Mon grand-père, ce héros

Avec ce récit passionnant d’un
épisode de la bataille de France,
l’auteur replace l’évènement à
hauteur d’hommes.

« Elles sont impénétrables (…) Si l’ennemi
s’y engage on le pincera à la sortie des
forêts. Donc ce secteur n’est pas
dangereux »
estimait le maréchal
Pétain, alors ministre de la guerre, en
1934 à propos des forêts ardennaises.
La phrase demeurée célèbre devait
illustrer six ans plus tard, l’incurie de l’Etat-major français et de leurs
chefs. Les autorités militaires françaises auraient mieux fait de
méditer cette autre phrase de Ferdinand Foch : « tous les terrains sont
franchissables par l’ennemi si on ne les défend pas à coups de fusils »

On connaît tous la suite. L’armée la plus puissante du monde
s’effondra en un mois et quinze jours, entraînant un armistice
honteux, le déshonneur d’une nation ainsi que l’ascension d’un
général inconnu. De récents travaux jettent depuis plusieurs années
une lumière plus objective sur la résistance héroïque qu’offrirent
certaines poches face à l’avancée des blindés de Guderian et de
Rommel, comme dans cette bataille de Sedan, prélude d’une
tragédie pas forcément annoncée.

L’auteur de cet essai passionnant, le général Yves Lafontaine, l’un
des artisans de la brigade franco-allemande, est certes un fin
connaisseur de l’art militaire mais il est surtout le petit-fils du
général Henri Lafontaine qui commanda la 55e division d’infanterie
placée devant Sedan aux premières heures de la bataille. Et
paradoxalement, son propos analyse la situation non pas devant une
carte d’état-major au ministère de la guerre mais à hauteur
d’hommes, dans les chars et sur le terrain.

Mal équipée et constituée en grande partie de réservistes mal
préparés, la 55e DI affronta quelques mille blindés dont le XIXe
corps blindé de Heinz Guderian, un stratège hors pair. Pendant deux
jours, les 12 et 13 mai, la 55e DI tenta de contenir la foudre des
assauts conjoints des stukas de la Luftwaffe et des panzers. « Nous
restons debout et assistons fascinés à la scène – là, en bas, c’est l’enfer ! Et
nous sommes dans le même temps pleinement persuadés que la percée
sera réussie – pas possible que l’ennemi ne soit pas affaibli ! »
affirma
ainsi un soldat allemand. Émaillant son récit d’innombrables
témoignages aussi bien français qu’allemands qui lui donnent une
incroyable respiration, le général Lafontaine détaille la succession
dramatique des évènements : la violence de l’attaque, la panique qui
gagne les soldats et la débandade à l’arrière. Mais surtout, il souligne
le courage des hommes de la 55e qui tentèrent de contre-attaquer
en vain le 14 mai au matin. Son essai, brillant, montre ainsi que la
guerre est surtout une affaire de soldats, ces héros dont la bravoure
dissipée dans l’ombre infamante de leurs chefs, éclate enfin au grand
jour.

Par Laurent Pfaadt

Général Yves Lafontaine,
La bataille de Sedan, 10-14 mai 1940,
Aux éditions de Fallois, 240 p.