livre du mois

Itamar Orlev, Voyou,
Chez Seuil, 464 p.

Présent dans la première sélection
du Prix Femina étranger 2018, le
premier roman de l’Israélien Itamar Orlev ne laisse pas insensible,
bien au contraire. Tadek, écrivain raté vivant à Jérusalem, revient au
chevet de son père, ce monstre qu’il a fallu quitter vingt ans plus tôt
et qui croupit dans une maison de retraite de Varsovie. Et dans cette
Pologne qui s’apprête à tourner la page du communisme, l’heure des comptes a sonné.

Magnifique roman sur la filiation brisée, il interroge sur ce temps qui
ne se rattrape jamais, sur ces blessures qui ne se referment pas. La
violence est omniprésente, sur les corps, dans les têtes, dans le cœur
d’une nation passée de la Shoah au communisme. Au final, nous ne
sommes que ceux que nos parents ont fabriqués. Au fur et à mesure
que l’on pénètre ou plutôt que l’on s’enfonce dans ce récit noir d’une
beauté glaçante en forme de catacombe qui suinte la violence
comme cet alcool qui, tel un poison, ronge ce père, on comprend
sans jamais excuser. Tadek est venu à Varsovie se regarder dans le
miroir de son père. Il n’en récolta que des débris.

Par Laurent Pfaadt