Le pianiste russe Mikhaïl Pletnev donnait à Paris l’intégrale des concertos pour piano de Serge Rachmaninov
Il est des concerts qui restent. Et au vu de la standing ovation que reçut Mikhaïl Pletnev après avoir achevé dans l’auditorium de Radio France son intégrale des concertos pour piano de son lointain prédécesseur, Serge Rachmaninov, il est certain que ceux-ci en feront partie.

©Edouard Brane
Mais pour que cela fut possible, il fallait au compositeur un interprète qui soit à la hauteur de son génie et il faut bien reconnaître, avec Mikhaïl Pletnev, Rachmaninov ne s’est pas trompé. Pianiste génial, fondateur et chef de l’Orchestre National de Russie, Mikhaïl Pletnev connaît bien la France qui le chérit à chacun de ses passages et surtout Rachmaninov qu’il a, à de nombreuses reprises, interprété et enregistré au disque, notamment dans une magnifique version avec son compatriote Mstislav Rostropovitch (DG, 2003) qui a vanté « sa technique phénoménale (qui) lui permet d’articuler les différentes notes avec une vitesse fantastique comme dans le final du troisième concerto ».
Après une première soirée consacrée aux deux premiers concertos, Mikhaïl Pletnev se retrouvait ainsi au pied de cet Everest pianistique, le Rach 3, qui constitue autant de passes obligées pour tout pianiste et qu’il a, à maintes reprises, gravés et gravis. Pour y parvenir, il a d’abord fallu parer l’orchestre philharmonique de Radio France de son manteau russe, ce qu’a parfaitement réussi le chef finlandais Dima Slobodeniouk afin de devenir ce magnifique sherpa montant avec le pianiste, sans précipitation et avec des équilibres sonores respectés et de merveilleuses pages orchestrales surtout dans un second mouvement très réussi. Restait alors à notre soliste à s’élancer à l’assaut du sommet. Avec une facilité déconcertante et cette virtuosité qui lui est coutumière, Mikhaïl Pletnev a progressivement escaladé la lente pente de ce troisième mouvement escarpé avant de livrer un final éblouissant sans effets superflus tout en gardant suffisamment de souffle jusqu’à la dernière note pour éviter de s’égarer dans ces tempêtes musicales qui tournoient tout en haut et menacent souvent d’emporter l’interprète. Rachmaninov l’y attendait assurément.
Il faut dire que notre homme s’était doté de l’équipement nécessaire à son succès. Sa technique sublimée par son traditionnel Kawaï a ainsi permis de gagner en intensité libérant parfaitement des émotions souvent bridées voire annihilées par des Steinway trop métalliques. Cette sensation fut surtout patente dans un quatrième concerto en forme de descente où il a fallu résister aux orages initiaux dans un premier mouvement tonitruant et piégeux. Avec assurance, la formidable complicité entre le soliste et l’orchestre a ainsi libéré des pages musicales cinématographiques où notre pianiste, contemplant cette chaîne musicale façonnée par Rachmaninov, est arrivé sans encombres dans le cirque du second mouvement. Là-bas régnait une quiétude seulement perturbée par de petits flocons de neige en noir et blanc et quelques éclaircies musicales irisées qui sont venues conclure une soirée où il y avait, dans les notes du pianiste russe et dans l’air, quelque chose de l’ordre du mystère, quelque chose d’assurément russe.
Par Laurent Pfaadt
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