#Lecturesconfinement : Faiseurs d’histoires de Dina Nayeri par Sofia Bengana

Essayiste et écrivaine américaine,
Dina Nayeri confronte sa propre
histoire d’exilée iranienne à celle de
migrants à la rencontre desquels elle
se rend depuis 2016.

Dina a 9 ans lorsque sa mère, jeune
médecin convertie au catholicisme,
décide de fuir l’Iran des Mollahs avec
sa fille et son fils de 5 ans. Elle laisse
derrière elle le père de ses enfants et
une vie confortable. Faiseurs
d’histoires
retrace cette itinérance de
Téhéran à l’Oklahoma, en passant par
deux ans de clandestinité à Dubaï puis dans un camp de réfugiés, en
Italie, dans l’attente d’un visa pour les Etats-Unis. En Amérique, leur
intégration est semée d’embûches. Dina les surmonte grâce à un
travail acharné, qui lui ouvrira les portes des plus grandes
universités (Harvard, Princeton). Après une carrière de scientifique
et un beau mariage, elle décide de se consacrer à l’écriture. Mais la
réussite a un goût amer et en 2016, elle abandonne tout ce qu’elle a
construit pour se consacrer à l’écriture, partir à la recherche de ses
racines.

L’originalité de Faiseurs d’histoires tient tout d’abord à sa
construction : Dina Nayeri entremêle avec une rare virtuosité le
récit de son propre exil avec les témoignages des migrants qu’elle
rencontre à différentes étapes de sa vie, notamment dans des camps
de réfugiés en Europe. Kurdes, Afghans, Irakiens… ils ont quitté un
pays qu’ils aiment, bravant tous les dangers, dans l’espoir d’obtenir
l’asile. Dina Nayeri narre ces destins où s’entrechoquent le
désespoir, l’attente, la solidarité parfois même, le burlesque. Ces
hommes et ces femmes sont confrontés à la même question
cruciale : comment raconter leur histoire pour paraître crédible aux
yeux des services d’immigration ? C’est un enjeu de survie. Pourquoi
l’un sera cru et pas l’autre? Jusqu’où doivent-ils aller pour que leur
demande soit recevable selon les critères de l’administration? Une
administration faisant souvent preuve d’incohérence.

Dina Nayeri donne un visage et des mots à ces anonymes que l’on
évoque à la rubrique « crise des réfugiés ». Son livre est une étude de
caractères à la fois subtile et d’une profonde humanité. Elle n’hésite
pas à questionner la façon dont elle-même considère ces frères et
sœurs d’exil. Mises bout à bout, ces destinées minuscules forment
une fascinante chaîne humaine et, grâce à la plume émouvante et
affutée de Dina Nayeri, un grand, voire même un très grand roman
sur l’exil. Ce livre m’a bouleversée.

Sofia Bengana est la présidente de Place des éditeurs

Faiseurs d’histoires de Dina Nayeri (Presses de la cité)
par Sofia Bengana