Un fascisme hongrois

4.0.1Première biographie de l’amiral Horthy, l’un des acteurs majeurs de la seconde guerre mondiale.

Son nom est inconnu du grand public et pourtant Miklos Horthy joua un rôle déterminant durant la seconde guerre mondiale. C’est ce que révèle la passionnante biographie de Catherine Horel, directrice de recherche à l’université de Paris-I et spécialiste de la Hongrie.

On range bien souvent la Hongrie dans le camp des puissances de l’axe mais lorsque l’on s’aventure un peu plus loin dans l’analyse, on se rend compte que la conduite de la Hongrie sous la férule de son dirigeant, le régent Horthy – en tout cas jusqu’en 1944 et son remplacement par une créature du IIIe Reich – a été plus ambiguë.

Une chose est certaine : Miklos Horthy était un pur produit de la société conservatrice austro-hongroise. Aide de camp de l’empereur François-Joseph et envers lequel il manifesta toujours une admiration sans bornes, Miklos Horthy devint pendant la première guerre mondiale, chef d’état-major de la marine.

Son destin se joue dans ces années de l’immédiat après-guerre où les germes de la seconde guerre mondiale sont plantés. L’expérience bolchévique hongroise entre mars et août 1919 menée par Bela Kun ainsi que le dépeçage de l’empire austro-hongrois lors des traités de Saint-Germain (sept. 1919) et de Trianon (juin 1920) entraînent en Hongrie une réaction conservatrice qu’il va contribuer à mener en tant que chef des forces armées. Ce légitimiste s’opposa cependant au retour de l’empereur Charles Ier et se désigne régent.

Dans cet entre-deux-guerres troublé, Horthy établit alors une sorte de monarchie réactionnaire dans un « royaume sans roi » avec un système politique verrouillé au sommet de l’Etat tout en ménageant des espaces de liberté contrôlée. Mais le positionnement d’Horthy sur l’échiquier géopolitique de l’entre-deux-guerres le rapproche très vite de ses voisins fascistes et nazis. Sa proximité idéologique se double également d’une volonté de mener une politique expansionniste qui le pousse à s’engager dans un antisémitisme assumé.

Mais tout le travail de Catherine Horel – et c’est là l’une des parties les plus intéressantes du livre – a été de montrer que si Horthy a adopté une législation abjecte et fait de lui un antisémite au regard de l’histoire, il a tout fait dès 1942 pour retarder les projets allemands (il entame des négociations secrètes avec les alliés) notamment celui de la déportation des juifs hongrois, ce qui d’ailleurs le sauva du tribunal de Nuremberg. « Jusqu’à l’occupation allemande, le régent et ses gouvernements se sont opposés à ce que l’on porte atteinte autrement que par des lois certes humiliantes, mais qui ne remettaient pas en cause leur vie » écrit l’auteur.

Cette biographie permet ainsi de mesurer toute la complexité de ce personnage velléitaire et avide de pouvoir et les dilemmes tragiques auquel il dût faire face. Alors oui, il fut un fasciste ordinaire mais ne peut être taxé de criminel contre l’humanité. Ce fut là son seul titre de gloire.

Catherine Horel, l’amiral Horthy, régent de Hongrie, Perrin, 2014

Par Laurent Pfaadt
Edition hebdoscope 1011, octobre 2014