Vikenti Veressaïev (1867-1945) fut médecin. Lorsqu’il n’opérait pas, il s’adonnait à sa seconde passion, la littérature, écrivant récits, nouvelles et poèmes. S’inscrivant dans le courant réaliste d’un Tchekhov qui salua ses œuvres et de Maxime Gorki, il s’attacha à décrire le plus fidèlement la réalité de son époque et la société russe. Dans ses Notes d’un médecin, il revient ainsi sur ses études et sur son exercice, à Saint-Pétersbourg d’une médecine prête à entrer dans une modernité qui, de l’hygiène aux vaccins, allait révolutionner les pratiques et surtout la perception de la société sur cette profession.
Dans ces pages, Vikenti Veressaïev témoigne d’un naturalisme et surtout d’un humanisme proprement stupéfiant. Attaché à toutes les formes de vie et manifestant une réelle modestie, il est à l’opposé de ces médecins qui se croient touchés par la grâce de Dieu et qui font peu de cas du corps humain et de leurs patients s’ils servent leur renommée et surtout la science. Ainsi des expériences cruelles menées sur des malades en particulier sur des prostituées atteintes de syphilis : « Le premier médecin qui s’est permis de telles tentatives aurait dû être immédiatement banni du milieu médical » écrit-il. Pas étonnant que ces Notes d’un médecin connut un succès retentissant, d’autant plus qu’elles se doublent de qualités littéraires indéniables qui rappellent les Mémoires d’un jeune médecin d’un certain Boulgakov dont il fut l’ami. Une merveilleuse découverte donc.
Par Laurent Pfaadt
Vikenti Veressaïev, Notes d’un médecin, traduit du russe par Julie Bouvard, préface de Dimitri Bortnikov, coll. La bibliothèque de Dimitri
Aux éditions Noir sur Blanc, 272 p.