Archives de catégorie : Musique

Zeitgenuss Karlsruhe

Festival für Musik unserer Zeit

Vom 12.–15. Oktober 2023

DONNERSTAG, 12.10.2023

Workshops und öffentliche Proben

11–17 Uhr Hochschule für Musik Karlsruhe CampusOne – Schloss Gottesaue

Räume werden auf dem aktuellen Tagesplan bekannt gegeben.

EINTRITT FREI

ZeitGenuss_EINS
Jubiläumskonzert 30 Jahre ALEPH Gitarrenquartett

ALEPH Gitarrenquartett
© Sabine Haymann

19:30 Uhr

Hochschule für Musik Karlsruhe CampusOne – Schloss Gottesaue Wolfgang-Rihm-Forum

ALEPH Gitarrenquartett Andrés Hernández Alba Tillmann Reinbeck Wolfgang Sehringer Christian Wernicke

SAM•ComputerStudio der Hochschule für Musik Karlsruhe, Klangregie

Hans-Peter Jahn, Moderation

Dominika Szope, Leiterin des Kulturamtes der Stadt Karlsruhe: Grußwort
Prof. Dr. Matthias Wiegandt, Rektor der Hochschule für Musik Karlsruhe: Grußwort

Uraufführungen von Birke Bertelsmeier, Ludger Brümmer, Huihui Cheng, Arturo Fuentes, Irene Galindo Quero, Zeynep Gedizlioğlu, Malte Giesen, Núria Giménez-Comas, Sara Glojnarić, Georg Friedrich Haas, Alberto Hortigüela, Markus Hechtle, Manuel Hidalgo, Nikolaus A. Huber, Peter Jakober, Jens Joneleit, Bernhard Lang, Sophie Youjung Lee, Yunseck Lee, Yangkai Lin, Jörg Mainka, Helmut Oehring, Jaime Reis, Franz Ferdinand August Rieks, José María Sánchez-Verdú, Martin Smolka, Mathias Spahlinger, Lisa Streich, Erika Vega, Gerhard E. Winkler, Fredrik Zeller.

15 Euro | 10 Euro (erm.)

Quatre garçons dans la tempête

Deux ouvrages reviennent sur l’histoire du groupe de heavy metal Metallica

Il y a tout juste quarante ans, quatre jeunes californiens inconnus sortaient leur premier album. Baptisé Kill Em all (Tuez-les tous), celui-ci allait non seulement devenir culte avec des titres comme Seek and Destroy ou Whiplash désormais entonnés à chaque concert, obtenir cinq étoiles du magazine Rolling Stone mais surtout signer le point de départ d’une incroyable aventure musicale qui allait conduire le groupe à remporter dix Grammy Awards – plus qu’Elvis Presley, James Brown ou The Police – et à remplir des stades entiers.


James Hetfield aux Monsters of Rock, 1987 

The Four Horsemen, titre de l’une des chansons de Kill Em all, est devenu le surnom de ce quatuor porté par la voix et les compositions de James Hetfield et la batterie unique d’un Lars Ulrich. Le livre de Marc Aumont évoque ces premières années qui suivirent la naissance du groupe en 1981 après la fameuse annonce dans un journal local de Los Angeles d’un Lars Ulrich recherchant d’autres musiciens. Deux membres fondateurs (Hetfield, Ulrich) qu’une nouvelle annonce porta à trois avec le recrutement de Dave Mustaine, « l’imprévisible », qui claqua la porte deux ans plus tard, avant l’enregistrement de Kill Em All, remplacé par Kirk Hammett, ancien élève de Joe Satriani. Cliff Burton, le bassiste, rejoignit le trio pour former la version première de Metallica qui produisit deux albums de légende : Ride the lightning (1984) avec notamment For Whom the Bell Tolls et Creeping Death puis surtout Master of Puppets (1986) dont la chanson éponyme est devenue l’un des titres phares de la série Stranger things.

Embarqué dans les bus et les avions de ces concerts et ces tours sans fin, ce livre passionnant suit pendant près de quatre décennies, le groupe sur la route, des petites salles lors de la conquête de l’ouest des Etats-Unis à l’été 1983 aux stades et autres grandes messes en plein air comme cet incroyable concert, cette « démesure totale » comme le rappelle Marc Aumont, donnée sur la base aérienne de Tuschino près de Moscou quelques mois avant la chute de l’URSS en 1991 et drainant près d’un million de fans ! Bien évidemment l’ouvrage ne fait pas l’impasse sur les crises que traversa le groupe. La drogue et l’alcool qui conduisirent au départ de Dave Mustaine qui fonda Megadeth. La mort de Cliff Burton dans un accident de bus, remplacé par Jason Newsted qui fit des merveilles sur And Justice for all et le Black Album avant son départ, remplacé par l’actuel bassiste, Robert Trujillo.

Tout au long de ces quarante années, le son de Metallica a évolué mais le point de bascule fut atteint à l’occasion du Black album vendu à trente millions d’exemplaires et qui fit entrer le groupe dans une dimension planétaire avec leurs titres Nothing else matters ou The Unforgiven. Certains y ont vu un reniement. D’autres, une consécration. A cette occasion, le photographe Ross Harlin suivit le groupe durant les deux années de leur tournée planétaire, entre 1991 et 1993, et en tira un livre incroyable de photographies en noir et blanc. Souvent inédites, elles montrent le groupe entre Djakarta et Turin, entre Jacksonville en Floride et Mexico, sur la route, en backstage ou à travers de magnifiques portraits. Moscou est à nouveau présente mais à la foule de Tuschino, Ross Halfin a préféré des scènes plus intimes comme la pose d’un Lars Ulrich devant un drapeau de Lénine. Ou ce magnifique cliché pris à Denver dans le Colorado de ce même Ulrich répondant au téléphone sans savoir qui se trouve au bout du fil. Robert Trujillo, alors bassiste de Suicidal Tendencies qui assurait à cette époque les premières parties du groupe californien, et livre sa perception extérieure du Black Album, considère ainsi que Ross Halfin apporte avec ses clichés « une touche et une approche uniques à ce que l’on peut appeler l’œil du cyclone de tout concert de rock’n’roll ».

Kirk Hammett en répétition à Copenhague
Photograph : Ross Halfin

Le photographe dévoile ainsi les hommes derrière leur musique. Les liens d’affection entre James Hetfield et Lars Ulrich explosent littéralement, le côté secret d’un Kirk Hammet qu’il rompt uniquement en concert, est émouvant. Devenus les personnages d’une histoire et d’un voyage photographiques, Ross Halfin restitue dans ses pages une atmosphère assez unique.

Ce livre, magnifique, enchantera aussi bien les fans du groupe que les simples amateurs de musique, conscients de se trouver devant l’un des mythes de la musique, à ranger définitivement aux côtés des Beatles, des Rolling Stones ou de Led Zeppelin. De l’aveu même de James Hetfield, « ce livre raconte l’incroyable voyage entrepris avec le Black Album. » Un voyage au-delà de la musique.

Par Laurent Pfaadt

Ross Halfin, Metallica, The Black Album en noir et blanc, Glénat, 2022

Marc Aumont, Metallica, bêtes de scène, EPA, 2022

A beautiful hart

La célèbre chanteuse californienne était en concert à
Baden-Baden

Il y a bientôt trente ans, Beth Hart sortait son premier album. Et à 51 ans, sa fougue est demeurée intacte comme en témoigne le concert magistral qu’elle donna à un public d’un Festspielhaus plus habitué aux symphonies et aux concertos classiques. Pour autant, les nombreuses têtes blanches furent aussi, dans leurs jeunes années, des fans de Led Zeppelin à qui Beth Hart rend un hommage appuyé et plein de fougue dans son dernier album. La chanteuse n’avait que huit ans lorsque le célèbre groupe londonien se sépara mais comme elle le rappelle : « c’est tellement bien fait, c’est intemporel. Cela durera toujours. Parfois, des gens viennent d’une autre planète et réalisent des œuvres d’art qui resteront à jamais. » Les fils inextricables du destin de la musique l’ont ainsi conduit inévitablement vers Led Zeppelin. D’ailleurs, lors de sa prestation phénoménale au Kennedy Center, il y a plus de dix ans, à l’occasion d’un hommage à Buddy Guy qui l’émerveilla, jeune, à San Francisco et dont elle interpréta, au Festspielhaus, son tribute I’d rather go blind, elle avait reçu une standing ovation de Robert Plant et Jimmy Paige.


Sur scène, Beth Hart ne fait jamais semblant. Dans la passion qu’elle transmet à ses spectateurs, faisant de ses concerts, des moments toujours uniques. Dans l’intensité de sa musique ancrée dans les racines du blues tout en s’en extrayant pour sublimer des moments de folk, de rock ou de jazz qui façonnent un style qui lui est propre et qui est, à chaque fois, convaincant. Dans les textes qu’elles délivrent où elle se met à nu devant un public qui le lui rend bien. Car les chansons de Beth Hart parlent souvent d’elle, de sa famille comme de sa sœur disparue trop tôt avec ce Sister Heroine émouvant et son mari (Mechanical heart) ou des démons qui la tourmentent (War in my mind). Dans un même élan se mêlent sueur et larmes et viennent ruisseler sur ce piano, sorte de prolongement de son être où lorsqu’elle s’y assoit, le monde semble s’arrêter. Sur le clavier siffle alors le serpent pour pourfendre la violence des hommes et rugit la lionne à la crinière virevoltante dans Fat man. Portée par une voix qui relève du don, Beth Hart n’est ainsi jamais autant exceptionnelle que lorsqu’elle s’assoit devant son piano. 

Accompagnée de son fidèle Jon Nichols et de sa Vintage, du bassiste Tom Lilly et de son incroyable batteur Bill Ransom qui l’avait déjà accompagné à la fin des années 90 avant de la rejoindre depuis 2012, Beth Hart a enchaîné les tubes : Bad Woman Blues et Sugar Shack dans une magnifique version acoustique. Elle n’hésite pas à troquer son piano pour enfiler une guitare et accompagner Nichols dans un duo particulièrement savoureux dans The Ugliest House of the Block.

En guise de rappel, Beth Hart et ses musiciens ont conclu en apothéose ce concert avec la reprise magistrale d’un Whole Lotta Love figurant désormais sur ses setlists en posant sa voix rauque sur les riffs et les distorsions d’un Jon Nichols qui fit oublier la version que donna Beth Hart avec Slash. La gamine de huit ans ressuscita de la plus belle des manières le mythe tout en construisant un plus le sien. Et les cheveux des spectateurs, s’ils sont restés blancs, n’en demeuraient pas moins dressés.

Par Laurent Pfaadt

Beth Hart sera en tournée en France à partir du mois de novembre : A Marseille (Espace culturel du Solo d’Arenc, 14/11), à Mérignac (Le Pin galant, 16/11), à Annecy (L’Arcadium, 30/11) avant deux dates à l’Olympia (2-3/12)

A écouter : 

A Tribute to Led Zeppelin, Wagram Music

Black Coffee (Mascot Provogue) avec Joe Bonamassa qui sera, lui, en concert au festival de Carcassonne (18 juillet) et à Jazz in Marciac (22 juillet)

72 saisons en enfer

Le célèbre groupe californien de heavy metal, Metallica, a donné deux concerts exceptionnels au stade de France

Dans les travées du stade de France, on pouvait croiser en ce mois de mai soixantenaires arborant fièrement leurs T-shirts élimés et déteints des premiers albums et adolescents à la barbe duveteuse venant d’acquérir celui de 72 Seasons. Un père venu d’Aix-en-Provence partageant sa passion avec son fils de neuf ans qui demande « Avec Metallica, y aura des flammes ? » ou un ado de 14 ans arborant le blouson en jean sans manches d’une mère ayant fait quelques infidélités aux Guns ou à Megadeth. Lars, James et Kirk sauront lui pardonner… Ainsi presque quatre ans jour pour jour après son unique concert en France, ici même au stade de France en 2019, le groupe californien aux dix Grammy Awards était de retour. Et il n’est pas venu seul puisqu’il était accompagné de son petit dernier, 72 Seasons, son onzième album studio.


Les fans français étaient donc aux anges ou plutôt avec les démons du groupe notamment dans ce dernier album qui évoque ces années de construction adolescente parfois difficiles de tout être humain. Pour ce 27e concert parisien, le deuxième au stade de France avec une setlist différente du premier, les hostilités débutèrent avec le traditionnel Ecstasy of gold tiré du Bon, la Brute et le Truand avant d’enchaîner sur Creeping death, deuxième chanson la plus jouée du groupe après Master of Puppets donné en final lors du premier concert. Le ton était ainsi donné : offrir la parfaite alchimie entre les succès d’hier et ceux du nouvel album même si ce 11e se résuma à 72 Seasons, If Darkness Had a Son et You must Burn ! Les spectateurs embarqués dans une scénographie à couper le souffle à grands renforts de pyrotechnie et de show à l’américaine avec une batterie disparaissant régulièrement sous terre et un Kirk Hammett en Elvis revenu d’entre les morts avec sa guitare tatouée d’un « It comes to life », ont pu grâce au snakepit, cette scène serpentant dans les spectateurs et qui a fait la marque de fabrique du groupe, presque toucher leurs idoles lors de moments uniques et inoubliables.

Les tubes du groupe ont ainsi ravi anciens et nouveaux fans : Cyanide jouée pour la première fois dans cette tournée avec la basse d’un Robert Trujillo transformé en sceptre des ténèbres, Whiskey in the jar et Battery portés par un Hetfield très en forme s’armant de sa petite dernière ESP Vulture frappée des couleurs de 72 seasons pour Welcome Home (Sanitarium). Sans parler des solos magistraux d’Hammett sur King Nothing et surtout Moth into Flame que les four horsemen adorent jouer en concert.

Et puis la nuit est tombée au son du Call of Ktulu, un appel des ténèbres dans cette nuit noire, lovecraftienne bien évidemment comme ce black album qui fut celui de la consécration. Comme un hymne sorti de ces enfers musicaux, le stade entonna The Unforgiven puis Wherever I may roam avant que One – fallait-il y voir une allusion à la guerre en Ukraine ? – et la batterie d’Ulrich transformée en danse macabre pour Enter Sandman ne viennent sonner le glas d’un concert mémorable.

Au final, plus de deux heures d’un concert spectaculaire et tonitruant où Metallica a une fois de plus fait honneur à sa réputation live et a réuni dans un même élan infernal et de communion, les différentes générations qui suivent le groupe depuis près de quarante ans. L’enfer était ainsi pavé des tubes enflammés de ce groupe désormais mythique. Et oui mon petit gars, il y avait des flammes, dans les yeux et dans les cœurs.

Par Laurent Pfaadt

Metallica poursuivra sa tournée européenne en Angleterre et en Suède avant de revenir en Allemagne, en Pologne et au Danemark notamment en 2024.

A écouter : 72 seasons, Blackened Recordings/Universal Music mon article : http://www.hebdoscope.fr/wp/blog/72-seasons/

Des bougies et des étoiles

Pour son quarante-cinquième anniversaire, le festival Jazz in Marciac a invité une pléiade de stars

Du chemin a été parcouru depuis cette idée folle d’organiser en 1978 la première édition d’un festival de jazz en plein milieu de la campagne gersoise. Et quel chemin ! Quarante-cinq ans plus tard, les plus grandes stars du jazz, du blues, de la folk et du rock se croisent sur la scène du chapiteau. Des légendes qui ont marqué de leurs empreintes indélébiles ce festival devenu incontournable tant pour les artistes que pour les passionnés ou simplement ceux qui veulent vivre une expérience musicale et humaine unique. 


Nombreux sont les festivals qui s’estimeraient heureux d’avoir comme tête d’affiche l’un des nombreux artistes qui, une nouvelle fois, monteront sur scène. Or, pour cette 45e édition, chaque soirée aura sa star internationale : Norah Jones, Ben Harper, Gilberto Gil, Gregory Porter, Goran Bregovic et d’autres. Et c’est un Français et pas n’importe lequel qui ouvrira cette nouvelle édition : Mc Solaar, la légende du rap français qui précèdera Sofiane Pamart. Du rap pour ouvrir un festival jazz. Avec cet anniversaire, le festival rappelle qu’il a toujours voulu croiser les esthétiques et les styles musicaux. Le blues avec Poppa Chuby et le « King » Joe Bonamassa, en tournée dans toute la France. La pop et la folk avec Suzanne Vega qui, avec Luka et Tom’s Diner nous ramènera dans les années 80 avant que le génial Ben Harper dont les lives constituent toujours des moments inoubliables, ne monte sur scène avec sa désormais légendaire Weissenborn pour nous interpréter les titres de son nouvel album, Wide open light. Les musiques du monde avec un chassé-croisé entre l’Afrique de Fatoumata Diawara et Femi Kuti, la Cuba d’un Roberto Fonseca, fidèle parmi les fidèles du festival, le oud tunisien de Dhafer Youssef et les Balkans d’un Goran Bregovic qui mettra à coup sûr le chapiteau sens dessus-dessous.

Les grandes voix féminines seront également au rendez-vous. Ils auront pour noms Norah Jones, Robin Mc Kelle et Selah Sue. Parmi ces tourbillons musicaux incessants, il faudra vous préparer à quelques tempêtes. Le cyclone brésilien de Gilberto Gil, l’incendie d’un Gregory Porter ou l’éclipse musicale d’un Pat Metheny toujours aussi fascinant. On prêtera aussi attention à ces nouvelles voix en devenir, les étoiles montantes d’Endea Owens, de Laura Prince, de Sarah Lenka ou de Samara Joy qui illumineront les scènes du chapiteau ou de l’Astrada. Car ici à Marciac révéler les talents et acclamer les légendes vont de pair.

Tout cette galaxie musicale sera placée sous la figure tutélaire d’un Wynton Marsalis, « meilleur trompettiste de jazz vivant » et parrain du festival depuis une trentaine d’années qui conduira une cohorte plus jazzy que jamais où l’on retrouvera notamment Brad Mehldau, Kenny Barron et Abudllah Ibrahim. Etoiles, galaxies ou éclipses, préparez-vous donc à une nouvelle révolution musicale.

Pour vous accompagner dans ces nuits magiques, rien de mieux, à l’ombre d’un arbre ou entre amis que quelques lectures. Hebdoscope vous conseille notamment Fatal tempo (Albin Michel, 2023) de l’autrice de polars norvégiens à succès, Randi Fuglehaug. Après La Fille de l’air, cette nouvelle enquête de la journaliste Agnès Tveit nous emmène en plein festival de jazz de Voss sur la piste d’une diva empoisonnée qui réservera au lecteur bien des surprises. Pour ceux qui sont plutôt blues, on leur conseillera Delta Blues de Julien Delmaire (Grasset, 2021), une merveilleuse histoire d’amour dans le delta du Mississippi entre thriller, Klux Klux Klan, culte vaudou et surtout musique de ces années 30 avec des bluesmen inoubliables qui vous hanteront longtemps, surtout après avoir entendu Joe Bonamassa !

Par Laurent Pfaadt

Pour retrouver toute la programmation de Jazz in Marciac : https://www.jazzinmarciac.com/

OPS – Brahms

Pour son dernier concert de la saison consacré à Brahms, Saint-Saëns et Nina Senk, l’OPS affichait un casting de luxe, avec la violoniste Isabelle Faust et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras. L’orchestre jouait sous la conduite de son directeur musical, Aziz Shokhakimov.


Tous droits réservés © Nicolas Roses

La soirée débutait par une courte pièce de la slovène Nina Senk, Elements, composé en 2013 sur une thématique de la haute montagne. La version pour grand orchestre était donnée, ce soir du 24 mai, en première audition française. Dans une écriture moderne devenue aujourd’hui classique, la pièce débuta dans une belle rutilance sonore qui alla en s’épurant, telle la transcription musicale d’une ascension alpestre.

Dès le début du double concerto de Johannes Brahms, le violoncelle de Jean-Guihen Queyras et le violon d’Isabelle Faust donnèrent le ton : beauté de timbre et éloquence de phrasé dans une conception de grande tenue dont la sobre vitalité prit le pas sur un lyrisme mélancolique, parfois exagérément souligné chez les interprètes de cette œuvre fin de siècle (1887). Cette approche svelte et lumineuse fut, de toute évidence, partagée par Aziz Shokhakimov, qui tira de l’orchestre un jeu remarquable de couleurs et de transparence. Après un Allegro initial à la rythmique entrainante, le mouvement lent fit entendre un cantabile d’une étonnante spontanéité, presque schubertienne, en tout cas bien préférable à la solennité un peu compassée souvent de mise ici. La même fraîcheur se retrouva dans un finale n’évoluant pas, pour une fois, de façon claudicante mais sonnant comme une véritable invitation à la danse,soutenue par un orchestre aérien et ponctuée par la timbale d’une finesse et d’une musicalité remarquées.

Tous droits réservés © Nicolas Roses

Depuis qu’il est en poste à Strasbourg, les quelques incursions d’Aziz Shokhakimov dans la musique française ne m’ont guère convaincu : que ce soit dans Bizet, Debussy ou Ravel, le phrasé m’a paru quelque peu lesté et manquer de respiration. On n’y retrouvit pas l’aisance et le talent dont le jeune chef fait preuve dans le répertoire germanique et slave. Avec la troisième symphonie avec orgue de Camille Saint-Saëns qui clôturait cette belle soirée, le ton sembla cette fois trouvé et le jeu orchestral fut proprement extraordinaire, d’une virtuosité et d’un éclat sonore emportant les quelques réticences que l’œuvre parfois inspire. Avec un jeu d’une telle conviction, même le pompeux dernier mouvement soutint l’intérêt jusqu’au bout.

Michel Le Gris 

La mémoire et la mer

Sous-titré La mémoire et la mer, le concert de l’OPS donné les 20 et 21 avril derniers débutait par une création de Bruno Mantovani, suivie d’œuvres de Prokoviev et de Debussy. Alexei Volodin tenait la partie piano et l’orchestre était dirigé par Aziz Shokhakimov.


Aziz Shokhakimov
©Jean-Baptiste Millot

Inspiré par l’invasion, en septembre 2020,  du Haut-Karabagh par un Azerbaïdjan soutenu par l’armée turque, évènement politique vite enterré par le virus Sarcov-2, Mémoria pour orchestre à cordes est le fruit d’une commande passée au compositeur Bruno Mantovani dans le cadre de sa résidence à Strasbourg. Dédiée à la mémoire de quatre étudiants de l’Université française d’Erevan, morts durant les combats, l’œuvre se déploie en un seul mouvement dont le long crescendo initialet le diminuendo finalencadrent une impressionnante cadence pour violon solo, vaillamment soutenue par Charlotte Juillard. Rassemblées au grand complet (64 musiciens), les cordes de l’OPS exécutent une musique insolite, jouant de la division entre les différents pupitres et distillant une atmosphère assez envoutante, à la fois tendue et contemplative.

Net changement d’atmosphère avec le troisième concerto pour piano de Prokoviev, qui s’inscrit dans l’exaltation  futuriste des années 1920. Le piano de Prokoviev – grand pianiste lui-même – est toujours une épreuve pour ses interprètes : Rachmaninov lui-même s’avouait en difficulté dans ce troisième concerto ! Dès l’entrée du premier mouvement allegro, Alexei Volodin et Aziz Shokhakimov ne font pas dans la demi-mesure. Ce caractère de combat entre piano et orchestre ne les empêchent pourtant pas de faire sonner les cinq belles variations du mouvement lent avec toute l’éloquence qui sied. Dans le dernier mouvement, d’une énergie roborative, Volodin fait preuve d’une aisance confondante pendant que Shokhakimov allume un feu d’artifice orchestral. 

Après l’entracte, il s’est levé un grand vent, le soir de ce 20 avril, sur La Mer de Debussy. Dans la langue de la météo marine, on eût parlé d’une ‘’houle très forte, voire grosse’’. Moyennant un orchestre au brio irréprochable, la traversée ne fut toutefois pas désagréable. Reste cependant qu’à l’écoute d’accords aux accents implacables et d’une lumière très blanche, on s’est bien souvent cru dans le Poème de l’extase d’Alexandre Scriabine plutôt que dans La Mer de Claude Debussy.

Michel Le Gris  

Omar Khairat, Sheikh Zayed Book Award 2023

Le musicien et compositeur égyptien a été désigné personnalité culturelle de l’année 2023 par le principal prix littéraire du monde arabe

Son nom ne vous dit peut-être pas grand-chose et pourtant, de l’autre côté de la Méditerranée, Omar Khairat, 75 ans, est l’un des musiciens et compositeurs les plus célébrés du monde arabe. Du Maroc à Oman, en passant par Tunis ou Abu Dhabi, nombreux sont les habitants de ces pays à se souvenir de ses notes composées pour le film Le Sixième jour (1984) ou la série télévisée Le Jugement de l’Islam plus récemment. C’est également lui qui composa la musique de l’inauguration de l’opéra de Dubaï où il se produisit à nombreuses reprises en compagnie des plus grandes voix de la planète notamment José Carreras en 2016.

Le Sheikh Zayed Book Award vient aujourd’hui récompenser cette personnalité culturelle majeure du monde arabe, succédant notamment à l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf, à l’UNESCO, à l’Emir de Dubaï, Son Altesse le Sheikh Mohammed Bin Rashed Al Maktoum ou au Dr Abdullah Al-Ghathami, récompensé l’an passé.

Omar Khairat est né en 1948 au Caire. Après des études au conservatoire de la capitale égyptienne, il débute en tant que batteur du groupe populaire de rock égyptien Les Petits Chats à la fin des années 1960 avant de mettre ses talents de compositeur au service du cinéma et de la télévision.

Les œuvres de Khairat font désormais parties du répertoire de la musique égyptienne contemporaine et mêlent dans une subtile alchimie musique orchestrale et mélodies orientales qu’il a interprété, en tant que pianiste, lors de concerts restés dans toutes les mémoires. « Au Sheikh Zayed Book Award, nous nous engageons à mettre en lumière chaque année d’éminentes personnalités culturelles, artistiques ou créatives, qui ont apporté une contribution remarquable au mouvement culturel qui sera transmise aux générations futures. Nous sommes fiers de témoigner notre reconnaissance à l’une des figures de proue de la musique et de la culture arabes, et le musicien Omar Khairat est certainement l’une de ces figures ; sa musique suscitera toujours du sens et de profondes émotions, portant dans ses notes les marqueurs de notre culture, qu’il a su brillamment mélanger avec d’autres cultures, créant des chefs-d’œuvre intemporels qui resteront gravés dans notre mémoire et dans notre identité » a ainsi déclaré Son Excellence Dr Ali Bin Tamim, secrétaire général du Sheikh Zayed Book Award.

La désignation de ce compositeur qui a su, dans ses œuvres, tracer des ponts musicaux entre l’Orient arabe et l’Occident vient un peu plus conforter la démarche d’une capitale des Emirats Arabes Unis souhaitant apparaître comme l’un des carrefours culturels majeurs de la planète. Après avoir été désigné ville de la musique en 2021 par l’UNESCO et lieu d’un important festival de musique qui essaime dans le monde entier, Abu Dhabi affirme ainsi son soutien à la musique, instrument de rapprochement du monde arabe et des autres cultures, tout en suscitant le développement d’échanges culturels afin de rapprocher sociétés et générations. Ce prix constitue également une nouvelle étape pour la capitale des Émirats arabes unis dans ses efforts visant à mettre en évidence la richesse de la composition arabe et de l’histoire de la musique et à ainsi réitérer son dévouement aux arts et à la culture sous toutes leurs formes.

Par Laurent Pfaadt

The Unreleased Masters

Ces fameux enregistrements de la célèbre soprano américaine disparue le 30 septembre 2019 ont agité pendant longtemps le petit monde de la musique classique. Les fans commençaient à se demander s’ils les écouteraient un jour. Car Jessye Norman, perfectionniste tatillonne, a longtemps refusé d’autoriser ces merveilleux bijoux.


Les trois CDs qui composent ce coffret sont chacun, à leur manière, indispensables. Il y a ce Wagner qu’elle n’appréciait pas en tant que personne, elle qui possédait des convictions humanistes chevillées au corps, mais dont la voix de bronze était taillée pour les opéras du génie allemand. Ils furent nombreux à lui proposer d’alléchants contrats pour interpréter Tristan et Isolde, ce « fruit défendu » qu’elle s’est toujours refusé à goûter. En compagnie de Kurt Masur et du Gewandhaus de Leipzig, l’expérience fut amère puisque les relations entre eux restèrent marquées par des tensions. Mais l’amertume de cet unique enregistrement studio donne cependant une dimension de puissance incarnée et libérée de toute divination. Jessye Norman y est profondément bouleversante. 

Dans cet autre CD en compagnie du Boston Symphony orchestra et de son emblématique chef japonais, Seiji Osawa, elle campe des reines qui laissent transparaître une incroyable fragilité. Si la Phaedra de Britten est péremptoire, sa Cléopâtre est d’une beauté à couper le souffle. Jessye Norman donne ici la pleine mesure de son timbre unique et exceptionnel, plein de solennité. Et par la magie de la voix, elle devient le personnage qu’elle incarne. 

L’apothéose de ces enregistrements est atteinte avec les quatre dernier Lieder de Strauss sous la conduite d’un James Levine à la tête des Berliner Philharmoniker au sommet de leur art qui semblent ne faire qu’un avec la soprano dans cet enregistrement de mai 1989. Trois grands orchestres dirigés par trois grands chefs au service de l’une des plus belles voix de cette fin de 20e siècle. Une voix désormais gravée un peu plus dans la légende grâce à ces trois merveilleux disques.

Par Laurent Pfaadt

Jessye Norman, The Unreleased Masters, 3 CDs, Decca

Claus Peter Flor

Anton Bruckner et Max Bruch étaient au programme du concert que donnait, le vendredi 3 mars, le chef allemand Claus Peter Flor, invité de longue date à  l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. La violoniste néerlandaise Liza Ferschtman tenait la partie soliste.


Claus Peter Flor

Bien qu’auteur d’une œuvre importante, comprenant plusieurs opéras, oratorios, symphonies et autres compositions, Max Bruch n’est aujourd’hui connu que pour l’un de ses trois concertos pour violon, au demeurant fort réussi. Il a aussi écrit, durant les années 1879-80, une Fantaisie écossaise pour violon et orchestre. A l’instar de l’autre ‘’écossaise’’, la symphonie de son mentor Mendelssohn, la pièce de Bruch emprunte elle aussi son matériau thématique à la musique traditionnelle du pays. Mais elle est bien loin d’offrir l’élégance, la finesse d’inspiration et l’originalité d’écriture du chef d’œuvre de son ainé. Après une introduction plutôt avenante, les quatre mouvements qui suivent, aux couleurs conventionnelles et à l’harmonie naïve, peinent à retenir l’intérêt malgré les qualités de rythme et de timbre qu’y déploie la violoniste Liza Ferschtman, attentivement épaulée par Flor et l’orchestre. En bis, Liza Ferschtman nous a proposé sa conception particulièrement méditative de l’andante de la seconde sonate pour violon de Jean-Sébastien Bach.

Certains musicologues et chefs d’orchestre considèrent la troisième symphonie d’Anton Bruckner comme vraiment inaugurale de sa musique. Elle ne lui en a pas moins donné du fil à retordre, comme en témoignent les trois révisions et éditions successives (1873, 1878, 1889). Œuvre ambitieuse, d’une grande originalité d’écriture, d’une orchestration particulièrement cuivrée, la qualification de ‘’génial chaos harmonique’’ proposée par Pierre Boulez à propos de la tardive huitième symphonie convient également à sa cadette. Entre l’édition de 1873 et celle de 1878, on remarque d’importantes différences : dans la seconde, les deux mouvements extrêmes se trouvent raccourcis et, pour le premier, dépouillé de quasi toutes les citations wagnériennes ; en revanche, le déjà remarquable scherzo voit son caractère méphistophélique accru par une étonnante coda. Si beaucoup d’arguments plaident en faveur de l’unité supérieure de la seconde édition, la première, de 1873, garde pour elle son caractère envoutant et la puissance de son étrangeté, en dépit d’un final un peu répétitif. Quoi qu’il en soit, c’est cette version originelle de 1873 qui figurait, le soir du 3 mars, au programme de l’OPS.

A la tête d’une formation resserrée d’environ soixante-quinze musiciens, Claus Peter Flor en aura donné une interprétation particulièrement vibrante et fébrile, sans négliger pour autant l’indispensable homogénéité de la texture orchestrale. Vu la durée de l’œuvre, on a apprécié la vivacité du tempo adopté ; et aussi le jeu expressionniste de tous les pupitres de l’orchestre dans cet univers quasi-abstrait où ‘’faire joli’’ n’a guère de sens. L’OPS a  montré une fois encore l’excellente forme qu’il affiche depuis le début de saison.

                                                                                              Michel Le Gris