Les morsures de celluloïd

© Sanaa Rachiq

Le vampire est à l’honneur
d’une exposition à la
Cinémathèque française

On entre un peu dans cette
exposition comme dans un
caveau. Niche en croisée
d’ogives, lumière
tremblante, bruits
inquiétants, ce voyage eu
cœur des ténèbres promet à
ses imprudents visiteurs
quelques nuits blanches et
de nombreux frissons
salvateurs.

Pourtant, qui n’a pas tremblé de plaisir dans son fauteuil devant
Christopher Lee et ses canines injectées de sang et son sex-appeal
infaillible ou eu envie d’être possédé par un Tom Cruise et, pour
les plus jeunes, par Buffy ? L’exposition de la cinémathèque, à la
scénographie toujours aussi réussie, embarque son visiteur dans
un voyage d’outre-tombe où se mêlent cinéma bien entendu mais
également littérature et art pour nous dévoiler la figure
polymorphe de ce mythe qui a fait les grandes heures du petit et
du grand écran. Mais ce mythe a suivi des cycles, variant entre
intérêt grandissant et oubli, entre films terrifiants et parodies
loufoques. Ainsi après les épisodes de la Hammer, les vampires
furent relégués en série B voire en série Z et devinrent alors –
l’exposition permet de s’en rendre compte – les compagnons de
jeunes réalisateurs appelés à de brillants avenirs comme Tony
Scott qui signa avec Catherine Deneuve et David Bowie des
Prédateurs (1983) qui rencontrèrent un succès d’estime en France
ou une Kathryn Bigelow réalisant à trente-six ans, un étonnant
Aux frontières de l’aube (1987). Mais il est bien connu que le
vampire ne meure jamais sauf à confier la tâche à des
professionnels comme James Woods dans Vampires de Carpenter
ou le mythique Van Helsing. Sans quoi, il revient du diable vauvert,
notamment à la fin des années 80 pour s’imposer esthétiquement
et au box-office durant la décennie suivante avec le Dracula de
Francis Ford Coppola (1992) et Entretien avec un vampire de Terry
Jordan (1994) qui révéla un jeune acteur plein d’avenir, un certain
Brad Pitt.

De ces témoignages, l’exposition repasse de l’autre côté du miroir
cinématographique en montrant tout le travail opéré derrière la
caméra par ceux qui donnèrent un corps de celluloïd à ce mythe.
Le visiteur peut ainsi se confronter au masque porté par Klaus
Kinski dans le Nosferatu de Werner Herzog et aux maquettes de
l’artiste japonaise Eiko Ishioka. Cette dernière signa d’ailleurs les
costumes baroques du Dracula de Coppola, véritables pièces
maîtresses de l’exposition qui lui valurent un Oscar en 1993.

Le cinéma étant toujours le reflet d’une époque, l’exposition
montre également combien, à l’instar des extraterrestres, la figure
du vampire a oscillé entre ami et ennemi, tantôt poète
romantique, tantôt un ennemi politique, du communiste au
prédateur de la finance. Façon de dire qu’à l’image de notre
société, il continue d’être un monstre éminemment fascinant.

Par Laurent Pfaadt

Vampires, De Dracula à Buffy, jusqu’au 19 janvier 2020,
La Cinémathèque française.

Retrouver toute la programmation cinéma autour de l’exposition sur :
www.cinematheque.fr/cycle/vampire
s