Requiem pour une légende

Warner Classics rend hommage à Herbert von Karajan dans une formidable série de coffrets.

Karajan

A l’occasion du 25e anniversaire de sa disparition, les principaux labels ressortent leurs enregistrements du célébrissime chef d’orchestre qui dirigea l’Orchestre philharmonique de Berlin jusqu’à sa mort. Véritable monstre de la direction d’orchestre, il laisse à la postérité un nombre absolument considérable d’enregistrements sur le disque composant un monument qui, selon ses propres mots, doit durer plus longtemps que les pyramides d’Egypte.

Parmi cette multitude de disques et d’enregistrements, le label Warner Classics édite de somptueux coffrets divisés à la fois chronologiquement et en fonction du répertoire joué. Héritier du label EMI avec lequel Karajan était personnellement engagé, Warner Classics a trouvé dans ses fonds d’archives matière à composer des disques qui révèlent de petits bijoux d’orchestration.

Il y en a pour tous les goûts : romantiques allemands, musique russe, française, contemporaine, etc. Ces coffrets superbement remasterisés sont intéressants et très précieux à plus d’un titre. D’abord, ils permettent d’entendre la direction de Karajan en dehors de son empire du philharmonique de Berlin. Car Karajan n’a pas que dirigé la phalange berlinoise. On l’entend ainsi à la tête du Philharmonia Orchestra – fondé par Walter Legge qui permit à Karajan de se refaire une virginité après son flirt avec le nazisme – dans ce que certains considèrent comme sa plus belle période ou du Lucerne Festival Orchestra sans oublier bien entendu le Philharmonique de Vienne, l’autre grand orchestre de sa vie.

Sur chaque orchestre, Karajan laissa sa marque, son empreinte indélébile. Seul dans Sibelius qu’il affectionnait ou en compagnie de solistes de génie comme Anne-Sophie Mutter, Alexis Weissenberg qu’il considérait comme l’un des plus grands pianistes de son temps dans ce magnifique premier concerto de Tchaïkovski ou Dinu Lipatti dans un émouvant concerto pour piano de Schuman, Karajan transcenda les œuvres et les musiciens.

Ensuite, ces coffrets donnent à écouter la conception, l’interprétation que le célèbre chef a de chaque œuvre. Evidemment, c’est le cas avec Beethoven où l’expressionisme de sa direction cache en réalité une rigueur hors du commun. Le Beethoven de Karajan se reconnaît d’ailleurs entre mille comme par exemple cette Neuvième Symphonie, toujours avec le Philharmonia et en compagnie d’Elisabeth Schwartzkopf. Si bien qu’aujourd’hui Karajan, c’est Beethoven et Beethoven, c’est Karajan. Le nombre absolument conséquent d’enregistrements permet également de découvrir certaines œuvres peu gravées comme la symphonie n°1 de Mili Balakirev ou l’intermezzo de l’opéra Notre Dame de Franz Schmidt.

La direction de Karajan est toujours impériale, toujours exacte même s’il est vrai, avec le temps, le legato a tendance à s’alourdir. Cependant, elle tape toujours juste. Tantôt furieuse et emportée, tantôt sensible et émotive, Herbert von Karajan ne laisse jamais indifférent. Avec Karajan, la musique n’est pas rejouée, elle est réinventée en permanence, si bien que de nombreux instrumentistes qui l’ont côtoyé ont le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’unique, d’irremplaçable à ses côtés.


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Par Laurent Pfaadt

Edition hebdoscope 1010, septembre 2014