Mineur non accompagné

Conçu, présenté et interprété par Sonia Chambretto et Yoann Thommerel, c’est un spectacle qui nous met au fait d’une situation sociale à bien des égards délicate et rude puisqu’elle touche à ces enfants, adolescents plus ou moins en déshérence dans notre pays, des jeunes qui ont quitté leur pays en raison de la guerre ou de la pauvreté et que la France accepte d’héberger jusqu’à leurs dix-huit ans. Après ils doivent se débrouiller… Si la plupart des spectateurs connaissent cette situation, il n’en reste pas moins que cette manière de nous la faire revivre collectivement par la représentation théâtrale lui confère une dimension politique nécessaire à une prise de conscience sans doute plus efficace que le simple fait d’en avoir entendu parler et éveille notre attention sur ce problème de l’accueil des jeunes migrants soumis à des contrôles médicaux destinés à prouver qu’ils sont mineurs ou non puis à leur placement dans des centres d’accueil. « L’hospitalité à la française »


En prenant la décision de s’immerger dans trois de ces centres en Normandie où ces mineurs ont été regroupés, les auteurs sont en mesure de leur donner la parole et de nous rendre témoins de leurs attentes, de ces multiples envies ou besoins qui, selon eux, pourraient améliorer la vie de tous les jours. Rien, de larmoyant cependant malgré la précarité de leurs conditions de vie qui transparaissent en filigrane car ces centres disposent de  peu  de moyens.

 Les comédiens, en training, plantés devant leur micro, rapportent leurs propos qu’ils lisent sur ces grandes tablettes blanches disposées sur le plateau, en se jetant des regards complices et sans se départir d’un sourire bienveillant. On sent qu’ils ont été proches d’eux et qu’ils cautionnent leurs dires. Paroles des jeunes mais aussi des éducateurs qui les ont côtoyés et pris en charge.

L’idée de ces tablettes, comme de grandes feuilles paraît vraiment pertinente car elle assure une authenticité à ces propos. De plus quand elles sont soulevées pour être prises en main pour lecture, elles laissent apparaître les emplacements délimitant le terrain de jeu semblable à un probable terrain de foot, le sport préféré des jeunes Pour souligner cette préférence énoncée par ailleurs divers ballons de foot sont éparpillés sur le plateau, certains neufs, d’autres usés ou crevés (Scénographie Marine Brosse). Ce quotidien nous est aussi rapporté par la vidéo de Simon Anquetil et des photos prises par les jeunes, agrandies  et projetées en fond de scène (Maxence Rifflet et Michaël Quemener)   et qui confirment l’aspect documentaire de cette prestation.Ce spectacle est issu de la transcription d’un travail d’enquête basé sur des questionnaires, mode d’investigation dans lequel les auteurs se sont spécialisés depuis quelques années à propos des mécanismes d’exclusion et qui les a poussés à créer le G.I.G (groupe d’information sur les ghettos), né  il y a cinq ans en Seine-Saint-Denis, l’Inspiration provenant de leur connaissance du GIP (groupe d’information sur les prisons) fondé e 1971 par des intellectuels pour donner la parole aux détenus et justement à partir de questions concernant leur condition de vie en détention.

Toute question entraîne une prise de conscience, oblige à une réflexion. Ainsi est né un ouvrage « Le questionnaire élémentaire » et ce spectacle qui s’inscrit dans une trilogie « La trilogie des frontières invisibles »   dont le premier volet intitulé « Ilôts » a été créé en mars 2O21 à la Comédie de Caen  et qui sera suivi d’un troisième volet  portant sur les relations amoureuses.

Pour Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel il s’agit de « créer des espaces de circulation de la parole ». Ce spectacle y est manifestement parvenu puisqu’il nous a donné à entendre  à travers une mise en récit bien construite la parole de ces jeunes réfugiés avec lesquels on voudrait partager une solidarité plus efficace.

Marie-Françoise Grislin

Représentation du 17 mars

En salle jusqu’au mars 25