Quatre-vingt ans après la libération du camp d’Auschwitz, des histoires incroyables semblent toujours traverser, intactes, le temps et parviennent encore à nous émouvoir et à revivifier une mémoire qui disparaît avec la mort des derniers témoins. Telle fut l’histoire de Zippi et de David, les amants d’Auschwitz.

Zippi fut une juive slovaque. David, un juif polonais. Tous les deux furent déportés à Auschwitz en 1942. Le camp est alors en construction, on doit y ajouter l’annexe de Birkenau pour pouvoir tuer en masse. Les Slovaques ont été parmi les premiers juifs à y être déportés. Là-bas Zippi intègre l’administration du camp et grâce à la protection de la terrible Maria Mandl, cette gardienne réputée pour sa férocité, elle aide un certain nombre de juifs, parvenant parfois à les sauver d’une mort certaine. Bientôt, son regard croise celui de David. Dans le reflet des crématoires s’allume alors, dans son coeur, au milieu des ténèbres, la flamme de l’amour. « Il était très jeune ; elle avait quelques années de plus. Il manquait d’expérience ; elle était avisée et sûre d’elle. Leurs regards se croisèrent ; elle le choisit. Alors que la mort et la destruction rôdaient autour d’eux, ils se hissèrent dans une alcôve improvisée et ouvrirent une fenêtre. L’un près de l’autre, ils n’étaient plus des numéros ; ensemble, ils n’étaient plus seuls » écrit ainsi Keren Blankfeld, journaliste qui excelle dans les récits de non-fiction et peint avec des mots d’une douceur inouïe cet amour prenant vie dans ce lieu de mort.
A Auschwitz tomber amoureux peut être une stratégie de survie. Elle peut aussi vous conduire à prendre des risques inconsidérés jusqu’au tombeau. Le lecteur, accroché à l’histoire de Zippi et de David, avale les pages pour savoir si nos deux amants vont s’en sortir car à chaque fois, le destin semble sourire aux amoureux. L’auteure entremêle ainsi à merveille les destins de nos deux amants et de ces personnages secondaires qui composent le roman. Zippi et David ont promis se retrouver à Varsovie sitôt la fin de la guerre. Ils ne se reverront que soixante-dix ans plus tard pour connaître les raisons de leur survie. Et nous lecteurs, nous étions là grâce à ce livre merveilleux et tendre.
Par Laurent Pfaadt
Keren Blankfeld, les amants d’Auschwitz, traduit de l’anglais par Karine Guerre
Aux éditions Albin Michel, 496 p.