Yannick Nézet-Séguin

« Apporter chaque monde à l’autre »

Yannick NŽzet-SŽguin Photo: Marco Borggreve
Yannick NŽzet-SŽguin
Photo: Marco Borggreve

Yannick Nézet-Séguin est aujourd’hui à 40 ans, l’un des chefs d’orchestre les plus doués et les plus demandés de la planète.
Directeur musical des Orchestres Philharmoniques de Philadelphie et de Rotterdam, régulièrement invité au Metropolitan Opéra de New York et du Chamber Orchestra of Europe (COE), il a présenté à la tête de ce dernier, à la Philharmonie de Paris, une intégrale des symphonies de Mendelssohn.

 

Quel est votre rapport à la musique de Mendelssohn ?

J’ai toujours beaucoup aimé sa musique symphonique sans l’avoir trop joué. C’est vrai que l’on dirige surtout l’Italienne et l’Ecossaise et un peu la Réformation mais je voulais voir de quelle manière le son unique du Chamber Orchestra of Europe pouvait apporter quelque chose à ma vision de ces symphonies. De plus, il manque des intégrales de Mendelssohn même s’il y a bien entendu celles de
Masur avec Leipzig et d’Abbado avec le London Symphony Orchestra. Je crois qu’il y avait donc une place pour une nouvelle vision avec le bagage musical du COE.

Y a-t-il une différence à jouer ces symphonies avec un orchestre de chambre ?

Bien sûr. D’abord la taille de l’orchestre qui donne une approche
différente même si j’essaie d’appliquer partout cette approche chambriste même lorsqu’elle inclue cent personnes sur scène. Deux éléments font également la différence : d’abord la quantité de cordes par rapport aux vents qui, automatiquement, donne une présence aux bois et au détail de l’orchestration. Et puis, il y a la culture musicale des membres du Chamber Orchestra of Europe, très influencée par le baroque ou le classicisme.

Le public va également découvrir des symphonies méconnues
notamment les 2é
me et 5éme ?

Tout à fait. Curieusement, Mendelssohn était très content de sa
seconde et très mécontent de sa 5e. Il est mort très jeune et n’a pas eu la distance pour retravailler ses idées mélodiques géniales. Mais il a emmené sa musique vers la modernité notamment dans cette cinquième symphonie visionnaire. A chaque fois qu’on joue cette dernière, il y a comme une émotion qui s’installe. L’Italienne est une bouffée de chaleur, l’Ecossaise est la plus profonde, plus pesante tandis que la Première est une Sturm und Drang très bien faite. J’ai donc essayé dans cette intégrale de les différencier, de les polariser tout en montrant qu’elles appartiennent à un tout.

Opéras, orchestres de chambre et orchestres symphoniques, ce va-et-vient vous est-il nécessaire ?

C’est ce qui fait que j’existe comme musicien, être capable
d’apporter chaque monde à l’autre. Plus j’avance dans ma vie de
musicien et plus je trouve que c’est essentiel pour les orchestres. Je dirais même que si on ne fait que de la musique symphonique, on aura tendance à dénaturer la nature même du répertoire symphonique car l’idée même de respiration, d’être dans l’écoute, d’être dans le moment, d’être dans la musique de chambre disparaîtra au profit d’une rigueur qui deviendra vite une rigidité.

Interview Laurent Pfaadt