Mélodie Zhao

Mélodie Zhao. janvier 2014 Lausanne © Philippe Pache
Mélodie Zhao. janvier 2014 Lausanne
© Philippe Pache

« Les concertos de Tchaïkovski sont faits pour de jeunes
esprits »
 

Mélodie Zhao est ce qu’il convient d’appeler un prodige. La pianiste suisse donnait son premier récital à dix ans. Après des études au conservatoire de Genève, elle se produit désormais sur les scènes du monde entier. Une intégrale des sonates de Beethoven a révélé son incroyable talent qu’elle confirme aujourd’hui avec un nouveau disque très réussi consacré aux concertos de Tchaïkovski.

Quel rapport entretenez-vous avec les concertos de Tchaïkovski ?

Une relation très intime… C’est la vieille école russe qui m’a formée lorsque j’ai grandi chez mes grands-parents, jusqu’à l’âge de 9 ans. Les listes d’écoute que ces derniers me préparaient étaient composées de Beethoven, Mozart et de compositeurs russes en particulier. Le premier concerto de Tchaïkovski, je le chantonne donc depuis toujours, un peu comme Frère Jacques. Mais je n’ai découvert ses deux autres concertos que bien plus tard pour les adorer aussitôt.

N’est-on pas, à 21 ans, intimidé par ces monuments de la musique ?

Intimidés par les grands compositeurs ou plutôt à genoux devant eux et se tenant corps et âme à leur service, je suppose que, nous autres interprètes, devons l’être toute notre vie. Cependant, je pense que les concertos de Tchaïkovski sont faits pour de jeunes esprits… Le compositeur a attaché une virtuosité et une bravoure particulièrement grandes à ces œuvres surtout dans le premier concerto. Je pense que, contrairement aux dernières sonates de Beethoven ou de Mozart, Tchaïkovski convient mieux à de jeunes pianistes au summum de leur forme.

On connaît moins le second concerto qui est pourtant magnifique et si différent du premier…

En effet, dès sa création, il manqua le succès pourtant espéré par le compositeur qui y tenait beaucoup. Toutefois, malgré ce qu’on en a dit, je suis personnellement convaincue qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre qui donne des frissons lorsqu’on l’écoute sans préjugé ! Sa grande virtuosité – dépassant presque celle du premier – constitua également un obstacle à la multiplication de sa production. 

Vous y avez trouvé une réelle sensibilité, notamment dans le second mouvement lorsque le piano dialogue avec le violon solo…

Ce mouvement porte des thèmes incroyablement évocateurs qui annoncent les couleurs des dernières symphonies. J’ai eu la chance de jouer ce quasi « triple concerto » avec deux solistes extraordinaires de l’OSR : Bogdan Zvoristeanu au violon et François Guye au violoncelle. Ces deux musiciens m’ont réellement inspirée et nous avons réussi à trouver une parfaite synchronisation dans nos idées musicales. 

Vous avez réussi à trouver une osmose incroyable avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Il faut dire qu’il est, depuis Ernest Ansermet, particulièrement sensible à la musique russe…

L’orchestre se distingue par ses interprétations des Russes et des Français, deux écoles qui requièrent souvent la même finesse de son de la part de ses interprètes. Ma proximité artistique avec de nombreux musiciens de l’orchestre a beaucoup contribué à ce merveilleux disque.  

Tchaïkovski : Concertos pour piano n° 1 et 2, Mélodie Zhao,
Orchestre de la Suisse Romande, direction Michail Jurowski,
Claves Records.

Interview Laurent Pfaadt