L’hiver (re)vient

WinterfellLe tome 5 de l’intégrale du Trône de fer enfin disponible.

Les lecteurs devenus spectateurs ou les spectateurs devenus lecteurs selon que l’on a sauté littérairement ou cinématographiquement dans le train du Trône de fer qui désormais sillonne la planète entière guettent avec impatience toute nouvelle publication de cette saga devenue culte. L’intégrale n°5 que publie ces jours-ci Pygmalion, l’éditeur français historique de George R.R. Martin, offre ainsi une séance de rattrapage et une mise à niveau pour tous ceux qui n’auraient pas lu les volumes parus isolément. Mais surtout, elle devance la diffusion de son adaptation télévisuelle pour tous ceux qui ne peuvent patienter.

Regroupant le bûcher d’un roi (2012), les dragons de Meereen (2012) et une danse avec les dragons (2013), cette intégrale colle en réalité à la publication anglo-saxonne d’une saga qui devrait comporter sept volumes en tout.

Il est bien loin le temps où Eddard Stark régnait sur un Nord pacifié, où la maison Baratheon était la famille dominante et où les Targaryen n’étaient plus qu’un lointain souvenir. Ceux que l’on croyait alors définitivement défaits et que l’on considérait comme les pires ennemis du royaume des Sept Couronnes n’étaient rien à côté des Lannister, cette famille incroyable et infernale qui cumule tous les vices : l’inceste, la corruption, le lucre, l’ambition sans limite, la cruauté. Mais au fait, ces qualités ou ces défauts selon que l’on soit leurs vassaux ou leurs ennemis, ne sont-ils pas les traits de caractère de tous les personnages de cette saga en même temps qu’ils sont aimants, généreux, cléments et courageux ? Car c’est bien là tout le succès du Trône de fer. Les personnages y sont terriblement humains avec leur grandeur d’âme et leurs bassesses. Ils ne sont ni des héros, ni des tyrans mais les deux.

Avec son sens incroyable du récit où chaque chapitre est la vision d’un personnage et où le récit est relaté à travers son aventure personnelle et devient, agrégé à l’ensemble des autres chapitres, une sorte de prisme lumineux à multifacettes permettant de comprendre la globalité de l’histoire, George R.R. Martin a le don de nous surprendre en faisant mourir les personnages principaux et en donnant aux seconds couteaux les premiers rôles. Grâce à ces ingrédients, il revivifie en permanence le récit qui ne perd pas son souffle, bien au contraire. Dans cet univers terriblement réel, les saints et les démons disparaissent et laissent leurs places à ces êtres, hommes ou femmes, qui sont un peu des deux et se battent en permanence pour survivre dans des univers, des sociétés qui ne sont pas les leurs mais qu’ils parviennent à dominer à force d’opiniâtreté. C’est le cas du nain Tyrion Lannister, du bâtard Jon Snow ou de l’héritière sans royaume, Daenerys Targaryen, ces quelques héros formidables parmi la pléiade de personnages que comportent cette saga et qui constituent les figures de proue de ce cinquième tome.

La dernière page lue, on voudrait comme toujours en savoir plus. Il faudra cependant patienter encore quelques mois pour lire le prochain tome, The Winds of Winter, le sixième, qui emmènera ses lecteurs dans de batailles gigantesques mais également au-delà du mur, bien au-delà, à la rencontre des Autres…

« L’hiver vient » a-t-on coutume de dire à Winterfell. Celui-ci risque bien de revenir plusieurs fois, à commencer par cette année au cours duquel, vos soirées ne seront pas assez longues pour arpenter le royaume des Sept Couronnes.

George R.R. Martin, Le Trône de Fer, intégrale tome 5, Pygmalion, 2014.

Laurent Pfaadt