Master Gray

© Thierry Stefanopoulos

A l’occasion de son passage à la
Cinémathèque française,
rencontre avec le réalisateur
James Gray

En sept films, le réalisateur
américain James Gray est déjà
devenu un cinéaste culte. De la
scène d’ouverture avec Eva
Mendès dans La Nuit nous
appartient
à la vision de la planète
Neptune par l’astronaute Roy Mc
Bride (Brad Pitt) dans Ad Astra en
passant par la nudité de Gwyneth
Paltrow dans Two Lovers, du polar
à la science-fiction ou le film d’aventures, James Gray a imposé
son style et ses univers au cinéma.

De passage à Paris à l’occasion de son travail sur la mise en scène
des Noces de Figaro au théâtre des Champs-Elysées, James Gray a
rencontré, le temps d’un après-midi, ses fans pour évoquer avec
eux son travail et sa vision du cinéma.

La masterclass succédant à Two lovers, ce mélodrame un peu
atypique dans l’œuvre de James Gray, c’est à travers ce succès
critique mais échec commercial que le réalisateur aborda son art,
estimant avoir voulu dans ce film explorer la sincérité du
personnage jusqu’à l’inconfort. Car c’est peut-être là que réside la
magie de ses films : ils reflètent, à travers leurs fragilités, la vie de
gens normaux dans tout ce qu’elle a de plus complexe, de plus
tragique. Ainsi, dans Two lovers, Joaquin Phoenix est atteint de
troubles neurologiques, tandis que dans The Yards, Mark
Wahlberg se débat dans une fatalité qui aura raison de lui.

Les histoires de James Gray décrivent souvent des liens familiaux
déstructurés. Ici, un fils recherchant dans les étoiles ou au travers
de ses erreurs et sa colère, l’attention d’un père jusqu’à mourir à
ses côtés dans The Lost city of Z. Là, la quête d’un idéal au
détriment de l’amour de ses proches. « Notre responsabilité de réalisateur est de faire du sens avec nos choix de caméra » affirme-t-il
avant de rejeter toute forme de projet commercial qui le
conduirait à réaliser la « 17e version de Captain America » et d’une
certaine manière à se renier.

Le travail de James Gray construit ainsi, film après film, une œuvre
qui échappe aux modes et qui sonde la nature d’une espèce
humaine dont il reste persuadé qu’elle a besoin de cinéma, ce
médium qui concentre toutes les formes d’arts, qu’il s’agisse de
peinture, de photographie, de danse ou de musique. Lui qui a été
marqué dans son enfance par un cinéma allant de 1945 à 1980 et
par la littérature russe en particulier Dostoïevski, sait
pertinemment que si le cinéma doit offrir du rêve, il doit aussi
montrer l’envers du décor et notamment celui du rêve américain
avec ses laissés pour compte, ces losers qui peuplent les films de
Gray et que ce dernier magnifie. L’important est de suivre sa voix,
peu importe les circonstances, et comme il le rappelle à juste titre
à une jeune apprentie réalisatrice lui demandant un conseil, «
focalisez-vous sur la voix qui réside en vous. Le monde vous suivra,
peut-être pas tout de suite mais il vous suivra, soyez-en certain. »

Par Laurent Pfaadt

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