Les légendes sont de retour…

Herbert Blomstedt et l’Orchestre Philharmonique de Vienne inauguraient la saison de la Philharmonie du Luxembourg

Herbert Blomstedt
© : Philharmonie Luxembourg / Sébastien Grébille

Avec les mythiques Wiener Philharmoniker et Herbert Blomstedt, la
Philharmonie du Luxembourg ouvrait en grande pompe, en ce 4
septembre 2021, sa saison après deux années d’orages et
d’inquiétudes. Il fallait donc bien le cor de la 4e symphonie de
Bruckner pour réveiller nos cœurs endoloris.

Tout commença avec la 8e Inachevée de Franz Schubert. Le chef
suédois, qui vient de fêter ses 94 ans, avait décidé de chevaucher la
tempête qui couvait encore au-dessus du Grand-Duché. Avec des
contrebasses ténébreuses à souhait, le ton était donné, celui d’un
orchestre résonnant comme un être vivant. Revêtu de son
traditionnel habit romantique, l’orchestre, au son si parfait dispensé
par des cordes battant comme un cœur, fut à nouveau à la hauteur
de sa réputation. Blomstedt, tel Hermès le messager, d’un petit geste
de la main, mi-caresse, mi-pichenette, chassa les nuages pour ouvrir
en grand la voûte céleste et inscrire sa symphonie dans quelque
chose qui prit des airs de destinée.

Avec Bruckner, le récit devint odyssée. D’Hermès, Herbert
Blomstedt se mua en Zeus, se saisissant du foudre pour le brandir
dans un premier mouvement tonitruant qui fit trembler une
Philharmonie transformée en Olympe au son de cuivres étincelants
polis par les années américaines du chef. Un sentiment d’achèvement se dégagea ensuite du deuxième mouvement comme
si l’orchestre tenait le monde dans ses bras et le berçait au son de ses
vents enchanteurs. Dieux et légendes se rencontraient avec
Blomstedt en aède post-romantique. Et lorsque retentit la coda,
apothéose et majesté pétrifièrent telle Méduse, une assistance et un
chef qui eut droit à une standing ovation plus que méritée.

La phalange viennoise ouvrit les traditionnels rendez-vous des
Grands Orchestres de la Philharmonie qui verra également se
succéder le London Symphony Orchestra ou la Filarmonia della
Scala menés par les plus grandes baguettes : Sir Simon Rattle, Valéry
Gergiev, Zubin Mehta ou Daniel Barenboïm. Face à ces monuments,
l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg et son désormais chef
emblématique, Gustavo Gimeno, fera résonner son expressivité et
sa couleur dans quelques grandes pages du répertoire. Il sera
accompagné par quelques solistes d’exception comme la « captivante
conteuse », Béatrice Rana qui se produira avec Rachmaninov pour la
première fois dans le Grand-Duché – elle reviendra une seconde fois
avec Yannick Nézet-Séguin et le Symphonieorchester des
Bayerischen Rundfunks – et l’irremplaçable Isabelle Faust, artiste en
résidence, dans le concerto méconnu de Britten. Pour tous ceux qui
préfèreront l’intimité d’une sonate ou d’un quatuor, le programme
leur réservera quelques belles surprises comme cette sonate pour
violoncelle et piano de Dimitri Chostakovitch par Gautier Capuçon
et Yulia Wang ou ce dialogue musical à travers les époques entre la
violoniste Patricia Kopatchinskaja et la violoncelliste Sol Gabetta qui
suscite déjà de magnifiques promesses. Le quatuor Belcea fera
résonner les accords de la célèbre Jeune Fille et la Mort de Schubert
tandis que les génies de demain, en particulier Isata Kanneh-Mason
ou Lucie Horsch à la flûte à bec nous conduiront sur les sentiers de
Gubaidulina, Mozart et Dvorak

Quelques-unes des plus belles voix de notre temps (Diana Damrau,
Cécilia Bartoli, Rolando Villazon ou Joyce Di Donato) viendront
enchanter nos nuits et répondront à celles, plus éclectiques de
Marcel Khalifé et de Gilberto Gil, et électriques de Damon Albarn
(ex-Blur et Gorillaz) et Pat Metheny pour composer au-dessus de
l’écrin de la Philharmonie, un ciel où les légendes de la musique continueront à s’écrire.

Par Laurent Pfaadt

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