X

Un film de Ti West

Grand amateur de films de genre, Ti West n’a cessé de clamer son amour pour la grande époque du film d’horreur des années 70 et 80. Révélé par le film d’horreur The Roost (une soirée d’Halloween pas comme les autres…), sorti en 2005, il a ensuite confirmé son penchant pour l’horreur avec Cabin fever 2, The House of The Devil et surtout The Innkeepers, où son histoire sur les derniers jours d’un vieil hôtel hanté avait ravi les amateurs.

Avec X, il regarde du côté d’un illustre cinéaste récemment disparu, le pape de l’horreur rurale Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse 1 et 2, Le Crocodile de la mort, Poltergeist, The Mangler, l’Invasion vient de Mars…). Les premières images donnent immédiatement le ton. Le décors, une vieille maison qui ne paye pas de mine, perdue au milieu de la campagne. Une voiture de police s’approche. Les protagonistes, un shériff et son adjoint. Sur le sol, les restes sanglants de ce que l’on devine être un corps humain, sous un drap imbibé. L’histoire commence par la fin, pour rapidement reprendre au tout début.

La musique se fait enjouée, douce, légère. On fait la connaissance d’une bande de jeunes quittant la banlieue industrielle de Houston, en 1979. La folle équipe part tourner un long-métrage à la campagne. La petite amie du producteur aspire à devenir une star, elle n’entend pas accepter autre chose que la célébrité et refuse une vie médiocre. Sur ses lèvres, une des stars de l’époque, la divine Linda Carter, qui sortait tout droit de 60 épisodes de Wonder Woman, la série qui lui avait valu la célébrité. On comprend que ce petit monde veut aller vite et loin, très loin…

Des images s’échappent d’une vieille télévision en noir et blanc. Un prédicateur blanc s’enflamme, exhorte la foule de ses fidèles à suivre le Seigneur, et à pourchasser le Mal sous toutes ses formes. L’intolérance est élevée au rang de vertu, et la tentation est à bannir. Car c’est de cela qu’il s’agit, de tentation. Et là nous revenons à notre petite équipe, qui est là pour tourner un film adulte à l’abri des regards, dans une vieille bicoque louée pour une bouchée de pain.

Arrivés à bon port, ils rencontrent le vieux propriétaire de la ferme et s’installent. Ti West prend son temps, construit méthodiquement son histoire, nous fait découvrir les lieux, méticuleusement. Puis il développe chacun de ses personnages, aborde leur psychologie. Il fait le portrait d’une jeunesse insouciante, qui n’aspire qu’à profiter de tout le bon temps qu’elle peut avoir. C’est aussi simple que cela. Ce faisant, il créé un lien avec le public, afin de renforcer ce qui va suivre. L’horreur viendra plus tard.

Le metteur en scène suit une trame balisée. Certaines scènes sont certes prévisibles, mais Ti West y apporte un soin particulier, jusque dans la musique qui les accompagne. Cumulant les casquettes de réalisateur, scénariste, monteur et producteur, Ti West s’est assuré la maîtrise de son long-métrage. Son approche de l’horreur a d’autant plus d’impact qu’il a articulé son film en deux parties. Dans la seconde il laisse la violence éclater, sans aller dans la surenchère. Il n’y a pas de scènes de trop, pas de fioritures, la durée du film (1H45) est parfaite pour trouver un équilibre entre les deux parties. L’hommage rendu ici au sous genre du slasher fonctionne parfaitement, la sincérité du cinéaste s’exprimant d’abord par l’histoire racontée, puis par de nombreuses scènes qui nous rappellent les classiques du genre.

Dans la paysage cinématographique actuel, en particulier celui de l’horreur, X est une bonne surprise. Le long-métrage fait revivre aux spectateurs les grands frissons partagés à l’époque par d’autres générations. Des frissons qui n’ont rien perdu de leur force, et qu’on ne se lasse pas de ressentir, dans le noir…

Jérôme Magne