Trap

Un film de M. Night Shyamalan

Quelques semaines à peine après la sortie du premier long-métrage de sa fille Ishana Night Shyamalan (l’intéressant Les Guetteurs), M. Night Shyamalan refait parler de lui, avec ce thriller efficace qui joue avec les codes du genre.


Comparé aux nombreux coups d’éclat de la filmographie du réalisateur -une quinzaine de longs-métrages- Trap prend le risque de faire pâle figure. Il suffit en effet de se rappeler de Sixième Sens, Incassable, Signes, Le Village, The Visit, Split, et plus récemment Old pour réaliser qu’à chacune de ses histoires il a tenu à promener son auditoire au cœur d’un environnement de prime abord familier, ou du moins balisé, avant de le confronter à l’envers du décor dans sa dernière partie. Trap ne fait pas partie de ces films à rebondissements, il n’y a pas de révélation spectaculaire juste avant la conclusion. La narration, linéaire, ne suit pas de faux-semblants, et le piège (trap en anglais) dont il est ici question est mis en place, exécuté et adapté sous nos yeux jusqu’à un final qui, s’il ne révèle pas de grosse surprise, n’en est pas moins sympathique.

Pour le dernier concert de la tournée de la méga pop star Lady Raven, Cooper Abbott (Josh Hartnett) emmène sa fille Riley (Ariel Donoghue), fan inconditionnelle de l’artiste. Le père tient à récompenser sa fille pour ses bonnes notes, et à partager un bon moment de détente avec elle. Sur la route, Cooper et Riley s’en donnent à cœur joie, la gamine chantant à tue-tête les tubes de son idole sous le regard attendri de son père. Arrivé sur place, Cooper réalise qu’un nombre important de membres des forces de l’ordre est déployé dans l’enceinte et aux abords de la salle de concert. Il observe cela machinalement, étonné au départ, puis semblant de plus en concerné. Cela ne l’empêche pas de profiter de la présence de sa fille adorée. Prêt à tout pour que cette journée soit inoubliable, il ne la quitte pas d’une semelle. Tout au moins au début. Au hasard d’une conversation avec un vendeur de tee-shirts, il va apprendre que le concert fait partie d’un dispositif visant à appréhender un célèbre tueur en série, « Le Boucher », le FBI disposant d’une information indiquant que celui-ci serait présent au concert.
Révélation qui n’en est pas une (la bande-annonce ne laissait que peu de doutes), Cooper est « Le Boucher », c’est la raison pour laquelle il prête une grande attention aux mouvements de la police. Au fil du concert, celle-ci interpelle de nombreux suspects, sur la base d’informations fournies par une experte du profilage dépêchée sur place. Comprenant qu’il ne lui reste que peu de temps avant d’être démasqué, Cooper va alors tout tenter pour se sortir de la toile dans laquelle il est piégé, tout en essayant de garder le change auprès de sa fille.

Si Trap ne se présente pas comme les histoires auxquelles M. Night Shyamalan nous a habitués, cela n’empêche pas au film de faire son petit effet. Le ressort de l’intrigue étant rapidement dévoilé, le réalisateur se concentre sur son personnage principal. Un être plein de ressources, très observateur et sociable, qui se fond dans la foule. Pour interpréter ce psychopathe aux grandes capacités d’adaptation le réalisateur a choisi le comédien Josh Hartnett. Connu pour ses rôles dans The Faculty, Pearl Harbour, Sin City, La Chute du Faucon Noir, Le Dahlia Noir, Slevin, ou encore la série Penny Dreadful, le comédien se régale dans le rôle de Cooper Abbott. En bon père de famille à la double personnalité il excelle, tour à tour cool, affectueux, souriant, ou calculateur, froid, brutal. Face à lui dans le rôle de Lady Raven, Saleka Shyamalan s’avère moins convaincante. Plus à l’aise dans la chanson, la jeune artiste a composé l’intégralité des morceaux interprétés dans le film, mais peine à convaincre dans les scènes auxquelles elle participe en seconde partie. Ce qui a d’ailleurs fait dire à certaines mauvaises langues que Trap était en fait une plateforme musicale mondiale déguisée en film réalisé par M. Night Shyamalan, et destiné à promouvoir la carrière musicale de sa fille.

Le réalisateur s’en est défendu, en expliquant avoir voulu créer une œuvre mêlant musique et action, comme peut le faire le cinéma à Bollywood. L’explication tient la route, même si les amateurs du cinéaste ne sont pas forcément habitués à ce genre de mélange et pouvaient s’attendre à un récit moins conventionnel. Trap n’est pas aussi virtuose que certains longs-métrages de M. Night Shyamalan, il offre tout de même un agréable moment passé aux côtés de son inquiétant personnage principal.

Jérôme Magne