De nouvelles traductions d’Ernest Hemingway et de Norman Mailer permettent de se replonger dans ces monuments de la littérature
Aujourd’hui, L’Adieu aux armes d’Ernest Hemingway et Les Nus et les Morts de Norman Mailer sont considérés comme des chefs d’œuvre de la littérature non seulement de guerre mais du patrimoine littéraire de ce 20e siècle sanglant.

Celui-ci commença bien évidemment lors de la Première guerre mondiale. Sur le front italien, en juillet 1918, un jeune ambulancier américain de dix-neuf ans s’apprête à faire son entrée en littérature. Grièvement blessé, il passe près de trois mois dans un hôpital de Milan. Cette expérience lui servira de matériel pour son livreL’Adieu aux armes. Soixante-dix ans après son prix Nobel obtenu en 1954, cette nouvelle traduction permet ainsi de redécouvrir la puissance de ce grand roman de guerre et d’amour avec ces personnages devenus immortels au premier rang desquels le duo que composent Frederic Henry, ambulancier blessé lors de la bataille de Caporetto et son infirmière Catherine Barkley qu’incarneront plus tard Rock Hudson et Jennifer Jones dans le film de Charles Vidor et John Huston.
Norman Mailer n’a que six ans lorsque L’Adieu aux armes est publié en 1929. Près de vingt ans plus tard et une nouvelle guerre mondiale, l’autre sale gosse des lettres américaines, le gamin de Brooklyn qui a lu avec avidité les chefs d’œuvre d’Hemingway, égalera son modèle en publiant Les Nus et les Morts (1948) dont paraît ces jours-ci une nouvelle traduction admirable signée Clément Baude, également traducteur du formidable Sympathisant de Viet Thanh Nguyen (Belfond)

Si l’Europe a été le terrain de jeu d’Hemingway, celui de Mailer, comme des milliers de G.I. fut le Pacifique. A peine sorti d’Harvard, il s’engagea comme simple soldat dans le 112e régiment de blindés du général MacArthur et servit dans les Philippines. Il y campera l’action de son roman qui raconte ces hommes envoyés en mission derrière les lignes japonaises pour conquérir une petite île.
Bien évidemment il y a du Hemingway chez Mailer. Les deux écrivains ont cette fascination commune pour la lutte sempiternelle entre la vie et la mort, la guerre et la paix, l’amour et la douleur. Même si sa prose n’est pas aussi flamboyante que celle de son aîné, Mailer se livre, à travers ses différents personnages, a une analyse sans concession de la société américaine. Tous les deux, et ces deux nouvelles traductions le montrent à merveille, se sont réappropriés les narrations du 19e siècle pour créer quelque chose de neuf. En fidèle héritier de la génération perdue, Mailer emprunte ainsi parfaitement le feu du récit de guerre à Hemingway en l’articulant à la manière d’un John Dos Passos et d’un Tolstoï. On raconte qu’avant d’écrire, Norman Mailer lisait, chaque matin, des pages d’Anna Karenine pour s’imprégner du style de l’auteur de Guerre et Paix. Le résultat est un chef d’œuvre absolu qui valut aux Nus et les Morts tout comme L’Adieu aux armes de figurer parmi 100 plus grands romans du 20e siècle. Deux romans à redécouvrir absolument dans leurs nouveaux habits.
Par Laurent Pfaadt
Ernest Hemingway, L’Adieu aux armes, nouvelle traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Philippe Jaworski
Chez Gallimard, 416 p.
Norman Mailer, Les Nus et les Morts, nouvelle traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Clément Baude
Chez Albin Michel, 784 p.