Tamestit enchante Bordeaux

Tamestit © Photo/Michal Kamaryt

Ravel, Bartók et
Dvorak étaient au
programme de
l’ONBA

Le folklore, ses
mélodies et ses
rythmes constituent
autant de sources
inépuisables d’inspiration pour les compositeurs depuis que la
musique a été codifiée. La preuve en fut une nouvelle fois donnée
par l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine à l’occasion d’un
concert où la programmation fit la part belle à ces compositeurs qui
ont puisé dans leur folklore national ou dans d’autres traditions
matière à leurs créations.

Maurice Ravel, qui nourrissait une passion pour la musique
espagnole, a ouvert ce concert avec sa Rapsodie espagnole.
L’incroyable alchimie entre les clarinettes, la harpe, les bassons ont
dessiné un rythme que les musiciens ont subtilement fait danser
comme un serpent dans une atmosphère onirique. L’ajout de
percussions, comme les castagnettes que d’autres compositeurs
comme Stravinsky ont su utilisé à bon escient ou le tambourin,
combinées à des bois virevoltants ont alors conféré des couleurs
éclatantes à cette interprétation.

Le meilleur restait encore à venir. Béla Bartók a plus qu’aucun autre
compositeur, recensé et transformé le folklore de son pays en une
matière musicale unique. Son concerto pour alto, demeuré inachevé
à sa mort et dédié au grand altiste William Primrose, en est un bel
exemple. Passionné par ce compositeur, Antoine Tamestit, l’un des
plus grands altistes mondiaux, trouvait là matière à son immense
talent. Délivrant au public toute la beauté d’une œuvre qui oscille
entre intimité, fièvre et oppression notamment dans ce magnifique
lento, Tamestit délivra une interprétation de très grande qualité. Le
soliste put compter sur la complicité du chef Sacha Goetzel,
directeur artistique de l’Orchestre Philharmonique de Borusan-
Istanbul, qui engagea des cordes affûtées pour soutenir l’altiste
français. Avec ce dernier, on se demande toujours qui, de
l’instrument ou du soliste, porte l’autre. Et dans ce concerto, on a
vraiment eu l’impression que l’alto berçait son interprète. Tamestit,
la tête posée sur son instrument, se contentait de sourire et
d’exécuter ce que lui commandait l’alto. Ni Antoine Tamestit, ni les
spectateurs à vrai dire ne voulurent quitter ces terres hongroises si
hospitalières et le plaisir se prolongea le temps de plusieurs duos de
Bartok en compagnie du soliste et de son ami d’enfance, le
violoncelle solo de l’orchestre, Alexis Descharmes.

Restait à parachever cette soirée, ce voyage européen à travers la
musique. L’orchestre et son chef avaient choisi une destination de
choix : la Bohème d’Antonin Dvorak. Et sa septième symphonie en
ré mineur comporte tous les ingrédients pour être à la fois épique et
colorée. Goetzel a su, une fois de plus, insuffler à l’orchestre cette
respiration typiquement tchèque que l’on retrouve notamment
dans le furiant du troisième mouvement ou dans ces apports
tziganes qui imprègnent les cordes et les bois tout en conservant
l’héritage brahmsien de cette symphonie. Avec des cors et des
trombones au ton juste et des cordes tranchantes, la septième
symphonie s’est alors déployée avec majesté dans l’auditorium où
chaque instrument a pris sa place et a raisonné avec clairvoyance.

Lentement alors, la musique, tel un feu grandissant, se répandit,
couronnant une merveilleuse soirée.

Laurent Pfaadt