fils respectif. En effet au début du spectacle une vidéo nous montre l’auteur chantant une berceuse à son fils et posant la question « où virons-nous ? La musique est harmonieuse pendant que défilent des images des villas d’un quartier bourgeois.
La réponse viendra plus tard quand Saul William fera dire aux chanteurs «What about my son, et mon fils alors ? »
Ted Hearne pour ne pas tomber dans le suprémacisme pratique le collage qui permet de mettre en quelque sorte sur un pied d’égalité les références aux auteurs de différentes obédiences comme celles aux différents compositeurs. On y croisera par exemple, aussi bien des textes de Gilles Deleuze, que de James Baldwin et des musiques de Nina Simone ou de Haendel…
Une œuvre finement élaborée à partir de réflexions politiques qui nous a donné le plaisir de l’écoute et celui non moins important celui de se confronter aux problèmes du monde et d’en faire notre affaire.
Grand moment ce lundi 25 septembre à la Cité de la musique et de la danse pour entendre l’Ensemble Intercontemporain sous la direction de son nouveau directeur Pierre Bleuse dans un concert intitulé « L’Ebranlement » qui nous offre les œuvres de trois compositeurs, trois moments d’une musique très colorée, très vivante, d’abord de Michael Levinas en création mondiale « Les voix ébranlées » où l’on passe de murmures aux sons graves, où les instruments semblent parler et justifient le titre, une composition savamment tissée qui procure un vrai plaisir de l’écoute.
Suivie dans un deuxième temps par « La Horde » de Hugues Dufourt, œuvre inspirée par un tableau du peintre Max Ernst portant ce même titre et pour laquelle l’artiste emploie la technique du frottage ce qui se retrouve d’une certaine façon dans l’écriture de cette partition qui fait la part belle aux frémissements et aux frottements. Ça gratte, ça racle, on fait vibrer, amplifiant des sons qui peuvent paraître discordants, on multiplie les coups d’archet. Au final le piano et la flûte nous conduisent vers l’apaisement et le silence.
La troisième partie du concert était réservée à la création mondiale de « The Tailor of Time » une commande de Musica, l’Ensemble Intercontemporain et le Festival d’Automne à Paris à la compositrice australienne Liza Lim qui a puisé son inspiration dans la poésie de Jelaluddin Rumi, un mystique soufi persan du XIIIème siècle. Ecrite pour hautbois, harpe et orchestre l’œuvre fait la part belle au hautbois tenu par Phlippe Grauvogel et à la harpe jouée par Valeria Kafelnikov, tous deux très versés dans la musique contemporaine. Leurs échanges et dialogue est repris, soutenu par l’orchestre, développant une palette sonore riche et variée pendant que les percussionnistes s’adonnent à des bruitages, se lançant dans des bricolages qui font même sourire les musiciens surtout quand ils vont jusqu’à suspendre des casseroles, des cymbales, des cloches et divers objets sur lesquels ils projettent de l’eau et que, sans vergogne, ils se mettent à pousser des cris. A ce charivari succéderont le solo du hautbois, les glissandos de la harpe, et les coups d’archet en rythme soutenu qui contribuent à donner à cette partition toute son expressivité.
A souligner la remarquable interprétation des musiciens de l’Ensemble Intercontemporain toujours dans la justesse et la conviction.
Nous retrouvons ce même Ensemble Intercontemporain le lendemain à la Cité de la musique et de la danse pour nous font entendre, sous sa direction deux œuvres du compositeur allemand Enno Poppe. Ses deux pièces soulignent combien il est inventif et prolixe. Les morceaux très courts de « Blumen » marqués par les frémissements tout en finesse et en subtilités, s’expriment entre éclats, intensité, frénésie et contrastes.
Poppe, lui est un vrai personnage, qui vit sa musique avec tout son corps et semble la danser en la dirigeant.
Dans « Prozession » pour lequel plusieurs batteries sont installées, la composition en neuf parties fait se rencontrer les instruments deux par deux, les percussions, elles, n’arrêtant pas de jouer. La parttion est très structurée, le son souvent très fort, le rythme martial avant de devenir lent, les sons doux, répétitifs, méditatifs, quasiment mystiques. Une très belle rencontre avec ce compositeur assurément plein d’originalité.
Dans le registre de l’originalité nous avons vécu un moment bien particulier avec le spectacle « Anatomia » au cours duquel la pianiste et performeuse Claudine Simon nous fera vivre une expérience unique et pour le moins inattendue, en l’occurrence, le démontage, pièce par pièce d’un piano. D’abord, installé au milieu du dispositif scénique, il dispense ses accords et harmonies de façon classique. Nous sommes bien sûr intrigués par les nombreux fils qui pendent au-dessus du plateau. Nous en comprenons l’usage quand, au fur et à mesure du déroulement du spectacle, on verra advenir la déconstruction de l’instrument dont les différents éléments seront suspendus à ces fils. Quelques sons émergent encore de ce « carnage » auxquels s’ajoutent des martèlements, des grattages et autres sons et bruits obtenus en triturant le corps du piano dépecé.
C’est ainsi que l’on découvre la complexité de cet instrument et que, à notre grand étonnement, dépouillé de son intégrité il résonne encore.
Au Palais des Fêtes nous attend ce samedi un des derniers concerts du festival sur le sol français, une création de Jérôme Combier exécutée par l’Ensemble Cairn dirigé par Guillaume Bourgogne. Pas moins de 6 dispositifs orchestraux sur le plateau autour duquel ont pris place les spectateurs, celui du centre voué essentiellement à des manipulations d’objets, tuyau en bois sur lequel on frappe, papiers que l’on froisse, envolées de pétales qui bruissent, sons enregistrés puis renvoyés. Tous ces éléments de percussion n’empêchent pas les instruments de l’orchestre de se produire, alto, violoncelle, piano et accordéon jouent leur partition. Puis surgissent les sons métalliques des lames d’acier, des cloches, des carillons que l’on frappe et fait résonner. La musique s’immisce dans ces bruitages, parfois elle semble supplier, gémir, gronder devenir orage avant que nuance et délicatesse ne réapparaissent à l’instar de cette dernière manipulation qui nous montre ce filet de sable que l’on fait couler dans la lumière, comme pour mesurer le temps avec un sablier.
Les objets inanimés prennent vie dans la musique et ainsi le compositeur, Jérôme Corbier et le percussionniste Corentin Mariller rendent-ils hommage à l’Arte Povera.
La clôture du Festival s’effectuera à Bâle, en toute beauté .
Après la visite du Musée Tinguely deux concerts nous attendent auxquels cette visite nous a en quelque sorte préparés, en particulier concernant les compositions de Simon Steen-Andersen puisque comme le peintre et sculpteur Steen -Andersen pratique l’art du collage et du recyclage ce dont il s’est expliqué » dans sa conférence de l’après-midi où il est question de sa technique de composition et de partitions construites à partir d’éléments collectés comme on le ferait avec des legos mélangés.
Premier concert, celui de Zone Expérimentale sous la direction artistique de Sarah María Sun dans lequel les œuvres de Steen illustrent son propos, étant successivement inspirées de J.S Bach, Schumann et Mozart, toutes intitulées « Inszenierte Nacht » la nuit mise en scène.
Ce même concert nous permet de redécouvrir une œuvre de Georges Aperghis « Les sept crimes de l’ amour » et de Enno Poppe « Fleisch » avec d’excellents solistes comme Alexandre Ferreira Silva au vibraphone et percussion ou Marc Baltrons Fabregas au saxophone
Le deuxième concert se tient au Sportzentrum Pfaffenholtz à la frontière entre Bâle et Saint-Louis, une grande salle de sport bien nécessaire pour accueillir l’immense formation destinée à exécuter le « Trio » pour orchestre de Simon Steen-Andersen précédé de « La musique de revue » de Sofia Gubaidulina et de Slimazel » de Michael Wertmüller, toutes ces œuvres écrites pour big band et orchestre étaient confiées au Basel Sinfonietta dirigé par Titus Engel avec le NDR Big Band et le Chorwerk Ruhr.
Un impressionnant regroupement d’interprètes pour ce remarquable concert de clôture du Festival Musica qui fêtait ses quarante années d’existence toujours accompagné d’un public nombreux, fidèle et curieux.
Parcourir Musica, c’est prendre le temps de s’arrêter sur quelques grands moments qui témoignent de la richesse et de la diversité d’une programmation prolixe en propositions.
L’entrée dans le Festival en témoigne avec les prestations
de l’Ensemble néerlandais Arko-Shoenberg qui a présenté dans une première partie
« Les Vespers for a New Dark Age » de Missy Mazzoli avec trois
magnifiques chanteuses, trois sopranos
qui nous entraînent dans ce parcours aux accents pleins de spiritualité auxquels elles
confèrent beaucoup de sensibilité alternant à l’instar des instruments qui les
accompagnent, l’alto, la contrebasse, les claviers et la batterie la puissance
et la finesse de la partition musicale.
La deuxième partie de la soirée offre de Louis Andriessen
une oeuvre très originale « Hoketus » composée en1976 pour deux ensembles
de cinq musiciens, aux claviers, bongos, saxo, flûtes de Pan qui se livrent à
une sorte de jeu de répétition, comme de rivalité, une battle, en produisant des sons de plus en plus forts et
martelés , obligeant l’autre groupe à les imiter sans vergogne. Un moment
musical performatif et spectaculaire. Avant une troisième partie qui ne le sera
pas moins avec ce « Clipping » qui a donné son nom au spectacle et
nous met en demeure de suivre la prestation d’un chanteur dont le débit de
paroles est époustouflant, véritable MC(Maître de cérémonie) Daveed Diggs
galvanise le public soutenu dans cette performance par les musiciens William Hutson et Jonathan Snipes qui
lancent depuis leur table de mixage les
sons électroniques qui impulsent les acclamations du public et lui procurent
une irrésistible envie de danser.
La Laiterie était comme en fête lors de cette ouverture du
Festival dans cette chaude ambiance où l’enthousiasme de tous était manifeste.
C’est lors du concert « Nightmare » au Temple Neuf que nous rencontrons pour la première fois à Musica le compositeur américain Ted Hearne avec »Nobody » programmé par le collectif lovemusic basé à Strasbourg qui a choisi d’interpréter également les compositions de l’islandaise Bàra Gisladottir, « Rage against reply guy », de Natacha Diels »Second nightmare for KIKU »,de Christopher Cerrone »The Night Mare », de Andreas Eduardo Frank « Munster » et d’Helmut Oering »Inferno ». Pour ces jeunes compositeurs, mis à part Oering, lus âgé, les titres de leur composition en disent long sur leur implication dans ce projet de mettre en musique une certaine idée du cauchemar., d’ailleurs leur composition respective n’ont pas manqué de nous faire vivre des instants de sons frénétiques suivis de grande respiration puis de reprises de thèmes enregistrés. Musique théâtralisée aussi avec voix enregistrées où la gestuelle prend sa place tout comme les cris et vociférations. Concert où les interprètes de l’ensemble lovemusic ont montré la pleine mesure de leur talent, et de leur virtuosité.
C’est dimanche que nous avions rendez-vous à L’Opéra du Rhin pour la création de « Don Giovanni aux enfers », spectacle d’une grande originalité autant dans son propos que dans sa réalisation. En effet le compositeur, metteur en scène et vidéaste danois Simon Steen-Andersen a répondu à une commande de l’Opéra national du Rhin et du Festival Musica en s’attaquant au grand mythe de Don Juan tout en inscrivant l’histoire du célèbre personnage dans le temps, pour nous inconnu, de son séjour aux enfers après son non moins célèbre diner avec le commandeur et son refus de se repentir. Son périple dans les enfers va donner lieu à une cascade d’aventures où on le suivra grâce à la vidéo, déambulant dans les couloirs de l’Opéra e jusque dans les sous-sols du bâtiment. Où est Don Juan se demande-t-on par moments ? Précédé, guidé, entraîné par un personnage maléfique ce Polystophélés créé par l’auteur, avatar du bien connu Méphisto, Don Juan doit faire face à toutes sortes de situations et de rencontres qui s’avèrent être de nombreux personnages figurant dans des œuvres opératiques ou littéraires. Le scénario se met ainsi en place par références, collages et montage, parfois surprenants, déroutants, proches de la dérision. Et pour faire advenir tout cela la scénographie se doit d’être à la hauteur. L’on voit donc surgir des installations, de petits praticables mobiles introduisant saynètes et protagonistes tandis qu’autour se rassemblent les témoins, choristes grimés, affublés de tenues grotesques, sortes de pantins, mais, avant tout, chanteurs du chœur de l’Opéra, pleins d’allant et de complicité pour accompagner ces situations farfelues. (Chef de chœur Henrik Haas).
A l’instar des personnages empruntés à différentes œuvres,
la musique est aussi faite de citations habilement juxtaposées ou mises en
perspective et savamment agencées.
L’orchestre philarmonique de Strasbourg sous la direction du
jeune chef polonais Bassem Akiki se plie avec bonheur aux injonctions de ce
collage fantasque et drôle comme le fait également dans son intervention l’ensemble Ictus.
Les chanteurs ont le grand mérite d’endosser plusieurs
rôles, ainsi la soprano Sandrine Buendia l sera entre autres, une Ombre,
Francesca …Ja mezzo -soprano Julia Deit –Ferrand sera Dona Elvira Eurydice…
le ténor François Rougier sera Dante, Faust… le baryton Christophe Gay est Don
Giovanni, Orphée …Damien Pass fait le commandeur
et Polystophélès. et Geoffroy, Buffiere
Leporello Charon.. tous de s’y impliquant résolument.
Une œuvre foisonnante qu’on taxera de déroutante et
audacieuse comme Musica aime à en susciter la création.
Ce même dimanche un concert d’un tout autre genre nous attendait à l’Espace Django. Intitulé La musique au pied du mur » c’est une rencontre avec des musicien-nes et danseur-ses venus de Palestine à l’initiative d’un fidèle de Musica, Alain Harster, dans le cadre des concerts programmés par le public. Fidèle ami et soutien de ce peuple colonisé lui qui se rend depuis 20 ans dans le camp de réfugiés dAida à Bethléem tenait à donner à ces jeunes gens la possibilité de faire ce voyage, une opportunité pour eux de sortir du camp où ils sont enfermés et d’exprimer leurs talents de musiciens, de chanteurs et de danseurs.
Ce fut une rencontre très chaleureuse avec un public acquis
de longue date à la cause palestinienne et qui a incontestablement été conquis
par leurs prestations.
La première partie était assurée par le groupe In’EKass composé de musiciens-nes et d’une magnifique chanteuse animée d’une grande ferveur dans son récital de chansons engagées dont l’une, nous explique la joueuse d’oud Rwaida, s’appelle « La balle » et traduit l’émotion de ceux qui voient mourir un des leurs au cours de ce conflit causé par l’occupation de la Palestine par Israël.
La deuxième partie de la soirée était consacrée à la danse,
au DABKEH, une danse folklorique très pratiquée en Palestine, ici exécutée avec
virtuosité et enthousiasme par les danseur-ses de l’Association Alrowwad,
superbes et fiers dans leurs superbes costumes blancs qui donnent toute leur
prestance et la grâce à leurs envolées sur scène.
Une soirée témoignage pour admirer et soutenir ces jeunes
artistes brillants et déterminés à vivre
malgré les murs dressés autour d’eux.
Cette première période du Festival a été très suivie et très
appréciée.
Le célèbre guitariste de blues Greg Koch était, avec son
trio, de passage dans le nord de l’Alsace
Pour ceux qui aiment le blues, le
nom de Greg Koch n’est pas inconnu. L’un des guitaristes les plus talentueux du
blues-rock qui fut invité à jouer aux cent ans du célèbre Les Paul et
accompagna notamment Joe Bonamassa, fit escale en cette fin septembre dans le
nord de l’Alsace à l’occasion de la tournée européenne du Koch Marshall trio,
sa formation qui comprend son fils aîné Dylan à la batterie et l’incroyable Toby
Lee Marshall à l’orgue Hammond. Et pour tous ceux qui se demandèrent où se
trouvait la basse, Greg Koch répondit qu’elle était dans la main gauche de
Marshall, comme un shérif armé de deux pistolets et prêt à dégainer…
Avant de retrouver New York et le Texas, le trio assura le show. Greg Koch convia ainsi un public enthousiaste à un incroyable voyage dans les racines du blues et du rock où il fut question, entre autres, de ce Jimmy Hendrix qu’il affectionne tant, de Muddy Waters ou de Led Zeppelin avec son très beau Since I’ve Been Loving You. Entre ces hommages appuyés, le trio livra quelques morceaux tirés de ses différents albums et notamment de son dernier opus, Orange Roominations, album composé de nombreux live streams très suivis pendant le confinement comme Thurst Bucket, qui complétèrent une setlist où figuraient également Welchz Grape et Daddy Long Legs. Les riffs rugissants tirés de sa Reverend ainsi que la transe d’un Toby Marshall très en forme et une batterie passionnée, enflammèrent une salle qui n’en demandait pas tant et qui apprécia cette proximité avec un artiste qui, le temps d’un concert, donna l’impression de se trouver à Nashville ou à Memphis.
Par Laurent Pfaadt
A écouter : Koch Marshall Trio, Orange Roominations, Mascot Label
ZeitGenuss – le festival de musique de notre temps a été créé par 2013 par la ville et la Haute école de musique de Karlsruhe. Le festival se concentre sur la musique du XXe et XXIème siècle, la recherche de formes de mondes sonores expressifs et inédits.
La dixième version du festival se déroulera du 12 au 15 octobre 2023 et se déroulera sur les scènes de la ville. Il est organisé par le quatuor de guitares ALEPH, qui fête cette année ses trente ans d’existence.
A l’occasion de cet
anniversaire, il invite des musiciens et des compositeurs appréciés à Karlsruhe
pour un concert.
Andrés Hernández Alba et
Wolfgang Sehringer ont fondé pendant leurs études le quatuor de guitares ALEPH
et ont été rejoint en 2009 par Tillmann Reinbeck et Christian Wernicke
En échange intensif avec
des compositeurs, ingénieurs du son et acousticiens, ils travaillent le langage
musical et les techniques de jeu du 20e et 21e siècles. Ce
quatuor de guitares créé plus de 65 œuvres de compositeurs contemporains.
Le concert anniversaire
sera l’occasion d’entendre des miniatures très particulières pour ALEPH – des
messages d’anniversaire musicaux, composés pour l’occasion écrites pour cette
occasion par des compositeurs avec lesquels le quatuor a eu collaboration
artistique. Les œuvres de ces compositeurs constituent en quelque sorte le
noyau créatif des concerts du festival au ZKM.
Le quatuor de guitares
ALEPH a invité pour ces concerts des musiciens de renommée internationale qui
se consacrent à la musique de chambre avec un dévouement total :
la
soprano Daisy Press de New York City,
Pony Says de
Stuttgart et
le trio
hambourgeois Catch.
De Karlsruhe même, seront
présents :
LAB51 (composé de la chanteuse Johanna Vargas et
de la pianiste Magdalena Cerezo Falces),
Le
CoroPiccolo Karlsruhe et son chef d’orchestre Christian-Markus Raiser,
L’ensemble
TEMA, associé au festival depuis le début,
L’Ensemble
für Neue Musik de l’École supérieure de musique dirigé par Manuel Nawri et
La Badische Staatskapelle
dirigée par Ulrich Wagner et ses NachtKlänge.
ZeitGenuss 2023 prend possession de plusieurs endroits de la ville. Comme le quatuor ALEPH coopère depuis 2007 avec ZKM|Hertz-Labor, la plupart des représentations se dérouleront au Zentrum für Kunst und Medien (ZKM). Les autres salles de concert sont le Wolfgang-Rihm-Forum de la Haute école de musique de Karlsruhe, l’église la ville sur la place du marché, le Studio du Badisches Staatstheater et le tout nouveau Jazzclub dans le Kaiserpassage.
INFOS
Du 12 au 15 octobre, Karlsruhe www.karlsruhe.de/zeitgenuss www.hfm.eu
Beau programme lors de l’ouverture de la saison de l’OPS : outre l’amitié profonde et les liens de parenté qui les unissaient, Franz Liszt et Richard Wagner se seront, l’un et l’autre, présentés, dans la seconde moitié du 19e siècle, comme les promoteurs de la musique de l’avenir. Le jeudi 7 septembre, nous pûmes entendre le second concerto pour piano de Liszt donné par le pianiste russo-américain Kirill Gerstein et le Ring sans paroles de Richard Wagner, l’orchestre étant, pour les deux œuvres, dirigé par son chef Aziz Shokhakimov.
Écrit d’un seul tenant, le second concerto de Liszt
offre ainsi l’allure d’un poème symphonique pour piano et orchestre. Quant au Ring sans paroles, il s’agit d’un
arrangement dû au chef d’orchestre et
compositeur Lorin Maazel qui, en 1987, puisa dans le matériau sonore des quatre
opéras de l’ Anneau du Nibelung de
Richard Wagner, de quoi composer, là aussi, un grand poème symphonique d’une
durée de quatre vingt minutes. La tétralogie de Wagner, sous sa forme opératique,
dure quant à elle au moins quinze heures. Maazel la connaissait, c’est le cas
de le dire, sur le bout des doigts puisqu’il lui arriva de la diriger par cœur
(!) au festival de Bayreuth, où les opéras de Wagner sont, chaque été, donnés
de manière rituelle dans le théâtre que lui construisit le jeune roi Louis II
de Bavière. Rédigé par le compositeur lui-même, le livret du Ring est inspiré de la mythologie
germanique et nordique. Il raconte les réactions en chaîne résultant du vol de
l’or des filles du Rhin par le gnome Alberich. Véritable allégorie sur l’effondrement
de la société et du pouvoir, il peut se
lire comme une critique de la civilisation marchande d’inspiration
socialisante, matinée au demeurant de quelques touches d’un antisémitisme,
courant à l’époque. De ce gigantesque ouvrage, Maazel a tiré une belle
partition où les voix sont, le cas échéant, remplacées par des solos de bois ou
de cuivres. C’est notamment le cas lors de l’entrée des dieux au Vahlalla, fort
réussie, quand le trombone solo remplace la voix de Loge, nouant un très beau
dialogue avec les cors. La première moitié de l’œuvre, puisant dans les deux
premiers opéras, L’Or du Rhin et La Walkyrie, est particulièrement
prenante, faisant preuve d’imagination et d’imprévu dans l’enchainement des
fragments. Une fois passés les murmures de la forêt, tirés du troisième opéra Siegfried, toute la partie extraite du
dernier volet Le Crépuscule des dieux sonne
en revanche de manière bien plus conventionnelle, se contentant d’enchainer les
parties symphoniques bien connues que sont le voyage de Siegfried sur le Rhin,
la marche funèbre et l’incendie du Vahlalla. On regrette notamment que les
belles parties méditatives du second acte du Crépuscule ou de la scène finale
du troisième acte n’aient pas été retenues par Maazel : elles auraient
constitué une salutaire accalmie sonore dans une dernière demi-heure où l’on
joue forte presque tout le temps.
Toujours est-il que cette partition, souvent
exigeante pour l’orchestre, aura montré celui-ci en très bonne forme : le
bref mais difficile fragment de la chevauchée des walkyries témoigne, à lui
tout seul, du niveau de l’orchestre que nous avons la chance d’avoir.
L’interprétation d’Aziz Shokhakimov mit l’accent sur le dramatisme puissant de
l’œuvre, de façon judicieuse même si on eût parfois aimé un peu plus de
fluidité, comme au début de L’Or du Rhin,
ou de lyrisme, lors des adieux de
Brünhilde et de Wotan.
Le concert avait donc débuté avec le second concerto
pour piano et orchestre de Liszt, sûrement une de ses meilleures œuvres. La
partie médiane est d’une grande beauté contemplative. Mais ce furent surtout
les aspects tourmentés du début et ceux, combatifs et héroïques, de la fin qui
ressortirent sous les doigts de Kirill Gerstein. Chef et orchestre se sont
accordés avec le piano. Abordé ainsi, il émane de ce concerto un climat
anticipant quelque peu ceux de Prokoviev.
Frédéric d’Oria-Nicolas,
co-fondateur et directeur général de The Lost Recordings nous raconte
l’extraordinaire aventure de ce label spécialisé dans l’édition de concerts
oubliés.
Comment l’aventure The Lost Recordings a-t-elle
débuté ?
J’ai été pianiste pendant vingt
ans. J’ai joué sur les scènes de quarante-deux pays et j’ai toujours été
passionné par les techniques de captation du son notamment sur des vinyles.
Travaillant avec l’entreprise Devialet sur la restauration d’enregistrements
mythiques, je fais un jour la connaissance de Michel Navarra, le fils d’André
Navarra, le célèbre violoncelliste français. Je lui demande s’il veut bien
m’aider à retrouver les bandes de son père. Il accepte et on retrouve ces
dernières à Prague, à Londres, à Berlin, à Amsterdam. Là-bas, au Media Park,
sorte d’INA néerlandais, la personne entendant la qualité de notre musique
restaurée, vient vers nous et nous dit : « vous savez qu’ici on a des
centaines d’inédits ! » On se regarde avec André Navarra, c’était
impensable. On lui dit « mais comment ça des inédits ? » Le type
voyant notre scepticisme remonte alors sur un charriot des dizaines de bandes
avec des enregistrements d’Ella Fitzgerald, d’Oscar Peterson, de Sarah Vaughan,
etc. On installe les bandes, on les écoute et on est complétement abasourdi. On
se dit mais ce n’est pas possible, il ne s’agit pas d’inédits. On vérifie et
effectivement ces enregistrements n’avaient jamais été publiés.
Que ressent-on à cet instant précis ?
Une des plus grandes émotions de
ma vie. Je me souviens du premier titre que j’ai écouté, Everything must
change de Sarah Vaughan. On était complètement transcendé. Et à chaque fois
qu’on me donne des bandes, j’ai l’impression qu’on me remet des toiles de
maîtres que personne n’a jamais vu. Encore aujourd’hui je ne comprends pas
comment cela est possible. Comment ces trésors ont pu dormir sur des étagères
pendant des décennies sans que personne ne fasse rien.
Après ces découvertes, vous allez alors de
surprise en surprise…
Oui parce qu’on pense d’abord qu’il
s’agit d’un phénomène isolé. Pas du tout, il y en a partout ! On se dit
qu’on a entre les mains de véritables pépites. Un patrimoine musical oublié. Et
qu’il faut absolument faire quelque chose. Après Navarra, on sort alors
plusieurs albums dont ceux découverts à Amsterdam et le succès est immédiat.
Pourtant, il faut dire qu’il est
très difficile d’identifier ces albums. Il n’y a pas de base de données
commune, qu’il y a des erreurs dans les classements, les noms d’artistes, les
dates. Les archivistes ne sont pas remplacés et ceux qui restent doivent être
convaincus. Car au début, ils voulaient nous donner des copies. Enfin cela
coûte très cher.
Pourquoi ?
Parce qu’on se déplace avec tout
notre matériel, en voiture ou en camionnette la plupart du temps pour
transporter nos magnétophones qui pèsent plusieurs dizaines de kilos, mais
également les enceintes, les câbles. Et puis on ne peut pas sortir les bandes.
Donc, il faut être sur place, dans l’enceinte du lieu de conservation.
Et puis, il faut trouver un
équilibre économique. Après notre découverte, je suis allé voir les majors pour
leur parler de mon projet. Beaucoup m’ont répondu : « c’est super
mais ça ne marchera jamais ». Elles se sont complètement trompées car on
est totalement indépendant. On cherche, on restaure, on fabrique. On a nos
clients, notre réseau de distribution, notre propre site internet. On ne dépend
de personne.
Aujourd’hui vous continuez à sillonner l’Europe
à la recherche de nouveaux enregistrements ?
Oui. On travaille avec la BBC, la
RBD à Berlin, à Amsterdam. On reçoit des lettres de fans, de mélomanes du monde
entier pour nous donner des contacts où trouver des enregistrements. A Buenos
Aires ou ailleurs. J’ai l’impression d’être Indiana Jones. C’est passionnant.
Des archéologues de la musique en
quelque sorte
Oui, cela s’apparente effectivement
à de l’archéologie car vous n’avez aucune garantie. Vous creusez mais vous ne
savez pas ce que vous allez trouver. Et puis, il y a beaucoup de déchets. Les
gens s’imaginent qu’on trouve des pépites tous les quatre matins ce qui n’est
pas le cas. Sur des centaines et des centaines de pages de données, on
sélectionne peut-être 5% et dans ce pourcentage, il y a une pépite sur dix. On
écoute des centaines d’heures de musique. Lors de notre dernier déplacement à
Berlin, on est resté douze jours et on a sorti plus de soixante
enregistrements. Et sur ces soixante, on en a sélectionné peut-être cinq dont
un Callas, un Erroll Garner et un Dexter Gordon.
Pour autant, il y a des trésors partout. J’adorerai trouver des bandes à Moscou notamment en classique. Mais avec leur administration et maintenant la guerre, c’est devenu impossible. Notre quête est sans fin, on en a pour des années à tout chercher. Donc nos aventures ne sont pas près de s’arrêter !
Né à l’initiative des Éditeurs
associés, une association qui depuis 2004 mutualise des compétences entre
éditeurs de petites et moyennes tailles et travaille à faire connaître leurs
catalogues tout en plaçant le livre et la lecture au centre de leurs démarches,
le festival Raccord(s) fête le livre et la lecture chaque année, crée des
espaces de dialogue avec d’autres formes d’art et de savoir et invite le public
à découvrir les ouvrages sous une forme originale : lecture théâtrale,
performance, exposition, atelier, spectacle jeunesse, danse, balade ou
dégustation qui se doublent d’un salon pour rencontrer et découvrir la
production des éditeurs indépendants participants. L’entrée est libre et
gratuite à toutes et tous, enfants comme adultes.
Pour fêter ses dix ans d’existence, la programmation du festival se met en mouvement : concerts, lectures musicales et dansées, atelier pour les grands et pour les petits, débats, déambulations, signatures, et bien d’autres surprises. La partie salon de l’événement prend elle aussi de l’ampleur avec une sélection remarquable de 42 maisons d’édition indépendantes venues de France, mais aussi de Belgique, de Suisse, d’Italie, du Canada, et du Brésil parmi lesquels Aux Forges de Vulcain à qui on doit Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, prix des libraires 2023, La Contre Allée et les éditions de la Peuplade dont les livres Mississippi de Sophie Lucas et Le compte est bon de Louis-Daniel Godin figurent dans la première sélection du prix Wepler 2023, Hélice Hélas qui remporta avec Nétonon Noël Ndjékéry (Il n’y a pas d’arc-en-ciel au paradis) le prix Hors Concourt 2022, les éditions du Sonneur qui publie l’émouvant Ni loup ni chien de Kent Nerburn et bien d’autres encore qui réserveront à coup sûr de merveilleuses rencontres littéraires .
Par Laurent Pfaadt
Festival et Salon RACCORD(S) 10e édition du 14 et 15 octobre 2023
Retrouvez toute la programmation de Raccord(s) sur les
réseaux sociaux :
La 45e édition du festival de Marciac a réuni quelques grands noms de la musique mondiale
Qui aurait pu prédire, il y a quarante-cinq ans, qu’un modeste festival de jazz perdu en pleine campagne gersoise réunirait les plus grandes stars du rap, du jazz, du rock, de l’afro beat et de la world musique ? On aurait ri des délires de ce jeune rêveur passionné de musique certes mais un peu barjot. Et pourtant, le rêve est non seulement devenu une réalité mais se prolonge depuis près d’un demi-siècle. Et comble de l’audace, voilà que toutes ces stars ont été réunies en une seule édition !
C’est la légende du rap français, Mc Solaar qui ouvrit le bal en forme de panthéon de cette 45e édition avant d’être suivi par Ben Harper venu offrir les titres de son dernier album, Wide Open Light et Nora Jones qui a envoûté le public du chapiteau. Ce dernier était ainsi prêt à accueillir la star du jazz Grégory Porter qui, une fois de plus, a fait honneur à sa réputation avec une musique alliant charme et rythme. Payant de sa personne, le chanteur, ayant revêtu un costume crème, a été à la hauteur de l’évènement.
Puis vint le boss du festival, Wynton Marsalis. Fidèle à lui-même, alliant autorité et humilité chevillés à la trompette, il rendit hommage à son prédécesseur à la tête du festival, Guy Laffite. Accompagné d’une véritable dream team avec notamment la magnifique flutiste/saxophoniste italienne Alexa Tarantino avec laquelle il donna quelques duos d’une incroyable beauté, il joua quelques-uns de ses plus grands tubes dans un extraordinaire déluge musical si bien que celui qui se déversait au dehors au même moment dut s’arrêter. Mais les miracles des hommes en blanc, se tenant sur l’Olympe du jazz, ne faisaient que commencer. Et tel un Corcovado de la musique, les bras en croix avec sa guitare céleste, Gilberto Gil accompagné de sa family, vint ravir le cœur des festivaliers. Comme une vague bruissant d’une fureur languissante, son arrivée fut suivie d’une acclamation générale pour celui qui confesse bien volontiers que « Marciac est une espèce de maison pour moi ». La communion du Corcovado pouvait commencer. Du Brésil à « Touche pas à mon pote ! » qu’il composa pour SOS Racisme en 1985 en passant par des rythmes reggae avec la reprise d’une chanson de Bob Marley en portugais, Gilberto Gil qui céda volontiers la scène à plusieurs membres de sa famille reçut un accueil à la hauteur de sa générosité.
Pourtant, le festival n’avait encore rien vu, oh non ! En clôture, il avait invité un autre homme en blanc, celui qui, depuis des décennies, célèbre à coups de kalashnikov, les mariages et, avec la même verve, les enterrements. Et pour ces noces de vermeil (45 ans), il avait décidé d’inviter la Terre sainte, rien que cela ! Trois violonistes juif, chrétien et musulman portant un orchestre au diapason ont ainsi fait monter les spectateurs sur leurs chaises dans une allégresse générale. On se frappa des cuisses secouées de spasmes et on battit frénétiquement la mesure. Morceaux de son nouvel album et succès passés notamment tirés des films d’Emir Kusturica mélangés à des rasades de vodka – on l’espère factice – et caisse claire balkanique composèrent l’élixir divin de ce Dionysos de la world musique. La salle, chauffée à blanc et vibrionnante, était prête à se donner corps et âme au dieu de l’afro beat, Femi Kuti et à son énergie folle qui entama le concert par un « Ready to groove ? » qui tenait plus de la constatation que de l’invitation.
Il y eut bien évidemment quelques belles surprises durant ce festival. A côté de nos prestigieux invités, des artistes moins connus – en tout cas du public français – ont fait entendre leurs voix et leurs musiques inoubliables. La très belle Robin Mc Kelle qui naquit dans ce berceau divin avait presque un air de Fairuz jazzy tandis que le Raynald Colom Five Stars associant cinq talents dont Francesco Cafiso, saxophoniste à la Corto Maltese, concocta pour le festival un projet musical hallucinant. Quant à Cécile McLorin Salvant, artiste plurielle, elle fit entendre sa musique aux mille et une influences : française, américaine, haïtienne entre Aragon, Léo Ferré et standards de jazz. Tous ces artistes ne seraient rien sans des instrumentistes de génie, ces bardes au service des dieux de la musique, parfois dans l’ombre mais dont la lumière n’en fut pas moins éclatante durant ces trois semaines. Avertis ou néophytes ont ainsi pu s’extasier devant la transe de Weedie Braimah, percussionniste de Cécile McLorin Salvant avec son côté Nusrat Fateh Ali Khan ou Kristin Korb, cette étoile basse venue du Montana qui a l’habitude de contempler ces montagnes où se tiennent les génies et qui, au sein du Raynald Colom Five Stars, sut dispenser son éclat durant cette éclipse d’un soir.
D’autres génies sont restés dans cette ombre qu’ils servent avec passion, ces centaines de bénévoles qui, des brigades propreté à la billetterie en passant par les chauffeurs et les préposés aux foodtrucks, parfois vêtus de blanc comme leurs idoles, ont fait de cette 45e édition plus qu’un succès, un moment inoubliable pour tous.