Parle avec elle

En évoquant le métier de thanatopracteur, Amandine Dhée délivre un véritable manifeste en faveur de la vie

La vie réserve parfois de surprenantes rencontres même pour quelqu’un qui les attend et en fait la matière de son activité créatrice. C’est ce qui arriva à Amandine Dhée, autrice de plusieurs romans dont La Femme brouillon (Contre Allée, 2017), prix Hors Concours qui évoque son expérience de la maternité.


Alors qu’elle fait la promo de son dernier ouvrage, elle rencontre une femme, Gabriele, qui lui parle de son métier : thanatopractrice. Commence alors une relation entre les deux femmes qui allait aboutir à ce livre magnifique.

Comme le dit Gabriele, thanatopracteur est un métier mal connu, qui fait peur. Bien évidemment, il en faut, comme d’autres métiers car sinon, qui s’occuperait de nos morts pour les accompagner lors de leur dernier voyage ? Il faut pourtant, dans l’esprit des gens, un petit grain de folie pour exercer ce métier. Or il s’avère que ce petit grain de folie est, chez Gabriele, une reconversion devenue vocation et transformée en perle de papier par Amandine Dhée.

Gabriele évoque tour à tour dans ce livre les contraintes du métier, sa charge émotionnelle, le mépris des familles. Parfois le récit est caustique quand elle aborde l’aspect du mort qui ne convient pas. Avec cette femme qui a choisi ce métier après une expérience dans la com, le lecteur entre dans cet autre monde du silence où la beauté des sentiments, leur noblesse magnifiquement retranscris par l’autrice n’a rien à envier à ceux de Cousteau. Côtoyer la mort c’est comme nager avec les requins. L’appréhension du début cède vite la place à la puissance de l’émotion.

Amandine Dhée délivre ainsi un récit sensible où beauté et respect se côtoient dans cette antichambre du deuil, entre vie et mort, isolée de cette société où tout n’est que consumérisme. Ici les morts conservent leurs individualités. Et tant pis si le métier de thanatopracteur peut s’apparenter à une illusion. Car ce qui compte n’est pas la finalité, la mort, qui est la même pour tous mais au contraire, le chemin que chacun prend avant d’y arriver. Et celui, c’est-à-dire nous tous, qui accompagne les derniers pas de l’être aimé, a besoin d’une Gabriele pour continuer à vivre, pour continuer à apprécier la brièveté de la vie « comme s’il m’avait fallu fabriquer la vie pour la savoir si fragile » écrit-elle à juste titre.

Sortir au jour n’est donc pas un livre sur la mort, bien au contraire. Il est un manifeste pour la vie et sur ces liens qui nous unissent, sur ces interactions qui constituent la beauté et la singularité de notre espèce.

Par Laurent Pfaadt

Amandine Dhée, Sortir au jour,
Edition La Contre Allée, coll. La sentinelle, 128 p.

Amadine Dhée sera l’invitée de la Grande librairie,
le 18 janvier prochain