Une passion pour George Eliot

Une vie comme un roman. Celle de
cet(te) autre George, de cette autre
femme, Mary Ann Evans, qui choisit un
prénom masculin pour devenir
écrivain. Mais également un roman
pour raconter cette vie pour le moins
singulière.

Dans un récit qui conjugue passé et
présent, faits réels basés sur les
journaux et les lettres de l’écrivain et
situations fictives, notamment lorsque
l’auteur entre dans la tête de George Eliot, Kathy O’Shaughnessy
retrace le destin incroyable de la plus grande romancière de l’ère
victorienne, centrée essentiellement sur ces années où elle
dissimula son identité et où elle produisit quelques-uns de ses chefs
d’œuvre : les Scènes de la vie cléricale (1857), Adam Bede (1859) ou Le
Moulin sur la Floss
(1860).

On sent bien, à travers ces lignes, combien l’auteur vénère son sujet
mais loin d’être une hagiographie, son ouvrage parvient surtout à
retranscrire à merveille la fascination littéraire et le magnétisme
amoureux qu’elle engendra – malgré un physique peu avantageux
selon ses dires –  sur un certain nombre de personnes, à commencer
par George Henry Lewes, son grand amour qui servit aveuglement le
génie d’Eliot et Johnny Cross, son cadet de vingt ans.

Et puis, il y a cette autre voix, celle contemporaine de Kate, alter-ego
de l’auteur engagé dans l’écriture d’un roman sur George Eliot. Au
final l’alchimie produite par cet effet de miroir fonctionne
parfaitement. Kathy O’Shaughnessy réussit ainsi le double pari de
rendre à la fois cette biographie pleinement vivante grâce à un
rythme romanesque extrêmement plaisant qui nous emmène de
Londres à Venise en compagnie des grands noms de la littérature
victorienne, et à replacer George Eliot dans notre époque à l’heure
de Metoo et de l’écriture inclusive. « Il n’est jamais trop tard pour
devenir ce que nous aurions pu être
 » a écrit un jour  George Eliot. Des
mots qui résonnent aujourd’hui comme un tocsin.

Par Laurent Pfaadt

Kathy O’Shaughnessy, Une passion pour George Eliot,
éditions de Fallois, 432 p
.