Présent dans la deuxième sélection du Goncourt, le nouveau roman de Jean-Noël Orengo nous emmène sur les traces d’Albert Speer, le ministre de l’armement du Troisième Reich et seul haut dignitaire nazi à avoir fait acte de contrition au procès de Nuremberg. Il fut l’architecte favori du Führer avec lequel il noua une relation, pour le meilleur comme pour le pire, privilégiée.
Dans cette vaste entreprise d’autojustification de l’ancien nazi menée de main de maître par Jean-Noël Orengo, ce dernier dépeint un Speer tentant de réécrire assez pathétiquement l’Histoire et surtout sa propre histoire. Affectant une indifférence à l’égard des juifs qu’il pense pouvoir servir d’alibi à toute complicité de crimes contre l’humanité, Albert Speer ne fut en réalité qu’un rêveur emporté par l’hubris d’un tyran. Alors oui, Orengo montre parfaitement l’assujettissement de l’art à la politique à travers la figure de l’artiste maudit. Mais Speer franchit cette frontière pour devenir un séide du régime et ses justifications se fracassèrent sur sa lâcheté mise au service d’une soif de gloire qui le conduisit dans l’infamie de la Shoah.
Si le pharaon ordonne la pyramide, c’est bien son architecte qui décide de la vie et de la mort des esclaves chargées de la construire. Toutes les justifications finissent par se briser sur les faits historiques. Ce livre est là pour le rappeler.
Par Laurent Pfaadt
Jean-Noël Orengo, « Vous êtes l’amour malheureux du Führer »
Grasset, 272 p.