Saint-Maud

Un film de Rose Glass

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice britannique Rose Glass a eu les honneurs du 27ème Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Saint Maud faisait partie de la compétition officielle, qui comptait 10 longs-métrages.

Dès sa première projection (à Gérardmer, les films présentés sont diffusés à plusieurs reprises durant les 5 cinq jours du festival), Saint Maud fit beaucoup parler de lui. Au point de très vite figurer comme l’un des favoris de la célèbre manifestation vosgienne. A l’issue des 5 jours de compétition le palmarès ne fit que confirmer cette impression : en repartant avec quatre récompenses, le film réalisa une des plus mémorables razzias de l’histoire du festival. En cumulant le Grand Prix, le Prix de la Critique, le Prix de la Meilleure Musique Originale et enfin le Prix du Jury Jeunes de la Région Grand Est, Saint Maud inscrivit son nom au panthéon de la manifestation, aux côtés du superbe Mister Babadook de Jennifer Kent en 2014 (Prix du Jury, Prix du Public, Prix de la Critique, Prix du Jury Jeunes de la Région Grand Est), seul autre long-métrage à avoir remporté quatre récompenses.

En un peu plus d’une heure vingt Rose Glass invite le spectateur à partager le quotidien d’une jeune femme, Maud, qui cherche à communiquer avec Dieu. La réalisatrice avait fait le déplacement dans les Vosges. Elle monta sur la scène de la grande salle de l’Espace Lac juste avant la projection pour présenter son film. Une fois l’obscurité revenue, les premières images confirmèrent les propos qu’elle venait de tenir. Le film serait une immersion dans la psyché ô combien torturée de son personnage principal.

Après une ouverture très organique – que nous ne dévoilerons pas de peur de priver le spectateur d’un saisissant tableau – le film nous présente son personnage principal, Maud, une jeune femme tout ce qu’il y a de plus banal. Elle va se rendre à son nouveau travail. Apparemment très croyante, elle est l’infirmière particulière d’une ancienne artiste que la maladie a contraint à rester cloîtrée dans sa vaste demeure. Maud communique avec Dieu, elle lui parle à tout instant. Elle attend un signe de lui, une indication sur sa destinée, car elle est intimement convaincue que le Seigneur a une mission pour elle. Il occupe chacune de ses pensées, mais pour l’observateur extérieur Maud a l’air jeune et inoffensive. Parfaitement anodine.

Dans la grande bâtisse que Maud partage avec sa patronne, Amanda Kohl, l’ambiance est pesante et la lumière se fait rare. Le quotidien de Maud se partage entre ses journées consacrées aux soins apportés à Amanda, et ses soirées (et parfois ses nuits) tournées vers Dieu. A l’occasion, Amanda reçoit des invités le soir, ou la nuit. Histoire de s’évader un peu, d’oublier sa déchéance en renouant avec son passé de diva de la danse. Dans ces moments-là, elle prend ses distances avec Maud, alors qu’au contraire chaque journée lui permet de créer un lien de plus en plus fort avec sa soignante. Lors de ces journées passées à communier avec Dieu les deux femmes en deviennent quasi fusionnelles. Car pour Maud, le Seigneur a de grands projets concernant Amanda. Jour après jour, le lien qui les unit n’en devient que plus fort. Jusqu’au drame.

Après s’être emportée contre Amanda, Maud sera relevée de ses fonctions. Et devra réintégrer son petit appartement. Cette rupture la verra sombrer dans l’introspection et le doute. Sans emploi, désœuvrée, elle questionnera chaque jour un peu plus sa foi dans l’espoir de recevoir des réponses. Le profond traumatisme qui frappe alors Maud est le moment que choisit Rose Glass pour laisser libre cours à ses envies d’expérimentation. Elle adopte alors une manière de filmer plus libre et utilise des procédés originaux. Les angles de prises de vue deviennent atypiques, de travers, sens dessus dessous. La mise en scène fait ressentir aux spectateurs ce qui se passe dans la tête de Maud.

Dans sa seconde partie Saint Maud se révèle dans toute sa complexité et sa profondeur. Après avoir appris à connaître Maud, le spectateur se trouve emporté dans son esprit torturé, tour à tour exalté ou traversé de doutes. Dans ce climat anxiogène la musique joue une part importante. Au milieu des doutes qui assaillent Maud le spectateur étouffe. Pendant toute la (petite) durée du film, la jeune comédienne galloise Morfydd Clark accapare l’écran et exprime merveilleusement bien l’intensité dévorante de la foi qui l’habite. Au départ du projet, la réalisatrice avait en tête une comédienne bien plus âgée pour interpréter Maud. Les essais l’ont finalement convaincue de choisir Morfydd Clark, malgré sa relative jeunesse (tout juste 30 ans). Elle s’en est d’ailleurs félicitée à Gérardmer.

Fait assez rare pour le signaler, Rose Glass avait choisi de rester dans la salle de l’Espace Lac toute la durée de la projection. Histoire de ressentir la salle, pouvoir palper les réactions du public. A l’issue de la projection, sa curiosité fut largement récompensée par les salves nourries d’applaudissements.

Jérôme MAGNE