Okoalu

Etrange récit que celui d’Okoalu. Celui où quatre enfants, seuls
rescapés d’un crash aérien se retrouvent sur une île déserte ou en
tout cas, le lecteur le croit-il. Chaque enfant porte en lui une histoire,
au pire traumatisante, au mieux complexe. Ici, dans le dénuement le
plus total, celle-ci va refaire surface. Pour le meilleur comme pour le
pire. Car chacun est façonné par une éducation, un passé qui tantôt
transcende, tantôt détruit dans des circonstances exceptionnelles,
dans cette civilisation revenue à son état primaire. Lorsque surtout
toutes les règles sont bannies, lorsque la société n’existe plus.

Il y a bien entendu les joies enfantines que Véronique Sales recrée à
merveille avec une langue qui transforme le récit en expérience
sensible. Les bruits et les odeurs exhalent des pages du roman si bien
qu’on sent presque l’humidité se répandre entre nos doigts. Mais les
joies cèdent vite la place aux peurs d’enfants et l’écrivain, avec
subtilité, entre alors dans la psyché des personnages, plus dense que
la jungle environnante. L’ensauvagement des personnages va alors
de pair avec cette inquiétude lancinante d’une nature qui semble
prendre possession des êtres. Le récit gagne en ampleur entraînant
le lecteur dans une insécurité à la fois malsaine et jouissive. Il ne
quitte Okoalu qu’en poussant un ouf de soulagement.

Par Laurent Pfaadt

Véronique Sales, Okoalu
Aux éditions Vendémiaire, 276 p.