Stefan Wul, franc-tireur de la SF

Il aurait eu 100 ans cette année. Son nom, Stefan Wul, reste toujours aussi mythique et continue toujours de fasciner jeunes et moins jeunes. A plus d’un titre. Il reste bien évidemment attaché à son œuvre maîtresse, Niourk, qui se transmet de génération en génération, se lit aussi bien en romans qu’en livres jeunesse et résonne aujourd’hui d’une nouvelle actualité.


On raconte que c’est en lisant une revue spécialisée que Pierre Pairault serait tombé sur ce pseudonyme relatif à un ingénieur atomiste de l’Oural. Pourtant, rien ne prédisposait ce Parisien à devenir un mythe de la science-fiction. Car la journée, il exerçait son métier fort respectable de chirurgien-dentiste. Et la nuit venant, celui qui écrivait depuis sa plus tendre enfance, partait vers des mondes inconnus et lointains ou sur une Terre irrémédiablement transformée.

A l’instar d’un Stephen King, il doit son entrée en littérature à son épouse au milieu des années 50. Nous sommes alors à la fin de cet âge d’or de la science-fiction anglo-saxonne et française. Alors qu’aux Etats-Unis triomphent Isaac Asimov, Theodore Sturgeon ou Clifford Simak, Stefan Wul décide quant à lui de tracer son propre chemin qui passe par des œuvres post-apocalyptiques désormais cultes. En 1957, il offre à la littérature de science-fiction, deux de ses chefs d’œuvre : Niourk et la magnifique quête de l’Enfant noir, banni des siens, à la recherche de la cité de Niourk sur une terre revenue à l’état primaire (Cuba est une chaîne de montagne et les océans ont été contaminés par la radio activité). Puis Oms en série autre anticipation d’une terre ravagée et dont les derniers survivants, les Oms, sont devenus les animaux de compagnie d’extraterrestres.

Après onze romans et quelques nouvelles entre 1956 et 1959 notamment Odyssée sous contrôle, un récit assez proche du Total Recall publié sept ans plus tard (1966) par Philip K. Dick, Stefan Wul fait un retour fracassant, vingt ans après Niourk, en 1977. Ce sera l’extraordinaire space-opera Noô bâti autour du personnage de Brice Le Creurer plongé dans une guerre impliquant des créatures mi-humaines, mi-oiseaux et publié dans la célèbre collection « Présence du futur » de Denoël. L’ouvrage obtiendra le prix Julia Verlanger qui depuis, a couronné des auteurs français et étrangers de talent comme Thomas Day, Laurent Genefort qui paya son tribut au maître en signant l’adaptation en BD de Noô, Clive Barker, Neil Gaiman ou Mary Robinette Kowal et son Vers les étoiles, prix Hugo et Nebula.

En offrant à ses lecteurs passés les terrifiantes conséquences d’un changement climatique qui faisait alors sourire, la prose de Stefan Wul frappe par son actualité et gagne assurément à être à nouveau découverte et relue. Son œuvre évoque également la mémoire de notre humanité et de ses réalisations mais également notre condition humaine. « Peu d’écrivains de genre ont cristallisé autour de leur nom tant d’éloges, de la part du public comme de celle de la critique. À quoi tient cette place à part ? Au talent, bien sûr. Mais un talent solitaire, faisant éclater le moule des productions contemporaines » estime ainsi Laurent Genefort dans la postface de l’intégrale des œuvres de Wul aux éditions Bragelonne.

Très vite son œuvre inspira les dessinateurs. D’Enki Bilal qui signa les illustrations du Niourk chez Folio Junior à Jean-David Morvan pour Oms en série, c’est probablement Olivier Vatine qui signa la plus belle adaptation, avec ses tons verts et ocres, de l’univers de Wul notamment avec Niourk. C’est au trait japonisant et tirant parfois vers le manga d’Alexis Sentenac que Laurent Genefort, grand fan de Wul, associa quant à lui sa plume pour donner des visages et des couleurs à l’univers de Noô dans une adaptation éclatante et fraîche qui aurait ravi son créateur.

Après Noô, la voix littéraire de Stefan Wul s’éteignit définitivement. Il est décédé le 26 novembre 2003. Aujourd’hui la commémoration du centenaire de sa naissance offre l’occasion de relire son œuvre et de prendre conscience que la science-fiction s’apparente bien souvent à une littérature de la clairvoyance.

Par Laurent Pfaadt

A lire :

Stefan Wul, l’intégrale, vol 1 et 2
Aux éditions Bragelonne

Olivier Vatine, Niourk l’intégrale
Ankama éditions (dans la série les univers de Stefan Wul)

Noô, Laurent Genefort et Alexis Sentenac
Comix Buro/Glénat