#Lecturesconfinement-L’esprit de la liberté est immortel

L’autobiographie de WEB Du
Bois permet de redécouvrir la
pensée de l’un des pères des
droits civiques 

Premier opus d’une collection
baptisée « Compagnons de
voyage », dirigée par le
dramaturge et traducteur René
de Ceccatty, et qui comptera
quelques grands noms de la
littéraire mondiale,
l’autobiographie de William
Edward Burghardt Du Bois dit WEB Du Bois, Pénombre de l’aube, nous emmène sur les traces de ce
personnage totalement inconnu en dehors des frontières des Etats-
Unis et qui pourtant, demeura l’un des modèles de ceux qui – Martin
Luther King en tête – allaient porter la lutte pour les droits civiques
dans les années 1960.

Né au lendemain de la guerre de sécession, en 1868, Du Bois
entama une brillante carrière universitaire qui le conduisit à devenir
le premier afro-américain à obtenir un doctorat de la brillante
université d’Harvard. Mais le professeur précurseur ne s’arrêta pas
là car très vite, il lui sembla important, vital même de se muer en
porte-parole de la cause afro-américaine après notamment le
compromis d’Atlanta et l’arrêt de la cour suprême Perry vs.
Ferguson du 18 mai 1896 qui confortèrent la ségrégation raciale
dans les états du Sud.

Si le lecteur trouvera dans ces pages les mémoires de ce garçon de
Great Barrington dans le Massachussetts devenu l’un des leaders de
la NAACP, Pénombres de l’aube est moins une autobiographie qu’un
traité où Du Bois revient sur les concepts de race et de monde blanc,
et une analyse pertinente de la société américaine et de son système
économique et éducatif. Il a ainsi des mots très durs sur l’Europe
occidentale à la veille de la seconde guerre mondiale : « L’Europe
occidentale ne voulait pas et ne veut pas la démocratie ; elle n’y a jamais
cru, elle ne l’a jamais pratiquée, et elle ne l’acceptera jamais sans une
révolution radicale et fondamentale »
écrit-il.

WEB Du Bois participa aux créations du mouvement Niagara en
1905 et de la National Association for the Advancement of Colored
People (NAACP) en 1909 qui allait devenir le fer de lance des droits
civiques un demi-siècle plus tard. Il y développa une conception
nouvelle de la ségrégation, plus historique que celle, raciale, qui
prévalait alors. Sa solution : former une élite culturelle afro-
américaine à travers le système éducatif tout en mettant l’accent sur
le droit de vote. Opposé à une intégration au forceps qui ne ferait
que perpétuer les inégalités, Du Bois prôna plutôt un
développement endogène de la communauté noire. « La plupart des
Noirs aimeraient mieux une bonne école avec des enseignants de couleur
correctement payés, plutôt que de faire entrer de force leurs enfants dans
une école blanche où ils seraient maltraités, humiliés et découragés dans
leurs efforts pour progresser. »
En lisant ses lignes, on ne peut qu’être
frappé par leur caractère visionnaire quand on sait que quelques
quarante-cinq ans plus tard, grâce au système éducatif, un noir fut
élu à la présidence des Etats-Unis.

WEB Du Bois mourut à 95 ans, le 27 août 1963. Quelques années
plus tard, le 23 février 1968, à Carnegie Hall, Martin Luther King lui
rendait cet hommage : « Le Docteur Du Bois nous a quitté mais n’est pas
mort. L’esprit de liberté n’est pas enseveli dans la tombe du brave. Il sera
avec nous lorsque nous irons en avril à Washington exiger notre droit à la
vie, à la liberté et la poursuite du bonheur »
. Moins de deux mois plus
tard, en avril justement, Martin Luther King était assassiné à
Memphis, rejoignant son aîné dans la tombe du brave. Mais l’esprit
de liberté a perduré. On connait la suite…

Par Laurent Pfaadt

W.E.B. Du Bois, Pénombre de l’aube,
coll. Compagnons de voyage,
Aux éditions Vendémiaire, 420 p.