Les diamants sont éternels

NemoJosé-Marie Blas de Roblès signe l’un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire.

Lire Blas de Roblès ne ressemble à rien d’autre. On avait déjà pu le mesurer avec son génial Là où les tigres sont chez eux, prix Médicis en 2008, roman total où se croisaient déjà plusieurs réalités. Dans son nouveau roman, l’Île du Point Nemo, le Périgord a remplacé le Brésil et l’Europe baroque du XVIIe siècle a cédé la place à l’univers de Jules Verne.

L’histoire débute dans le château écossais de Martial Canterel, fasciné par les conquêtes d’Alexandre le Grand. Cette tranquillité toute relative est rompue après le vol d’un fameux diamant, l’Ananké appartenant au seul amour de Canterel, Lady MacRae. En compagnie d’une fine équipe qui comprend son ami John Shylock Holmes, sorte d’hybride des deux personnages inséparables de Conan Doyle, Martial Canterel part à la poursuite de ce diamant, dans une quête qui ira bien au-delà de la simple course-poursuite à travers le globe.

Et pour réussir un bon roman d’aventures, quelques ingrédients sont nécessaires : trouver un bon méchant, crédible, impitoyable et si possible facétieux, un peu à la manière de ceux qui peuplent les James Bond. Sur ce point, l’auteur nous a fabriqué du sur-mesure avec l’Enjambeur Nô, cet assassin insaisissable. Et puis, il nous faut des péripéties ingénieuses et amusantes. Du transsibérien à Paris, à bord d’aéronefs et de dirigeables et en compagnie d’un chimpanzé ou d’un majordome, on peut dire que l’on n’a pas vraiment le temps de reprendre notre souffle.

Ce roman d’aventures vertigineux combine à merveille les changements de plans narratifs, entre cette fabrique de cigares où l’on reprend la tradition cubaine de lecture des œuvres classiques françaises et le récit d’aventures où les mots et les hommes courent dans tous les sens. Avec ces récits qui s’entremêlent, l’auteur compose une histoire à multiples facettes, sorte de prisme lumineux où la lumière de la réalité répond à la lumière de la fiction dans une sorte de jeu de miroirs permanent. Un peu comme ce fameux diamant de l’Ananké.

La thématique du progrès et les exploits de la science traversent ce roman foisonnant et les influences littéraires de l’auteur sont autant de petits chocolats que l’on déguste avec plaisir : il y a là les Voyages extraordinaires de Jules Verne mais également Arthur Conan Doyle ou Locus Solus de Raymond Roussel à qui Blas de Roblès reprend son héros principal, Martial Canterel. Ce roman d’aventure est un peu un condensé de toutes ces lectures que notre inconscient d’adolescent a absorbé et qui composent une histoire que l’on aurait non seulement aimé écrire, mais que l’on aurait surtout aimé vivre dans notre jeunesse. C’est pour cela que l’Île du Point Nemo est un grand roman.

José-Marie Blas de Roblès, L’Île du Point Nemo, édition Zulma, 2014

Par Laurent Pfaadt
Edition hebdoscope 1011, octobre 2014