Lumières et ténèbres du Nord

Gabetta (© Marco Borggreve)

La violoncelliste Sol Gabetta
triomphe dans
Chostakovitch

Le Konzerthaus de Vienne est
toujours l’occasion
d’entendre ce qui se fait de
mieux en matière de musique
classique. Le programme
proposé mettait à l’honneur
Chostakovitch et les grands
compositeurs de l’Europe du
Nord. La soirée débuta ainsi
avec l’ouverture Helios du
compositeur norvégien Carl
Nielsen qui permit à l’orchestre symphonique de Vienne dirigé
pour l’occasion par le chef finlandais Jukka-Pekka Saraste, de se
confronter aux éléments sonores qu’allait libérer plus tard la
seconde symphonie de Sibelius.

Mais pour l’heure la parole ou plutôt l’archet était à Sol Gabetta,
venue rendre un nouvel hommage à Dimitri Chostakovitch et à
son premier concerto pour violoncelle dédié à Mtislav
Rostropovitch. Dans cette oeuvre, la violoncelliste excella dans
les changements de rythme et exposa avec merveille les
contrastes de la partition, passant aisément et avec la même
intensité de l’angoisse du premier mouvement à une émotion à
fleur de peau dans le second. Son duo avec la trompette,
instrument indispensable aux œuvres de Chostakovitch, fut
parfait et son solo montra, s’il en est encore besoin, que Sol
Gabetta est l’une des interprètes vivantes les plus douées de ce
concerto. La course effrénée que se sont alors livrés l’orchestre et
la soliste dans le finale constitua l’apothéose d’une interprétation
qui permit à tous de ressentir cette musique qui se transforme
avec Chostakovitch en cri.

Après la pause, Saraste nous conduisit sur les bords de ce lac
magnifique qu’est la musique de Sibelius. Le chef, qui réalisa deux
intégrales des symphonies de Sibelius, nous prouva une fois de
plus qu’il demeure l’un des grands interprètes de la musique de
son pays. Sa deuxième symphonie, certainement la plus connue et
la plus jouée de Sibelius constitua un pur moment de bonheur où
la force n’eut d’égal que la poésie développée par le chef et son
orchestre.

Ces derniers nous emmenèrent dans ces contrées sauvages où se
chantent et se narrent ces légendes ancestrales grâce à des bois
astucieusement mis en valeur dans la répétition du leitmotiv et
bien servis au demeurant par des musiciens inspirés. La clarinette
fit office de conteur tandis que les bassons témoignèrent d’une
prodigieuse fluidité. Avec cet excellent orchestre qui sut déployer
sa force pour répandre cette force tellurique, on a eu parfois
l’impression d’être un oiseau survolant ces paysages finlandais
avec leurs îles lacustres, leurs forêts de pins et leurs tourbières.
Grâce au tempo rapide qu’il imprima, Saraste conféra à son
interprétation le caractère épique inhérent à cette symphonie. La
coda emmenée par un excellent violoncelle solo et de grandioses
percussions, ne pouvait qu’être étincelante avec ses reflets
argentés tirés de ce magnifique lac musical dans lequel le public
s’est plongé avec passion.

Laurent Pfaadt