(Somewhere) beyond the cherry trees

Si  » La Cerisaie  » de Tchékhov est une pièce culte, elle est aussi une pièce politique. Ne montre-t-elle pas de façon, certes pathétique mais aussi très objective la fin de cette classe aristocratique qui a, durant des décennies, exploité et rendu esclave des milliers de paysans pauvres mais aussi l’arrivée sur la scène politique d’une autre classe qui finit par sortir de la misère pour accéder à la dignité et prendre le pouvoir.

Ce qui est montré dans  » La Cerisaie  » a  valeur universelle et ne pouvait manquer de retenir l’attention des artistes grecs confrontés,  avec la crise que leur pays a traversée durant ces dernières années et qui n’est pas  résorbée, à cette problématique de la domination et du désir d’en sortir la tête haute.

C’est ainsi que pendant ces journées consacrées à La Grèce par Le  Maillon nous avons pu voir cette pièce de théâtre, une adaptation de la pièce de Tchékhov par une troupe de comédiens grecs dirigés par le metteur en scène Prodromos Tsinikoris qui, présent sur le plateau, livret à la main nous informe sur le propos, sur ses tenants et aboutissants actuels.

Les protagonistes de l’histoire nous les apercevons, confinés dans une pièce aux vitres embuées de laquelle  l’un après l’autre ils sortent pour jouer les scènes les plus typiques, les plus « héroïques » de cette histoire de famille ruinée, confrontée à une décision qui leur fait horreur  » vendre la cerisaie « , leur  » trésor  » pour rembourser leurs dettes, sachant qu’elle sera inéluctablement remplacée par des chalets destinés aux futurs touristes. C’est l’emblème du changement radical qui indique que la vie paisible de la campagne n’est plus de mise , que les terres mal entretenues ne sont plus rentables, qu’une autre manière de les gérer peut rapporter beaucoup plus d’argent et que c’est vers cela qu’il faut aller.

Une évidence, un sacrifice qui détruit le moral de la propriétaire incapable de faire face à cette dure réalité. On sait que c’est le métayer Lopakhine qui achète, bouleversant l’ordre social ancien, bouleversé lui-même d’y être parvenu.

Le rapport avec la situation vécue ces dernières années par les Grecs saute aux yeux, puisque, humiliés par les décisions de l’Union européenne, ils ont été mis en demeure de prendre des mesures drastiques et pour rembourser leurs dettes de mettre en vente une partie du domaine public.

Le metteur en scène, s’implique dans le jeu très engagé des comédiens pour  souligner la pertinence de cette audacieuse transposition de l’oeuvre d’Anton Tchekhov.

Marie-Françoise Grislin 

Metteur en scène grec, Prodromos Tsinikoris
Représentation du 8 octobre