Requiem pour L. par Les Ballets C De La B

C’était le 1er Mars au Maillon

Elle, la femme aux cheveux ondulés, en désordre, est en train de mourir. Son image est projetée en gros plan sur l’écran en fond de scène. Cette mort programmée, nous allons devoir l’accompagner jusqu’au bout  et cela déclenche  cette angoisse de l’inévitable que l’on a tous connue lors de la disparition d’un être cher. Elle sera vite balayée par l’animation qui va gagner le plateau sur lequel  sont  alignés de grands plots noirs rectangulaires, des sortes de tombeaux, nombreux, rapprochés les uns des autres. Par les allées arrivent progressivement les protagonistes, chanteurs, danseurs musiciens qui entament bientôt cette longue et belle cérémonie funèbre qui marie de façon subtile et inattendue des extraits du « Requiem » de Mozart et des chants congolais.

C’est ainsi en effet qu’Alain Platel, le chorégraphe et Fabrizio Cassol, le compositeur ont conçu cette rencontre entre la musique classique et celle venue du lointain et africain Congo, créant une oeuvre  captivante et déroutante puisqu’elle  nous déstabilise sans cesse, entre des sonorités, des rythmes différents  que trois musiciens font surgir en live sur le plateau accompagnant les marches, les sauts, les glissades, les évolutions des danseurs  qui réussissent à s’approprier ces espaces étroits, restreints entre les grands tombeaux dont la surface leur sert parfois de piste. Ils font preuve d’une remarquable agilité donnant une incroyable vie à ce champ mortuaire C’est là  aussi que prennent place les chanteurs lyriques pour le répertoire classique en latin et les chanteurs issus de la tradition orale  pour les mélopées dans les langues africaines, lingala, swahili, tshiluba ou kikongo.

Surprenant, envoûtant, ce spectacle nous a bouleversés sans que la tristesse liée à la représentation de la mort nous gagne et nous détourne de ce parti pris d’une célébration tournée vers la vie, vers la rencontre heureuse entre des artistes venus de cultures différentes faisant montre d’un même engagement dans leur prestation.

Ainsi l’universalité de la mort et la nécessité de s’y confronter nous sont-elles  données à voir et à entendre et de la manière la plus créative.

Par Marie-Françoise Grislin