Le Musée Granet met à l’honneur le peintre baroque Jean Daret
Aujourd’hui quasiment oublié, le peintre bruxellois Jean Daret (1614-1668) attendait sa résurrection depuis longtemps. Quatre siècles plus tard et malgré une réapparition partielle en 1978, la voici enfin arrivée grâce à cette première monographie magnifique que lui consacre le musée Granet d’Aix-en-Provence, cette ville qu’il plaça sur la carte de la peinture européenne du XVIIe siècle, une ville qui, à cette époque, concentrait un certain nombre de centres de pouvoir propres à attirer des artistes importants comme Nicolas Pinson et Louis-Abraham van Loo.
Né bruxellois dans ces Pays-Bas espagnols dont il tira sa formation et dans ce siècle qui donna quelques génies immortels tels Philippe de Champaigne, bruxellois comme lui et qui eut sur Daret une influence majeure et Le Caravage qu’il vit lors d’un voyage à Rome, Jean Daret s’imposa très vite comme l’artiste majeur de ce Grand Siècle en Provence. L’exposition qui réunit une centaine d’œuvres du peintre sur les 195 répertoriées parfois issues de collections particulières ou de la Horvitz collection, du nom du collectionneur américain, Jeffrey Horvitz qui possède notamment la plus importante collection privée de dessins français en dehors de l’Europe mais également de communes plus ou moins grandes ayant confié au musée leurs trésors, réussit ainsi à offrir aux visiteurs une vision globale et exhaustive de l’art de Jean Daret.
La richesse ainsi que la variété des œuvres présentées permettent donc de tracer un panorama pictural, une palette qui se décline à l’échelle européenne, à l’aise aussi bien dans les scènes religieuses, ce qui valut d’ailleurs à Jean Daret de nombreuses commandes d’édifices religieux, que dans l’art du portrait où il montra un talent reconnu de tous notamment de Pierre Maurel de Pontevès, intendant général des finances en la généralité d’Aix qui lui passa un certain nombre de commandes. Ainsi La Crucifixion avec la Vierge des sept douleurs (1640) ou L’Assomption témoignent d’une utilisation éclatante des couleurs, en particulier de ces rouges et bleus qu’il affectionna tant et que l’on retrouve notamment dans ses drapés de la vierge qui témoignent d’une admiration pour Rubens et Carrache. Et lorsqu’il finit par mêler les deux, ses portraits de saints notamment ceux réalisés pour la chapelle Notre-Dame-de-Consolation d’Aix-en-Provence en particulier Saint Sidoine et Saint Zacharie avec leurs alliances d’ocre et d’or, confinent au sublime.
Pourtant, le talent de Daret fut également son talon d’Achille, celui de ne pouvoir être rangé dans une école, dans un courant artistique. La multitude d’influences que son art absorba – clair-obscur, baroque, classicisme, peinture italienne, hollandaise – le laissa finalement aux marges et devint selon Jane MacAvock, historienne de l’art et coordinatrice du très beau catalogue qui tient lieu de monographie de référence, ce « peintre insaisissable ».
Pour autant et l’exposition le montrant brillamment, Daret cultiva un style qui lui fut propre symbolisé par sa Mort de saint Joseph (1649) qui, installé à côté de toiles similaires de ses contemporains (Nicolas Mignard, Reynaud Levieux) frappe par son énergie, par ce mouvement qui lui donne une vivacité stupéfiante. Un côté vivant presque avant-gardiste à l’image de ce Portrait de Robert de Pille en chasseur (1661), premier portrait connu de chasseur de la peinture française et qui rappelle assurément les grands maîtres hollandais. Une peinture qui devait ravir jusqu’au roi Soleil lors de la venue de ce dernier à Aix-en-Provence en 1660 où le monarque put ainsi admirer l’exceptionnel escalier en trompe l’œil de l’hôtel de Châteaurenard, point d’orgue d’une exposition qui se déploie hors les murs. Comme pour rappeler que ce peintre n’eut pas de frontières.
Par Laurent Pfaadt
Jean Daret, Peintre du roi en Provence, Musée Granet,
Aix-en-Provence
Jusqu’au 29 septembre 2024.
A lire le catalogue : Jean Daret (1614-1668) : Peintre du Roi en Provence, Lienart, 272 p.