Une nouvelle aventure

Premier
enregistrement
des Berliner
Philharmoniker
sous la conduite
de leur nouveau
chef, Kirill
Petrenko.

On comprend mieux pourquoi les musiciens du Berliner
Philarmoniker ont choisi Kirill Petrenko à la quasi-unanimité.
Dans ce coffret qui reprend les premiers enregistrements du
nouveau chef d’orchestre, ce dernier a choisi de d’honorer la
grande tradition musicale romantique et post-romantique avec
Beethoven et Schmidt notamment mais également de rendre un
hommage appuyé à la musique de sa patrie d’origine, la Russie,
avec les cinquième et sixième symphonies de Tchaïkovski. Et il
faut bien dire que manier avec un tel brio, la puissance et l’intime
ne se rencontre que très rarement.

Immédiatement, on est frappé par sa capacité de contrôle de
l’orchestre. Les Berliner Philharmoniker ne sont pas bridés, bien
au contraire. La fougue jusqu’à la violence qui s’exprime dans la
cinquième de Tchaïkovski est assumée tandis que la pathétique
est crépusculaire, emprunte d’un fatalisme désarmant. Constitutif
de l’ADN des Berliner, Beethoven était incontournable pour ce
premier enregistrement. Celui de Petrenko est impérial, parfait. Il
sonne juste ou en tout cas, à l’image de cette 7e, il l’offre telle
qu’on voudrait qu’elle soit : épique et renversante. Avec le génie
de Bonn, Petrenko marche assurément dans les pas du grand
Karajan et montre ainsi au monde entier que la musique n’est pas
un exercice de style ou une conception idéologique mais avant
tout une communion.

Mais ce contraste saisissant de puissance et de douceur d’un
orchestre capable d’injonctions comme de badinages et qui fera
désormais le style Petrenko, est manifeste dans la quatrième
symphonie d’un Franz Schmidt, compositeur autrichien post-
romantique aujourd’hui oublié. Ici puissance et émotion forme
une alchimie proprement stupéfiante révélant l’essence même
d’une musique célébrée en son temps. Dans ces grandes pages
musicales où se succèdent orages et accalmies, où l’auditeur a
parfois l’impression d’être embarqué sur le pont d’un navire, la
mer de Petrenko n’est jamais étale. Et à entendre ce solo de
trompette dans le quatrième mouvement, « cet instant où la
beauté meure » que rappelle le maestro en citant Schmidt dans le
passionnant Blu-ray qui accompagne ce coffret, on a hâte de
découvrir le chef dans Mahler, ce compositeur cher au
prédécesseur de Petrenko, Sir Simon Rattle, pour en apprécier la «
patte » sur la sonorité de l’orchestre. La musique pour orchestre
de Rudi Stephan, jeune compositeur allemand tué pendant la
Première guerre mondiale vient compléter ce coffret qui annonce
de belles promesses, russes et françaises, à en croire Petrenko.

Par Laurent Pfaadt

Kirill Petrenko and the Berliner Philharmoniker :
Beethoven, Tchaikovski, Schmidt, Stephan,
Berliner Philharmoniker Recordings