#Lecturesconfinement : La Nueve, 24 août 1944, ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris d’Evelyn Mesquida par Alberto Toscano

Le livre La Nueve, 24 août 1944, de la
journaliste et écrivaine espagnole
Evelyn Mesquida, m’a révélé une
aventure extraordinaire, longtemps
méconnue dans l’histoire française :
l’importante participation des
Espagnols à la Libération de Paris.

Après s’être battus dans leur pays,
plus de 500.000 républicains
espagnols se sont refugiés en France
en 1939, pour échapper à la
vengeance de Franco. Placés dans
des camps d’internement, plusieurs
milliers d’entre eux s’engagèrent dans les forces de la France libre du
général de Gaulle. Le soir du 24 août 1944, ces hommes intégrés
dans la 9e compagnie (la Nueve en espagnol) de la 2e Division Blindée
du général Leclerc et commandée par le capitaine français Dronne
jouèrent un rôle fondamental dans la libération de Paris. Le
lieutenant espagnol Amado Granell et d’autres combattants de la
Nueve
, furent les premiers à arriver à l’Hôtel de ville, marquant ainsi
le tournant décisif de la bataille dans les rues de la capitale. Sur les
160 membres de la 9ème compagnie, 146 étaient Espagnols. Les
ordres étaient donnés en espagnol et leurs véhicules portaient les
noms des batailles remportées par les républicains contre les forces
de Franco. Ainsi, le premier véhicule militaire qui arriva à la place de
l’Hôtel de ville s’appelait « Guadalajara ».

A cette histoire extraordinaire des hommes de la Nueve s’ajouta
celle du travail réalisé par son auteure, Evelyn Mesquida, elle-même
fille d’un ancien combattant de la République espagnole. Arrivée à
Paris en 1977, Evelyn Mesquida est la doyenne des correspondants
de la presse espagnole en France et a été, entre autres, la présidente
de l’Association de la Presse étrangère. En 1998, réalisant un
reportage, elle rencontra un ancien combattant de la Nueve et
découvrit l’histoire de ces hommes oubliés. La journaliste continua
son activité en tant que correspondante de l’hebdomadaire
espagnol Tiempo, mais travailla également à ce qu’elle considérait
comme une injustice : l’oubli des Résistants espagnols dans la
mémoire collective des combats de la Deuxième Guerre Mondiale.

Il y a une vingtaine d’années, Evelyn Mesquida partit à la recherche
des survivants de la 2ème DB en général et de la Nueve en particulier.
Elle en retrouve certains, installés dans dans diverses régions de
France et tombés dans l’oubli. Ils lui racontèrent leurs histoires,
évoquant leurs compagnons disparus et leurs expériences de neuf
ans de combats (en Espagne, Afrique du Nord, Norvège, France,
Allemagne), à travers des photos et leurs nombreuses médailles
militaires. Certains menaient une existence paisible, tandis que
d’autres vivaient dans des conditions difficiles, parfois même
dramatiques. La ténacité d’Evelyn Mesquida et la présence de son
immanquable magnétophone constituèrent pour eux un moment de
joie dans une réalité de solitude.

Grâce à la sortie de ce livre (en espagnol, en français et en anglais), il
nous est possible de connaître cet épisode longtemps caché de
l’histoire de la libération de Paris à travers ces témoignages
extrêmement humains et intéressants, qui auraient été, autrement,
perdus.

Une fois à la retraite, Evelyn Mesquida multiplia son activité pour la
mémoire des républicains espagnols en France. Le 24 août 2004, son
acharnement se concrétisa avec une plaque portant la mention
« Aux républicains espagnols, composante principale de la colonne
Dronne » est inaugurée par la Mairie de Paris tout près de l’Hôtel de
ville, où se trouve désormais, côté Seine, le « Jardin des combattants
la Nueve ».

Le livre de Evelyn Mesquida est publié en France par les éditions du
Cherche Midi avec le titre La Nueve, 24 août 1944 et le sous-titré Ces
républicains espagnols qui ont libéré Paris
. Dans ces pages, l’histoire de
la Nueve
est relatée à travers les témoignages et les portraits de dix
espagnols de cette compagnie. La préface du livre est signée de
l’écrivain Jorge Semprun, selon lequel l’œuvre de cette journaliste
devenue aussi historienne demeure fondamentale pour comprendre
que ces résistants furent non une « poignée d’hommes » mais « des
dizaines de milliers qui luttèrent, dans tous les combats de l’armée
française »
.

Correspondant de la presse italienne à Paris depuis 34 ans, Alberto
Toscano a écrit plusieurs livres sur la relation franco-italienne. Parmi
eux Les Italiens qui ont fait la France de Léonard à Pierre Cardin
(Armand Colin, 2019)

La Nueve, 24 août 1944, ces Républicains espagnols qui ont libéré Paris d’Evelyn Mesquida (Cherche-Midi)
par Alberto Toscano